25.Premier concert (flashback)

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Au bout du parc, Thomas m'attendait. Il était debout devant une voiture. Il n'avait que dix-sept ans et pas de permis, ce n'était donc pas la sienne. Qui nous emmenait ?

Il m'ouvrit la portière et prit place à côté de moi sur la banquette arrière. J'étais étonnée :

— Sophie n'est pas là ?

— Non, avait-il répondu en haussant les épaules. Et tu ne lui diras rien, car sinon mes parents vont être au courant et ils en feront tout un drame.

— On ne peut pas non plus ramener toutes les collégiennes du monde à un concert de rock alternatif, avait lancé une drôle de voix depuis le siège passager.

C'était un garçon. Je ne voyais pas sa tête, elle était cachée à la fois par une énorme écharpe et une capuche noire.

— Il va se calmer le collégien ! s'était moqué Thomas. Il est timide avec les filles, alors ne t'en fais pas s'il paraît parfois agressif, m'expliqua-t-il.

— Arrête de m'appeler comme ça ! avait rugi le garçon sans se tourner vers nous.

— Arrêter de t'appeler comment ? Collégien ou Timide ? se moquait Lucifer. Et voici Vincent, notre gentil chauffeur, avait-il continué tout en ignorant l'encapuchonné.

— Bonjour, enchantée ! avais-je répondu timidement.

Le chauffeur, couvert de tatouages, ne décrocha pas un mot du voyage, tandis que le chaperon noir et Thomas discutaient musique et noms de groupes inconnus. Qu'est-ce que je faisais là ? Pourquoi Lucifer m'avait-il invitée ? Ces garçons à l'allure bizarre étaient-ils ses amis ? Est-ce que je devais tenir ma langue et ne rien dire à Sophie ? Comment cacher un secret à ma meilleure amie ? Mais je ne pouvais pas non plus trahir la confiance de Thomas... Dilemme.

Comme à son habitude, Lucifer était vêtu en noir de la tête aux pieds. Baskets défoncées, jean large, t-shirt avec le logo d'une guitare tirant la langue et blouson en cuir bardé de fermetures Éclair. Ses cheveux avaient poussé et bouclaient légèrement dans sa nuque ; ils avaient un peu perdu leur reflet roux pour prendre une teinte plus sombre. Son visage semblait plus allongé et sa mâchoire plus carrée que dans mes souvenirs. Il n'était plus ce diablotin au minois poupon et rond que j'avais rencontré enfant. Ses joues mal rasées et ses sourcils noirs dévoilant son regard doré ne m'effrayaient plus. Il avait tellement changé en si peu de temps que j'en étais perdue...

Était-ce dans les bras de cet étranger que j'avais pleuré comme une Madeleine ? Thomas me semblait différent ; je ne le reconnaissais plus. Sa voix était aussi plus grave et profonde. Chacun de ses mots résonnait en moi. Mes mains serraient mon petit sac sur mes genoux, comme pour me redonner du courage. J'étais mal à l'aise au milieu de ces garçons. Où allions-nous ? Je n'avais même pas pensé à poser la question.

Nous roulions sur de petites routes de campagne, à peine éclairées. Puis nous arrivâmes dans un coin éloigné de tout, où se dressait un unique bâtiment carré dénué d'esthétique. C'était, je l'appris par la suite, « L'Usine ». Cet endroit faisait partie des salles de concert que Lucifer avait sélectionnées un an plus tôt, en espérant y jouer avec son futur groupe. Dehors, il y avait déjà une file de gens qui attendaient l'ouverture.

L'encapuchonné – dont j'ignorais toujours le prénom – trépignait d'excitation tandis que le viking se dirigeait d'un pas sûr vers la queue. Je suivais Lucifer, curieuse et angoissée. Lorsque nous étions enfin entrés, les garçons filèrent comme des flèches, jouant des coudes à travers les spectateurs, vers le devant de la scène. Thomas les laissa s'évanouir dans la foule et m'entraîna au fond ; il ouvrit une petite porte et nous fit monter par un escalier étroit sur une plateforme – sûrement réservée aux techniciens. Nous étions donc seuls avec un panorama incroyable sur toute la salle. Je pouvais distinguer le collégien et le tatoué parmi les gens. Ils étaient si proches de la scène qu'ils auraient presque pu grimper dessus.

— Tu ne veux pas rejoindre tes amis ? demandai-je à Thomas.

— Non, la fosse c'est trop dangereux pour toi. Et puis d'ici, je verrai mieux. Le groupe ne m'intéresse pas tant que ça, c'est surtout un de leurs musiciens que je suis venu voir. J'en suis fan.

— Toi, tu es fan de quelqu'un ?

Je souriais, cela paraissait impossible que Lucifer admire qui que ce soit. Thomas commença à me parler de ce mystérieux musicien. Selon ses dires, c'était un génie. Sur la scène régionale, il était connu pour ne s'impliquer dans aucun groupe de manière durable. On faisait appel à lui pour certains concerts ou des enregistrements de maquettes. C'était un indépendant complètement fantasque qui n'aimait pas appartenir à un unique groupe et voulait préserver sa liberté.

Soudain, les lumières de la salle s'éteignirent et le grondement de la foule se mua en cris d'impatience ; le groupe venait de monter sur la petite scène. Je ressentis aussi l'excitation et l'envie de bouger lorsque le solo de guitare sortit des amplis. Une sorte de hurlement électrique. Je sus en l'entendant, et avant même de le voir, que ce guitariste était hors norme, qu'il avait quelque chose de spécial et ainsi pourquoi Lucifer le mettait sur un tel piédestal.

Les lampes crues de la scène s'allumèrent. La foule sautait à l'unisson au rythme des refrains violents. Moi, j'étais subjuguée par le guitariste. J'avais l'impression qu'il n'y avait que lui sous les feux des projecteurs. Il était torse nu sous sa longue chemise noire, ouverte et trouée ; ses yeux, soulignés par un trait d'eye-liner, lui donnaient une allure de vampire. Son côté gothique était renforcé par une peau diaphane et des cheveux de jais coupés en carré long, qui se balançaient au rythme de la musique. Voilà comment j'ai rencontré celui qui, plus tard, deviendrait le guitariste des 4 Devils... Celui que j'allais devoir gérer... Mais à l'époque, j'étais simplement hypnotisée par son charisme. Il donnait l'impression de mettre un fragment de son âme dans chacun de ses accords.

C'était Ethan, il avait dix-neuf ans.

Après le concert, Thomas était convaincu qu'il fallait l'intégrer à ses ambitieux projets. L'encapuchonné et le barbu se moquaient de lui. Finalement, nous nous étions retrouvés dans l'appartement du Viking pour un dernier verre. J'avais dit à mes parents que je sortais, je n'avais pas précisé quand je rentrerais. Ils croyaient que j'étais avec Sophie. Encore un mensonge pour rester avec Lucifer.

Un peu avant minuit, les garçons me raccompagnèrent à l'auberge. Thomas sortit de la voiture pour faire avec moi les quelques pas qui nous séparaient de ma porte...

😈😈😈😈😈😈😈😈😈

La team Emas (Emy + Thomas) est lancée dans les commentaires (oui, oui, je vous lis aussi). J'espère que ce chapitre vous a plu.

Rdv demain 20h !

Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant