66. Vision du passé

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Je m'arrête, incertaine, et regarde en contrebas. Nous ne sommes pas loin de l'auberge, mais, avec l'altitude et ce brouillard, je ne la vois déjà plus. Un flocon tombe sur mon nez. Puis un autre, sur ma joue. Il neige. Le vent accélère sa course. C'est mauvais ! Nous devons rentrer avant qu'il ne soit trop tard. Je me retourne pour crier à Damon de faire demi-tour ! Il ne faut pas faire un pas de plus vers les sommets.

Au loin, je distingue soudain une silhouette sombre. Une capuche noire, une écharpe remontée jusqu'au nez. Mon cœur explose et un soupir m'échappe inconsciemment. L'encapuchonné ? Je me précipite vers l'homme qui me tourne le dos. Que fait-il ici ? Je me mets à courir. Mon cœur dans ma poitrine fait des bonds et les larmes me montent aux yeux.

— Ne t'en vas pas ! je crie.

Mes mains se tendent à travers l'épais nuage blanc. 

« Dan, je t'en prie, reviens ! Ne me quitte pas ! »

 Une porte vient de s'ouvrir sur des souvenirs enfouis. Dan ! C'est après lui que je courais ce jour d'été caniculaire. C'est lui que j'appelais comme une damnée. Le quai désert de la gare était tout ce que j'avais réussi à obtenir. Le train était déjà loin. « Dan ! Pourquoi m'as-tu laissée ? »

Je dérape sur une plaque de verglas et m'effondre dans la neige. Mes larmes coulent sans que je comprenne pourquoi. Pourquoi est-il parti ? Mes mains tremblent sur mes joues. Dan, Dan... Je ne me souviens pas bien. Ma marraine avait raison. J'ai oublié. 

Je l'ai oublié.

Pas totalement, car des bribes de mon adolescence refont surface... Mais jusqu'à quand ? Après la boîte de nuit ? Après ma nuit avec Thomas ? Il y a comme un trou béant dans mon autobiographie. Comment l'encapuchonné était-il sorti de ma vie ? Pourquoi et quand était-il parti ?

Une main se pose sur mon épaule et je sursaute.

— Tu pleures ? s'étonne Damon. T'es-tu fait mal ?

Ses yeux verts se plissent et ses sourcils se froncent. Il me tire par le bras pour me relever. Je fais un pas vers lui. La plaque de verglas dissimulée sous la neige se rappelle à mon bon souvenir et je glisse à nouveau, entraînant le tyran dans ma chute.

Nous sommes allongés dans vingt centimètres de poudreuse. Enfin, c'est plutôt Damon qui est dans la poudreuse. Moi, je suis sur lui. La position est plus que gênante et mon cœur recommence à me jouer des tours. Les bras de Damon se posent dans mon dos. Il n'a pas l'air de vouloir bouger. Je sens son souffle sur mes cheveux. Collée contre lui, je me mets à rougir de plus belle. J'essuie mes larmes et tente de me relever à la hâte.

— Je suis désolée, je murmure.

Mes mains prennent appui sur son torse, mais je laisse échapper un cri au moment où mon pied touche le sol. Ma cheville ! Elle me fait mal, j'ai dû la tordre. J'ai du mal à marcher, mais je tente malgré tout de m'éloigner de Damon. Mon visage est déformé par la douleur.

— Tu t'es réellement blessée ? demande-t-il.

Je vois son visage inquiet entre les flocons de neige qui tombent en rafales rapides. Il fait cette même moue inquiète et triste que celle qu'il avait en m'accompagnant à l'hôpital. Je ne veux pas qu'il me regarde ainsi. Je déteste quand il m'observe silencieusement, parce que je ne sais plus comment réagir. Le taquiner, le provoquer, lui répondre en faisant de l'humour, c'est facile. Admettre qu'il puisse me scruter si intensément, comme si j'étais précieuse, en revanche, me fait paniquer. Mon cœur est perdu dans ce genre de situation.

— Je ne vais pas en mourir, dis-je pour dédramatiser. Ce n'est rien. J'ai déjà une main en mauvais état, la cheville n'est qu'un petit détail !

— Tu es si maladroite ! La pire assistante de tous les temps ! commente-t-il.

Il me regarde en souriant et avant d'avoir eu le temps de lui répliquer qu'il est le pire assisté de toute la planète, il me prend dans ses bras.

— Nous ne sommes plus très loin, je vais te porter.

Je comprends alors qu'il y avait un but à notre excursion improvisée. Le chanteur me soulève et marche prudemment pour éviter le moindre faux pas. Nous avançons vers ce que je distingue être une petite cabane. C'est un relais pour les randonneurs. Il en existe quelques-uns sur le sentier vers les hauteurs.

Damon ouvre la porte et me dépose sur une chaise ; nous sommes enfin à l'abri du vent qui siffle et s'intensifie. Le brouillard a pris possession des alentours. Pas la peine d'espérer fuir sans visibilité, pas la peine de penser à courir avec une cheville foulée. Me voilà coincée avec le grand Tyran-nosaurus Rex pour plusieurs heures.

Damon attrape un plat en verre sur une commode et ressort aussitôt, sans un mot. La petite cabane est rustique et ne possède qu'un lit d'appoint, un poêle, une table et deux chaises en plus de cette minuscule commode en bois.

Que faisons-nous ici ? Je n'ai pas le temps de réfléchir que le chanteur réapparaît aussitôt et s'agenouille devant moi. Dans le plat, il a déposé de la neige. Mon pied nu, que je viens de déchausser est énorme et rouge. Ma cheville enfle à vue d'œil.

Le tyran m'invite à poser mon pied dans la neige, puis en prend dans ses mains pour en plaquer sur ma cheville douloureuse.

— La glace fera sûrement un peu dégonfler ta cheville, m'explique-t-il.

La sensation sur ma peau nue est comme une brûlure. Mes chaussures de ville ont pris l'eau et le vieux manteau que j'ai attrapé à la va-vite dans l'armoire de l'auberge est bien trop usé. Il n'est plus imperméable et ma chute n'a rien arrangé. Je suis trempée et gelée jusqu'aux os. Je frissonne de partout. Je claque des dents.

Le bonnet de Damon dégouline de neige fondue, son jean noir est blanc de flocons et son blouson de citadin a été mouillé par la chute dans laquelle je l'ai entraîné. Nous sommes frigorifiés.

— Déshabille-toi. Je vais faire du feu.

— Pas question ! dis-je en m'agrippant à mon manteau trempé.

— Tu ne veux pas que je fasse marcher le poêle ? s'étonne-t-il.

Je lui jette un regard courroucé. Il sourit en ôtant son bonnet et son écharpe, puis son blouson et ses chaussures et enfin son pull et son t-shirt mouillés. Je détourne le regard quand il enlève son pantalon et fixe le mur opposé. 

Rester dans cette tenue détrempée avec la température actuelle est ridicule, mais me déshabiller devant Damon est inenvisageable. 

Que faire ?

😈😈😈😈😈😈😈😈😈

RDV pour la suite demain !

On ne balance pas de noisettes à l'autrice pour ses fins de chapitres , svp !

Et sinon... on a dépassé les 100 000 vues sur ce livre en 2 mois et quelques. 🤯🫣🤩
Je... Je n'ai pas les mots, alors juste : MERCI  BEAUCOUP !!! ❤️❤️❤️

Je vous prépare de super bonus en prime dès qu'on aura atteint la fin. (Oh non, je ne veux pas que ça se finisse 😭)

Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant