Midnight Song

57. Refusée !

Ethan a insisté pour me porter jusque dans l'entrée afin d'éviter que je ne glisse sur la neige en chaussons. C'est donc dans les bras du plus séducteur des démons que je pénètre chez moi.

Un immense carton a été déposé devant la minuscule réception. Mes sœurs font des sauts de cabri tout autour. Près d'elles, je reconnais Léo avec un bonnet bleu et un pull dont le col remonte jusqu'au menton. Il garde ses lunettes de soleil en souriant, tandis que Vince déplace le paquet pour ne pas gêner le passage.

À peine ai-je posé le pied par terre que j'entends les jumelles pousser des cris.

- C'est vrai ? s'excite ma sœur Amanda en s'agenouillant près du carton. C'est le dernier modèle de compétition ? Et tu me le donneras vraiment ?

- Parfaitement ! approuve Léo. Je ne peux pas ramener cette luge à Paris. Je l'ai commandée pour en profiter ici, mais après je te la laisse.

Mes tympans explosent.

- Amanda, voyons ! tente de la calmer ma sœur Eve. Tu ne peux pas accepter un cadeau d'un inconnu. Maman ne sera pas d'accord !

- Mais ce n'est pas un inconnu, c'est un collègue d'Emy. C'est bon, non ?

- Techniquement je dirais que... commence Eve en prenant un air sérieux.

Soudain les filles me voient dans le couloir et rient aussitôt en courant vers moi. Amanda me saute au cou :

- Emy ! Oh, tu m'as tellement manquée !

- Hé, mais moi aussi ! se plaint Eve en faisant la moue. Je veux un câlin !

Nous nous serrons dans les bras. Mes sœurs sont mes trésors !

- Je peux me joindre au câlin groupé ? demande Ethan avec un sourire.

- Non ! dis-je. Tu ne t'approches pas de mes petites sœurs !

Les filles reculent et observent le guitariste. Je crois qu'Amanda retient légèrement sa respiration devant le beau vampire en tenue gothique, mais il est hors de question qu'elle le trouve séduisant ! Elle n'a que treize ans, Ethan est bien trop vieux.

- C'est une luge ? je demande en indiquant le colis, pour changer de conversation.

Je sais qu'Amanda est une fan des sports de glisse - sa deuxième passion après les 4 Devils. Eve entame aussitôt un laïus sur ce qu'on a le droit d'accepter ou non d'un inconnu. Elle est si sérieuse, cela m'a toujours fait sourire. Les jumelles sont aussi différentes dans leurs caractères que physiquement. Amanda est brune comme la nuit et parle avec emphase ; Eve est une rousse au look de première de la classe avec une répartie cinglante.

Léo s'avance vers nous avec un immense sourire. De toute évidence, il ne m'en veut pas. Il n'est pas au courant de ma démission non plus.

- Je peux dire à tes sœurs que je ne suis pas un complet inconnu, Emy ? me demande-t-il en indiquant ses lunettes qu'il veut enlever.

Je hoche la tête. De toute façon, elles finiront par le reconnaître. Il sait que mes sœurs comptent parmi ses plus grandes admiratrices et il a sûrement hâte de leur faire la surprise.

Les jumelles fixent Léo alors qu'il enlève son bonnet et ses lunettes. À la vue de ses yeux bleus et de ses boucles blondes, Amanda se raidit dans un silence que je ne lui connais pas, tandis qu'Eve se cache derrière mon dos, légèrement tremblante. Est-ce qu'elle pleure ?

- Léo ? murmure Amanda, prête à s'évanouir.

- Oh mon dieu, c'est pas vrai ! Ce n'est pas possible ! sanglote Eve paniquée. Léo est chez moi, Léo est là ! Mais alors...

Elle regarde Ethan et Vince qu'elle reconnaît malgré leurs chapeaux et lunettes.

- Ce sont... les 4D ?

Elle manque de s'étrangler sur place et porte la main à sa bouche pour ne pas crier.

- Bon, maintenant que les présentations sont faites, sourit Léo qui a l'habitude des effusions, si nous allions faire un bonhomme de neige ?

- On pourra prendre des selfies  ? demande Amanda qui doit déjà penser à étaler son nouvel ami sur les réseaux.

- Pas question ! reprend Eve. Ils doivent être là incognito ! Pas vrai, Emy ?

- Aucune photo ! annonce une voix depuis la réception. Nous sommes là pour les vacances. Nous ne souhaitons pas rameuter la presse ou les fans. C'est clair, les filles ?

Les jumelles hochent la tête en silence. Lucifer s'avance vers nous avec un air sérieux et ennuyé.

Thomas se plante devant moi. Comment suis-je censée agir ? Il m'avait donné trois jours de congé, j'ai pris une semaine. Je n'étais pas joignable, car mon téléphone était resté chez lui. S'il a débarqué ici en prétextant des vacances pour le groupe, c'est qu'il a une idée derrière la tête.

- Emy, je vois qu'Ethan t'a trouvée chez ta tante, comme je le pensais. J'ai fait réserver toute l'auberge pour que nous soyons seuls, sans public. Je voudrais voir certains détails logistiques avec toi. Cependant, tu devrais peut-être te changer avant de m'aider.

Je baisse les yeux sur mon pyjama informe et mes pantoufles en peluche en forme de têtes d'ours polaires. Je suis ridicule. Pourtant ce n'est pas ma tenue le problème, c'est mon absence de réaction devant le regard doré de Thomas. J'évite ses yeux et détaille le hall. Vince et Ethan discutent dans un coin et prennent la direction du spa, tandis que Léo s'éclipse avec mes sœurs.

Je tente d'esquiver Thomas en prétextant un nécessaire changement de tenue et file dans ma chambre à l'étage, mais il m'emboîte le pas en silence. J'ai beau accélérer dans les escaliers et filer comme une flèche dans le couloir, il marche plus vite que moi. Lorsque je rentre dans ma chambre, il ne se fait pas prier et me colle de si près que je ne peux pas lui refermer la porte au nez.

En silence, comme s'il était chez lui, il s'assied sur mon lit et me regarde en penchant son beau visage sur le côté. Une mèche châtain caresse son front. Ses mains sortent un papier de sa poche de chemise.

- Peux-tu m'expliquer ceci ? demande-t-il froidement.

Je reconnais ma lettre de démission. Je n'ose pas répondre et fais mine de chercher un pull dans mon armoire.

- Crois-tu que je vais te laisser nous planter ainsi, Emy ? Sur un petit mot tellement mal écrit que j'ai eu du mal à déchiffrer tes pattes de mouche ?

- J'ai écrit de la main gauche, j'ai fait ce que je pouvais. Dois-je te taper cette lettre sur ordinateur ? dis-je en jouant la carte de l'humour tout en gardant le dos tourné.

J'entends le bruit du papier qu'on déchire et ma lettre tombe à mes pieds en morceaux.

- Cette démission est refusée ! annonce-t-il derrière moi.

Le souffle de Thomas est dans mon cou.

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Rdv demain !!!