34. Enfer et Paradis (flashback)

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Au petit matin, Thomas était tout contre moi. Il me souriait et ses yeux dorés ne quittaient pas mon visage. Je n'avais jamais vu Lucifer aussi paisible. Ses doigts jouaient avec mes cheveux, il embrassait mon front en me disant que j'étais jolie. Ce moment est éternellement gravé dans mon souvenir comme un instant de grâce ressemblant de près au paradis.

Son téléphone se mit à sonner, nous ramenant brusquement à une étrange réalité. Tandis qu'il décrochait, je regardais par la fenêtre. Il faisait jour, la pluie avait cessé. Mes chaussures étaient toujours posées près de sa guitare.

Je m'étais levée doucement, attrapant au passage des vêtements sur une chaise. Je m'habillais sous le regard tendre et amoureux de l'homme que j'aimais. Il hochait la tête d'un air distrait. Un de ses amis venait de lui annoncer que les résultats des concours étaient publiés sur Internet.

Nous descendîmes à la cuisine pour déjeuner. Thomas fixait l'écran de son portable. Il avait réussi plusieurs examens d'entrée. Rien de surprenant. Il était l'un des meilleurs élèves de sa prépa et étudiait sans relâche. Le groupe était sa seule autre activité, mais sa passion nourrissait son parcours universitaire. Il ambitionnait d'intégrer l'industrie musicale mais côté management. Soudain, je le vis sourire de cet air que j'aimais tellement. Il était heureux. Il venait sûrement de décrocher la place qu'il convoitait tant. En levant les yeux de son téléphone, il me vit lui sourire en retour et soudain il se referma – comme si un voile venait d'obscurcir son regard.

— Une bonne nouvelle ? avais-je demandé, ne sachant pas vraiment de quoi il s'agissait.

— J'ai réussi le concours de l'une des meilleures écoles de commerce du monde, commença-t-il, mal à l'aise.

— Mais Thomas, c'est génial ! m'étais-je écriée. Pourquoi fais-tu cette tête ? C'est une excellente nouvelle !

— Emy, c'est un cursus très exigeant et je vais devoir travailler comme un damné. Je ne pourrai pas trop venir te voir.

— Dans ce cas, c'est moi qui viendrai te voir, avais-je répliqué pour le calmer.

— Tu ne comprends pas... L'école est à Paris et la moitié de mes études se fera à l'étranger.

Mon bol de chocolat chaud resta figé à quelques millimètres de mes lèvres. Paris était si éloignée de nos montagnes. Presque l'autre bout du monde ! J'ignorais que Thomas envisageait de partir si loin. Je n'avais pas de voiture et aucun argent pour le train. En plus, cette année-là, je préparais le bac. Mes parents ne m'auraient jamais laissé voyager à ma guise... Quant à l'étranger...

Les yeux de Thomas fixaient le réfrigérateur à la recherche de mots rassurants.

— Et le groupe ? avais-je murmuré.

Je n'osais pas dire : « Et moi ?! »

— Le groupe, c'était pour m'amuser. Je ne pense pas que nous aurions eu beaucoup de succès. Les garçons n'ont pas le niveau pour une carrière pro. Moi-même, je ne serai jamais un aussi bon musicien qu'Ethan. Je le sais depuis longtemps. C'était un passe-temps.

— Ce n'était pas sérieux pour toi ?

J'avais l'impression qu'il parlait de nous. Moi, j'avais passé des heures à l'aider à promouvoir son groupe dans la région. Je l'accompagnais partout, j'étais leur première fan et leur soutien logistique. Je gérais tout : leur budget, leur planning, les réservations de salles et leur site Internet. De la même manière que Dan était un membre à part entière, car il composait toutes leurs chansons, j'étais l'équipier de l'ombre. Thomas nous abandonnait donc ainsi ? Nous n'étions pas assez bien pour lui ?

Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant