16. Tensions

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— Emy, pourquoi serres-tu Léo dans tes bras ? s'étonne Ethan en ouvrant soudain la porte de la chambre.

— Regarde ! Il a réussi à trouver les bijoux en édition limitée que je cherchais pour mes sœurs ! Elles vont sauter de joie !

Je brandis, sous son nez, l'écrin contenant deux pendentifs en forme de roses : une rouge et une blanche.

Ethan me regarde et ouvre ses bras en grand.

— Comme je suis content, glapit-il. Viens me faire un câlin à moi aussi.

— Harceleur ! crie Léo à l'unisson avec moi.

Nous éclatons de rire.

En sortant de la chambre, je souris toute seule, tandis que le guitariste et le batteur commentent leurs réponses-types pour l'interview. Je vais faire des spaghettis et un gâteau pour remercier mon petit diablotin préféré. Mes sœurs adorées me manquent tellement, je vais leur envoyer ce cadeau pour leur dire que je ne les oublie pas. Et si je les appelais ce soir ?

Un coup d'œil vers mon téléphone, dont l'écran est fissuré, me rappelle que je l'ai violemment lancé à travers la salle de bains hier. J'imagine que c'est Vincent qui l'a déposé dans mon sac d'urgence pour que je le retrouve. Les autres ne sont pas si attentionnés. D'ailleurs, je ferai la peau à Damon, dès que je lui mettrai la main dessus. Il y a des limites à ce qu'il peut me dire. Répondre à ses demandes en souriant et m'acquitter de mes corvées d'assistante, je peux le supporter. Mais qu'il s'insinue dans ma vie privée, je refuse ! Pareil pour Thomas. Le manager doit comprendre où sont les limites.

En me dirigeant vers la cuisine, j'entends des cris. Sur la terrasse, je vois justement Lucifer en pleine discussion avec Damon. Il me semble que c'est assez houleux. Est-ce qu'ils se disputent ?

Le manager s'approche brusquement du chanteur des 4 D et l'attrape par le col ; il est fou de rage et Damon est prêt à le frapper. Ils ne vont quand même pas se battre ?

J'ouvre soudain la porte-fenêtre et me précipite.

— Je fais des spaghettis à midi, est-ce que tout le monde est partant ?

C'est tout ce que j'ai trouvé à dire pour désamorcer le conflit. Les garçons s'arrêtent net. À leur air incrédule, je devine que ça a marché. Lucifer relâche Damon. Le chanteur lui jette un regard haineux et pénètre dans le salon en me frôlant. Il fonce dans sa chambre sans un mot.

Ah, non ! Pas question qu'il m'ignore. Il ne m'a pas adressé la parole depuis hier soir, je ne vais pas attendre la fin du concert pour avoir des excuses ou pour que nos relations reviennent à la normale. Quand Damon est de mauvaise humeur, c'est tout le groupe qui doit le supporter. Et puis, c'est sur moi qu'il se fait les dents, comme un tyrannosaure rongeant les os de sa victime en lorgnant sur sa prochaine proie...

Je lui emboîte le pas.

La porte, qu'il croit réussir à fermer d'un geste las, se cogne sur mon bras et je pénètre dans l'antre du démon sans m'annoncer.

— Sors d'ici !

Je ne bouge pas et croise les bras. Ses yeux lancent des éclairs. J'attends. J'ai l'habitude et comme je suis insensible à sa colère, je sais comment tout va se finir. Il va râler et me mettre à la porte, ensuite il redeviendra lui-même.

J'attends donc la tempête. Je regarde les papiers froissés en boules sur le sol, sûrement des textes inachevés. À part ça, tout est parfaitement rangé et impeccable, à croire que Damon est un maniaque de la propreté – ce qui ne m'étonnerait pas.

J'ai beaucoup de mal à cerner le personnage. Quelle enfance a-t-il vécue, pourquoi chante-t-il, pourquoi est-il si méfiant envers moi en permanence ? Depuis notre première rencontre, je me pose tant de questions. De son côté, il me jauge et m'évalue. C'est comme s'il s'inquiétait tout le temps.

Comme tout le monde, je déteste les cris, pourtant la mauvaise humeur de Damon ne me touche pas. Je n'y vois pas de méchanceté. Je ressens plus une frustration permanente. Je ne saurais pas bien l'expliquer.

— Que veux-tu, Emy ? grogne-t-il.

— Je sais que tu es intolérant au gluten, je te ferai un plat à part.

— Tu me traques pour me parler de mes allergies ? Sérieusement ?

— Je ne suis jamais sérieuse quand tu es énervé. Tu le sais bien. Par contre, si tu veux qu'on discute calmement tous les deux, je suis à ta disposition.

— Discuter de quoi ?

— Je ne sais pas. De ta dispute avec Lucifer ou des excuses que tu me dois pour hier soir ?

— Grâce à moi, tu as passé la nuit avec Vince. Tu dois être ravie.

— Oui, j'ai passé une nuit merveilleuse. Vincent sait y faire.

Le visage de Damon se décompose. Je joue le jeu de l'allusion jusqu'au bout, je ne lui donnerai pas satisfaction en le laissant découvrir ma tristesse. Je dois reprendre le dessus et passer à autre chose. Il m'a vue pleurer, c'est suffisant.

— Tu pourras faire tout ce que tu veux pour me faire renvoyer, dis-je, je resterai jusqu'au bout et je voudrais que tu intègres bien la chose suivante, Monsieur le Chanteur : l'humiliation et l'injustice ne me sont pas inconnues. Tu n'es pas la pire personne que j'ai rencontrée dans ma vie, tu es même loin de faire le poids face aux moqueries que j'ai essuyées. Donc n'aie aucune sorte d'espoir : je serai votre assistante jusqu'au bout. Et pour finir...

Je lui montre mon téléphone ébréché :

— Tu me dois un téléphone !

— C'est toi qui l'as lancé ! se défend-il.

— Je ne te parle pas de l'objet, je te parle des données à l'intérieur. Moi aussi je veux voir ce que contient le tien !

— Tu m'as vu nu, c'est suffisant.

— Je me suis déjà excusée une bonne centaine de fois. Je ne cherchais pas à m'introduire dans ta loge, je me suis cachée parce que...

Je m'interromps au milieu de ma phrase et fixe un point sur le sol. Les souvenirs de cette nuit sont encore flous et je préfère ne pas me rappeler de tout.

— Parce que quoi ? continue-t-il.

— Tu ne comprendrais pas ! Je fuyais. Je fuyais quelqu'un et j'ai ouvert la première porte du couloir que j'ai vue. Que cette porte ait été celle de ta loge était un pur accident.

— Comme par hasard ! Toi et ton téléphone en main, moi nu dans MA loge, quelle aubaine !

— Tu crois que je t'ai pris en photo ? C'est pour ça que tu as fouillé dans mon téléphone ? Mais mon pauvre, je ne savais même pas qui tu étais.

— Tu viens à un concert, tu t'introduis en backstages, et tu ne connais pas le groupe ? Ne te moque pas de moi.

— Pour la dernière fois, Damon, je ne suis pas une de tes fans ! Je suis venu au concert sur l'invitation de Thomas.

— Ah oui, tu venais relancer... ton ex, en plus ?

J'ai envie de le frapper ; je serre le poing et inspire fort. Je suis une personne gentille. Mais il ne faut pas pousser, non plus !

Je m'avance vers lui et l'attrape par le col de sa chemise noire, ouverte sur son t-shirt. S'il faut me confronter à lui, je le ferai :

— Je ne mens pas ! Je te...

Soudain, le vert profond de ses yeux, son parfum qui m'entoure et ses lèvres si près de mon visage me font réaliser que je suis trop proche de lui. Beaucoup trop proche. Je le lâche brusquement et recule.

— Pardon, ce n'était pas professionnel, je... Ah, laisse tomber !

Je sors et referme la porte sur son visage étonné.

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BON SANG, je suis l'autrice, mais j'ai vraiment eu envie qu'elle l'embrasse...

Je fangirl dans mon coin... (c'est grâve docteur.e ?)

RDV  demain à 20h

Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant