Le train arrive sur le quai désert et me tire de mes souvenirs.
Le vent glacial de février souffle sur les rails et fait frissonner mon corps. Je serre mon sac contre ma poitrine. Je suis passée chez moi en urgence et je n'y ai mis que le strict minimum, pourtant il semble peser une tonne. La solitude et le chagrin sont-ils toujours aussi lourds à porter ?
Il est presque vingt et une heures. Le concert spécial Saint-Valentin a dû commencer. J'ai tellement contrarié Damon que ça doit se ressentir sur scène. Il n'est jamais aussi bon que lorsqu'il est sur les nerfs. Sa voix devient rauque et les filles en raffolent. C'est comme s'il hurlait sa colère, sa douleur et sa frustration.
Ce soir, au lieu des traditionnels spectacles avec fumigènes, effets de lumières, décors et drapeaux au logo des 4D, Music Channel a organisé un concert privé diffusé en direct.
J'imagine que cette session acoustique et intimiste plaira au public. Les garçons feront essentiellement des reprises de chansons d'amour connues. J'ai, à cette occasion, dressé une liste des classiques pour qu'ils y sélectionnent leurs préférés.
Bien sûr, Vince a repris chaque arrangement pour y mettre sa patte et Damon a pesté parce qu'il déteste chanter des textes qui ne sont pas les siens. Je ne comprends pas toujours ce qu'il écrit. Ses paroles sont souvent à double sens et si subtiles que parfois leur signification m'échappe. Ethan, lui, les adore. Il y voit plein de connotations sexuelles... Mais ça, c'est Ethan. Il pourrait même trouver une comptine pour enfant sensuelle ! Léo s'est souvent moqué de moi en disant que je ne pouvais pas comprendre le cœur des hommes. Je crois plutôt que je ne comprends ni celui de Damon ni celui de Thomas.
Non, je ne comprendrai jamais Damon. Il est trop secret. Sa timidité est un immense bouclier dont il ne se sépare que sur scène. On l'y voit fragile et sensible, torturé et malheureux, tout ce qu'il cache dans sa vie de tous les jours. Tout ce qu'il dissimule sous une colère feinte en permanence. De même, je ne comprendrai jamais ce que Thomas abrite sous cette apparence professionnelle et détachée.
Je monte dans le train qui doit se diriger vers mes montagnes. Mes yeux se ferment de fatigue et je ne fais même pas l'effort d'essuyer mes larmes. À quoi bon...
Après un changement, je débarque au beau milieu de la nuit dans ma petite ville. Il fait si froid que je suis gelée de la tête aux pieds. pourtant je me sens rassurée. Ici, c'est chez moi.
Il est un peu tard, alors j'ai peur d'inquiéter maman en arrivant à cette heure. Elle risque d'appeler la mère de Thomas et d'en faire toute une histoire. Je suis une adulte, mais elle me traite comme une enfant. Je ne la changerai pas. Comment faire pour ne pas l'alarmer en surgissant en pleine nuit ? Elle va me bombarder de questions...
Je décide de temporiser mon retour en me cachant chez ma marraine. Elle m'évitera l'interrogatoire. Enfin, je l'espère.
Lorsque mon doigt appuie sur la sonnette de son immense maison, je me rends compte que je suis une filleule bien étrange qui débarque sans prévenir. J'ai vu de la lumière filtrer des volets de son salon, elle ne doit pas encore dormir.
- Emilie ! s'écrie-t-elle en ouvrant la porte aussi largement que ses bras. Ton train a eu du retard, n'est-ce pas ? Je t'attendais vingt minutes plus tôt ! Entre donc, il fait un froid de canard ! J'ai aussi invité Lolotte à se réchauffer à l'intérieur. Nous allons discuter entre filles ! Enfin, avec Lolotte on va piailler !
Elle rit et me pousse vers le salon. Il y a un grand feu de cheminée et un service à thé avec deux tasses. M'attendait-elle ?
Ma marraine s'installe en se calant confortablement dans un grand fauteuil rempli de coussins et m'invite à en faire de même sur son sofa. Lolotte sur le tapis me fixe de ses yeux noirs. Je devrais être surprise de voir une poule dans son salon, mais Lolotte n'est pas n'importe quelle poule, c'est la poule aux œufs d'or de ma tante. Entendez par là, une poule de concours qui vit comme une princesse et se balade librement entre les meubles comme un chat domestique. Je suis habituée. Lolotte compte parmi ses créatures préférées avec sa jument qui se prend une licorne.
- Alors, demande ma marraine en me servant une infusion au tilleul, où en es-tu de ta vie, ma gentille princesse ? Que fuis-tu aujourd'hui ?
- Pourquoi dis-tu que je fuis ?
- Cendrillon fuit toujours, ma chérie. C'est le principe. Il lui faut du temps pour savoir ce qu'elle veut vraiment.
- Tatie, ce n'est pas parce que je t'ai dit que Cendrillon était mon conte de fées préféré quand j'avais quatre ans que tu dois me le ressortir à chaque fois.
- Cendrillon est très obstinée, tu sais. J'en ai connu des Cendrillon : elles sont toutes différentes, mais elles ont toutes deux points communs. Premièrement, elles veulent être aimées pour ce qu'elles sont réellement et, deuxièmement, le prince doit leur courir après, sinon elles ne comprennent pas à quel point il les aime.
- Personne ne me court après !
- Mais tu aimerais bien, pas vrai ?
- N'importe quoi !
- Donc ma chérie, tu es là ce soir parce que tu ne fuis pas ?
- Je... euh...
Je ne sais pas quoi répondre. La conversation prend une drôle de tournure. Elle aborde toujours les thèmes de façon impromptue et étrange et ça finit toujours par une leçon de vie. Qu'est-ce qu'elle va inventer cette nuit ?
D'un côté, elle vient de marquer un point. J'ai quitté Paris et les démons. Mais j'avais une bonne raison : Damon ! Ou plutôt, Léo. C'est pour lui que j'ai conclu ce pacte m'obligeant à mentir à Thomas. Enfin... je crois. Mon esprit s'embrouille. Il est un peu tard pour réfléchir.
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Rdv demain !
Et si tu demandes si la marraine est effectivement intervenue dans la vie d'une autre Cendrillon, n'hésite pas à la retrouver aussi dans Cinderella Online (cette fois dans l'univers de la mode au lieu du rock), dispo en intégralité sur mon compte.
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Midnight Song
Teen FictionEmy est l'assistante du groupe de rock le plus populaire du moment et ce n'est pas de tout repos. Cendrillon, vous connaissez ? C'est moi, Emy, mais avec 4 musiciens au lieu de deux belles sœurs et un manager à la place d'une marâtre. Il m'arrive...