Midnight Song

15. Le cadeau

J'avais oublié cette histoire de bijoux. Comment vais-je le découvrir ?

Léo a tendance à se braquer ou à se mettre en colère quand on aborde sa vie privée. Je soupire en mettant un jean noir, pioché dans mon sac d'urgence. Mon reflet dans le miroir me fait presque rire. Avec ce pull de la tournée, j'ai le look d'une fan des 4 Devils avant un concert... mais sans le maquillage punk-gothique ou flashy habituel.

Mes yeux marron ne sont pas fardés et je n'ai pas d'anticerne pour masquer mon manque de sommeil. Je ressemble quand même à ces adolescentes qui suivent Léo partout. Si je ne travaillais pas pour eux, moi aussi je serais fan des 4D. Comme mes petites sœurs qui les adorent.

Jamais je n'aurais cru être l'assistante de ces garçons, dont les posters immenses tapissent la chambre des jumelles. Si elles savaient que derrière ces portraits retouchés se cachent quatre hommes aux tempéraments complexes qui prennent un malin plaisir à torturer leur grande sœur, comment réagiraient-elles ? Je vois déjà leurs airs indignés d'ici. Elles me défendraient et m'interdiraient de travailler avec eux.

En quittant ma ville natale, j'ai simplement dit que je travaillerais pour Thomas et la Triple M, mais je n'ai pas évoqué les 4D. Je n'ai pas le droit de laisser filtrer la moindre information. Cela fait partie de la politique de confidentialité de mon contrat. Je suis au courant de beaucoup des secrets du groupe parce que j'ai promis de me taire.

Les anecdotes de leur quotidien ou les sombres histoires de leurs passés, leurs allergies, leurs manies, leurs envies, leurs relations amoureuses, leurs disputes ou les stratégies de communication, tout cela doit rester caché du grand public. Je suis un élément de leur vie et je dois tenir ma langue. Jusqu'ici j'ai tout fait pour respecter cette ligne de conduite. C'est ainsi que j'ai gagné une petite partie de leur confiance.

Je travaille depuis sept semaines pour le groupe, ce n'est pas tant que ça. Même si je vis presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre au rythme de leurs exigences, de leurs déplacements et de leur planning serré, ça ne fait pas de moi leur confidente intime. Comment pourrais-je exiger que l'un d'eux me livre ses secrets ? Comment pourrais-je demander à Léo pour qui est le bijou... une veille de Saint-Valentin ! C'est gênant ! Je ne veux pas mentir à mon petit diablotin juste parce que Lucifer veut tout savoir.

Je me dirige vers la chambre de Léo et frappe à sa porte. Je préfère être honnête avec lui, je déteste l'idée de lui mentir.

— Je révise encore, Thomas ! Je n'ai pas fini !

— C'est Emy.

La porte s'ouvre d'un coup. Léo attrape mon bras et me fait rentrer.

— Es-tu seule ?

— Oui, pourquoi ?

— Parce que je ne lis pas du tout le dossier pour l'interview, je joue à un jeu vidéo. Si Lucifer l'apprend, il va me faire griller au bout de sa fourche.

Je ris en m'asseyant sur son lit. Il me tend une manette. Je deviens sa complice et nous tuons ensemble allègrement d'innocents zombies dans des tunnels souterrains.

— Léo, dis-je alors que je fais exploser la tête d'un mort-vivant, je dois te poser une question.

— Laisse-moi deviner ! Lucifer t'envoie en espionne de choc, pas vrai ?

Je hoche la tête alors que mon score dépasse légèrement le sien.

— Dis-lui qu'il ne doit pas s'inquiéter. Je ne vais pas offrir de pendentif à une belle inconnue ou à mon amour du moment. En réalité, hier ce n'est pas moi qui ai acheté un truc à la bijouterie. Je n'étais là que pour aider à choisir.

Léo gagne des points tandis que ma jauge de vie décroît, j'ai du mal à garder mon avantage.

— J'ai gagné ! Haha ! Va falloir t'entraîner pour me battre, ma vieille !

— Aider qui à choisir ? je demande, intriguée.

Léo pose sa manette et penche son doux visage vers moi.

— Je ne gagne rien à te le dire, Emy. Mais, si tu me fais des spaghettis à la bolognaise, je peux y réfléchir.

— Tu ne penses qu'à manger.

— Non, voyons. Parfois, je pense aussi à toi.

Nos regards se croisent. Léo est un très beau garçon, nous n'avons que deux ans d'écart. Quand on y pense c'est peu. C'est un homme aussi, comme Ethan ou Lucifer, mais quoi qu'il fasse, j'ai toujours envers lui cette attitude de grande sœur. Je ne peux pas agir autrement. Je ne veux pas le voir comme ses fans : un homme sensible et timide qui se cache derrière les sons bruts de sa batterie au fond d'une scène bruyante. Je préfère qu'il se plaigne et s'agrippe à moi, comme un enfant. De cette manière, je me sens utile. Lui faire à manger ou jouer à ses jeux vidéos, j'en suis capable. Faire plus me semble impossible, je ne suis qu'une assistante.

Je lui pince les joues.

— Léo ! Ne joue pas à ça avec moi ! C'est encore une réplique toute faite signée Lucifer, n'est-ce pas ?

— Aïeuh, lâche mes joues ! Emy, t'es pas sympa ! Tu pourrais me dire que je progresse quand je dois m'entraîner à dire ces trucs stupides ! C'est stressant pour moi, ces interviews ! Je ne peux pas remporter le pari, mais si jamais c'est le cas : nous irons tous les deux à la fête foraine manger des barbes à papa, d'accord ?

— Bonne idée !

— Et aussi des gaufres, des churros, des pommes d'amour, des bonbons, et...

Il se lève et se dirige vers son bureau, prend un petit paquet et me le pose sur les genoux.

— Au fait, sourit-il, c'est pour toi. Bonne Saint-Valentin !

Tu aimes Léo ? Ou juste les crêpes ? Alors pense à me laisser un petit vote ;) 

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