— Avouer mon secret, m'explique Vince en passant une main dans ses cheveux rouges, c'est mettre tout le groupe en danger. C'est aussi, me dit-il plus doucement, me confronter au souvenir de mon père que je n'ai plus jamais revu. J'en rêve parfois la nuit et je me réveille sans pouvoir retrouver le sommeil. Le poids de ce secret m'empêche de dormir. J'ai peur à chaque instant qu'on nous découvre et que le groupe soit rejeté... comme je l'ai été. Tu comprends ?
Je me rapproche de ce géant au cœur fragile.
— Oui, la peur du rejet, je la comprends très bien. Je ne dirai rien, Vincent. Et si un jour tu souhaites tout dévoiler au monde entier, je serai près de toi pour te soutenir.
Vince me sourit et me prend dans ses bras immenses. Il n'y aura plus de sujets tabous entre nous. Je comprends la peur de la trahison, la haine de soi-même, et à quel point cacher ses sentiments à ses proches est une épreuve de chaque instant.
— J'ai le droit de participer au câlin ?
Accroupi sur le rebord, Ethan nous observe avec un sourire bienveillant.
— Cette fois, je suis d'accord, dis-je. Je ne voudrais pas que tu sois jaloux.
Nous rions en sortant de la piscine et il nous serre tous les deux dans ses bras.
Je laisse les deux amoureux seuls. J'enfile le peignoir de Vincent, il m'assure que les serviettes lui suffisent amplement, tandis qu'Ethan se moque de lui, prétextant que la chaleur de son corps suffira à son amant.
En longeant les couloirs, je me rends compte que, pour la deuxième fois en quelques jours, je porte le peignoir de Vincent et que je suis entrée dans l'eau tout habillée. Je traverse l'auberge et passe devant la réception avant de monter dans ma chambre. La porte de l'entrée principale s'ouvre et laisse s'engouffrer un vent glacial ainsi que quelques flocons de neige. Je tremble de froid et m'immobilise devant l'accueil alors que deux yeux verts me toisent.
Je retiens mon souffle.
Damon porte d'énormes sacs débordant de provisions, ses larges épaules sont couvertes de neige et ses cheveux bruns dépassent de son bonnet humide. Il me dévisage sans un mot. L'instant de surprise semble durer une éternité.
Il analyse mon peignoir ainsi que les chaussures que je tiens à la main ; mon jean trempé dégouline sur le tapis.
— Tu prends encore des douches avec tous tes vêtements ? C'est ta nouvelle passion ? dit-il d'un ton malicieux.
Il plaisante ? Mes sourcils se froncent, j'ai envie de lui lancer une réplique bien sentie, mais en même temps, je me sens mal à l'aise. J'ai cru ne jamais le revoir. J'ai pensé qu'il me haïssait et qu'il me considérait comme une traîtresse. Je pensais devoir effacer à tout jamais son regard vert qui se posait si souvent sur moi.
Et lui, il se contente de m'envoyer une vanne en s'invitant chez moi ?
Devant le silence gêné et lourd qui s'installe, nous ne bougeons pas, prisonniers de nos sentiments mitigés.
La porte s'ouvre à nouveau et une tornade humaine, pleine de couleurs et de paquets, se précipite sur moi.
— Emy, ma chérie ! s'écrie ma mère en me prenant dans ses bras. Tu m'as manquée ! Fille indigne, va ! Tu ne donnes même plus de nouvelles, je me ronge les sangs et tu t'en moques ! C'est typique des jeunes qui prennent leur envol, mais quand même, pense à ta pauvre mère de temps en temps. Mais qu'est-ce que c'est que cette tenue ? Tu vas attraper froid !
Je suis noyée par son flot de paroles, prise entre son amour et ses reproches de mère possessive.
— Thomas a réservé toute l'auberge pour garder l'anonymat, se moque-t-elle. Franchement, comme si nous pouvions avoir des paparazzis dans le coin ! Il prend la grosse tête. Heureusement que ton ami m'a aidée à faire les achats de cette semaine. Pouvez-vous poser le tout dans la cuisine, jeune homme ? C'est la troisième porte à gauche, ordonne-t-elle.
Damon obéit en me lançant un sourire amusé. Ma mère a dû le traiter en sous-fifre sans reconnaître le chanteur des 4D, dont elle n'a que vaguement entendu parler grâce à mes sœurs. Et la voilà qui m'explique comment va fonctionner cette semaine avec mes collègues... Je hoche la tête et répète que j'ai bien compris, avant de monter me changer.
Quand je refais surface en version séchée-peignée-habillée, Damon est encore en train de ranger les achats dans les placards, et ma mère est penchée à côté de lui sur sa liste de courses.
— J'ai oublié d'acheter du pain ! s'écrie-t-elle. Emilie, peux-tu aller à la boulangerie ?
Damon me tourne le dos et continue de disposer nonchalamment les boîtes de sauces et de pâtes sur l'étagère.
Je préfère sortir prendre l'air quelques minutes pour éviter de lui parler. La boulangerie est un prétexte comme un autre. De toute façon, une question de maman est un ordre déguisé. J'acquiesce de bonne grâce et sors de chez moi après avoir enfilé un vieux manteau qui traînait dans un placard. Je n'ai pas la force de fouiller mes placards. Celui-ci, même s'il est un peu usé, fera l'affaire.
Je descends vers le centre-ville, laissant derrière moi notre auberge et les montagnes qui disparaissent dans le brouillard. Au bout de quelques mètres, j'entends des pas crisser sur la neige fraîche. Je me retourne pour voir qui me suit.
Les mains dans les poches, le regard sur les champs en contrebas, Damon s'avance vers moi.
Je hausse les épaules et continue en silence, le devançant largement. S'il veut me parler, libre à lui, mais je n'amorçais pas la conversation. Je ne sais même pas quoi lui dire. Mes doigts gelés tremblent et je souffle dessus, sans succès, pour les réchauffer. Il va se remettre à neiger, c'est certain, je le sens. Le ciel est blanc, empli de lourds nuages.
Les sons des pas derrière moi s'accélèrent et la silhouette de Damon apparaît à mes côtés.
😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈
RDV pour la suite demain à 20h
VOUS LISEZ
Midnight Song
Teen FictionEmy est l'assistante du groupe de rock le plus populaire du moment et ce n'est pas de tout repos. Cendrillon, vous connaissez ? C'est moi, Emy, mais avec 4 musiciens au lieu de deux belles sœurs et un manager à la place d'une marâtre. Il m'arrive...