Midnight Song

41. Des vacances ?

Les garçons sont déjà sur le plateau de tournage. La nouvelle émission de Gossip Boy sur Music Channel est lancée en grande pompe. Le décor ressemble à une chambre d'adolescent fantasmée. On y retrouve un large sofa, un écran plat pour jouer aux jeux vidéos, un lit double, des poufs en tissus, des étagères pleines de art toys, de mangas et de bandes dessinées. Les murs sont recouverts d'affiches de stars et de dessins animés. Les décorateurs se sont inspirés de la chambre du blogueur, qui a été connu pour ses vidéos trashs et ses critiques acerbes.

Gossip Boy est une ordure de la pire espèce et à présent, on encourage sa méchanceté gratuite. Cette reconnaissance va le rendre incontrôlable. Bien sûr, il joue gros. Music Channel ne gardera pas en prime time une émission si l'audience est médiocre. Le présentateur le sait. Inviter les 4 D est donc une idée de génie, car non seulement ils sont le groupe le plus populaire du moment, mais en plus leur haine du présentateur est si connue qu'elle laisse présager de bonnes surprises sur le plateau.

Si le manager avait pu éviter cette soirée aux garçons, il l'aurait fait. Cependant la 3M pour laquelle il travaille est en lien direct avec la chaîne musicale. Les pressions ont donc dû être assez fortes pour qu'il soit forcé d'accepter. Les garçons sont énervés et tendus, mais je pense que Lucifer est le plus furieux de tous. Il a l'impression de trahir ses amis. Je le vois parler avec Ethan, puis se placer derrière une des caméras. Il ne va rien louper de toute la soirée. S'il y a un dérapage, il gérera. J'admire son ingéniosité. Il ne se laisse jamais abattre et fait tout ce qu'il peut pour que le groupe reste soudé.

Mais à partir de ce soir, c'est fini. Je ne l'aiderai plus. Je ne ferai plus partie de ses solutions miracles. Je pars et c'est une chose qu'il ne me pardonnera jamais.

Je me rapproche de lui en inspirant pour me donner du courage.

- Thomas... Je crois que je vais prendre des congés, finalement.

Thomas fronce un sourcil perplexe. Son costume sombre lui donne un air si mature et ses cheveux bien peignés me rappellent qu'il n'est plus le fan de rock de notre enfance. C'est un adulte et il a réussi dans le milieu qui le faisait rêver.

J'inspire un peu plus fort et expire. J'observe Damon s'installer sur le canapé du plateau. Des assistants placent un micro-cravate sur sa chemise noire. Je dois disparaître avant que l'émission ne débute, comme je l'ai promis.

- Comme tu veux, dit Lucifer un peu étonné. Combien de jours ? Deux ou trois ?

- Trois, c'est bien. Je voudrais partir tout de suite.

- Maintenant ? Avant le concert ? Mais nous avons besoin de toi. Pourquoi si vite ?

- C'est... En fait, je...

Je ne trouve pas les mots. Je dois partir si je veux sauver Léo, je dois le faire tout de suite, sinon Damon va changer d'avis. Je ne sais pas quoi inventer comme excuse...

Thomas fronce les sourcils devant mon mutisme.

- Tu m'en veux à ce point ? demande-t-il. Je te demande pardon, Emy.

Je ravale ma salive. Je ne veux pas qu'il puisse penser que je pars à cause de lui !

- Ce n'est pas ça...

Ma voix se casse.

- Alors pourquoi ? insiste-t-il, et je sens son ton devenir suppliant.

Il me cherche du regard, mais je détourne le visage. Je ne veux pas croiser ses yeux d'or, ma mauvaise foi serait démasquée. Je mens si mal.

- Je suis juste fatiguée, dis-je pour couper court à la discussion.

J'ai peur de devoir argumenter davantage, mais c'est un son métallique que je perçois, alors que les lumières externes au plateau s'éteignent. Thomas dépose dans ma main gauche un trousseau de clés.

- Tu seras tranquille, je ne viendrai pas t'ennuyer, m'assure-t-il. Je vais t'appeler un taxi, il te déposera à la bonne adresse.

- Chez toi ? Non, je...

- C'est bon, Emilie. Je sais que tu ne veux pas te retrouver au milieu de tes cartons. Tu peux partir tout de suite. On se verra après. Je ne te retiens pas plus longtemps.

Si Lucifer me croit chez lui, il ne viendra pas me chercher. Je n'ai, de toute façon, plus assez de courage pour argumenter avec lui. Le moindre faux pas et il risque de se poser des questions - même s'il n'en comprendra pas les raisons. Il me connaît par cœur depuis si longtemps. Lui mentir est quasiment impossible.

- Merci, je laisserai les clés à la concierge.

- Pas la peine, il suffira que tu me les rendes quand on se verra.

Je hoche la tête. On ne se reverra plus. Mais il n'y a que moi qui le sais.

- Je suis désolée de partir ainsi.

- Travailler dans ce milieu est stressant, je le sais bien.

Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce n'est pas pour cette raison que je m'excuse, mais il ne le comprendra que trop tard. Et la trahison sera si grande qu'aucun pardon ne sera possible. La traîtrise est une chose que Thomas condamne à chaque fois. Le mensonge lui est insupportable. Il était déjà fâché lors de ce code rose. Là, c'est d'un autre niveau.

Devant mon air peiné, il se penche vers moi :

- Emilie, est-ce que tu as besoin de quelque chose ?

Il pose sa main sur mon épaule pour me prouver qu'il ne m'en veut pas, qu'il s'inquiète tout simplement. Il agissait déjà ainsi quand j'étais adolescente. Lorsque, certains jours, j'avais peur d'aller au collège, terrassée par l'angoisse de croiser les populaires.

J'esquisse un sourire et recule légèrement.

- J'y vais, dis-je ne sachant pas comment le quitter sans pleurer.

Je me dirige vers la sortie comme on s'enfuit, en serrant ses clés contre moi.

Pardon, Thomas. Tu m'as dit que je ne devais plus jamais te mentir, mais cette fois c'est pour le bien de Léo. Tu m'as dit que j'étais ton assistante, mais je suis aussi l'amie des garçons. J'ai fait une promesse à Damon, c'est ma décision. Pardon, ce sera mon dernier mensonge. Tu pourras enfin engager un assistant compétent. Il ne s'impliquera pas de façon si personnelle et prendra les choses avec philosophie et recul. J'ai cru que je pouvais agir avec professionnalisme, mais mon cœur est avec les démons. Il a été dévoré depuis longtemps. Partir est une bonne chose, parce que la vérité, c'est qu'à la fin de mon stage, jamais je n'aurais réussi à quitter le groupe. J'espérais tellement pouvoir rester avec eux.

Léo me fait un petit signe de main en s'affalant sur un pouf du plateau. Je lui souris avant de sortir.

Léo, ne m'en veux pas, je t'en supplie.

Dehors, il fait si froid. C'est sûrement pour cette raison que je tremble autant.

Mon taxi arrive enfin.

😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈

Je vous prépare une suite aux petits oignons, les ami.e.s....  Je ne vous dis que ça...