31. La marraine débarque ! (flashback)

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Thomas avait vingt ans et il voulait intégrer une école de commerce. Il espérait ainsi travailler dans l'industrie musicale. Il avait donc fait une classe préparatoire de deux ans afin de réussir les concours d'entrée très sélectifs.

Une chance pour moi. Ses cours de prépa se déroulaient dans son ancien lycée – celui dans lequel j'étudiais. Je le croisais donc dans les couloirs et au réfectoire en plus de le voir le week-end. Mais sa charge de travail était conséquente et chaque instant partagé avec lui était devenu précieux.

J'imaginais qu'après, il serait allé dans une école du coin. Nous aurions continué à faire des petits concerts. J'avais dix-sept ans, je rêvais au présent. Le futur n'existait pas vraiment. La seule chose à laquelle je pensais c'était lui et bien sûr mon bac. La terminale s'annonçait bien, puisque Sophie devait rentrer de son internat. Ses parents avaient accepté sa demande de revenir étudier avec moi, car ses notes étaient correctes. La chance tournait.

Au mois de juin, nous nous étions peu vus avec Thomas. Il révisait et passait ses concours. De mon côté, j'apprenais mes fiches pour les épreuves du bac de Français. À la fin du mois, nous attendions tous les deux les résultats de nos examens, lorsque Dan nous avait appelés. Il venait de réussir son bac et nous invitait en boîte pour fêter l'événement.

J'étais devant ma penderie, à me demander ce que j'allais porter. Je n'étais jamais allée en boîte. Je n'étais pas majeure et je n'avais jamais dansé devant des inconnus ; j'étais trop complexée. Alors à part mes peluches et mes petites sœurs, personne n'avait eu la chance de me voir me déhancher sur des rythmes pop endiablés ni chanter des refrains ridicules que les jumelles et moi reprenions avec nos brosses à cheveux en guise de micro.

Pourtant, cette fois j'allais en soirée ! Une vraie soirée avec les garçons, pas un concert durant lequel j'allais devoir prendre des photos ou aider à monter les instruments sur scène. Je n'avais rien à me mettre. Ma silhouette avait changé ces dernières années. J'étais toujours ronde. Être mince n'était pas une option pour moi, mais mon corps avait pris des formes à d'autres endroits. C'était plus harmonieux, pourtant je ne l'assumais pas. Je me cachais systématiquement sous des vêtements informes et évitais de me regarder dans un miroir. Ma confiance avait été terrassée par la méchanceté du harcèlement.

Je soupirais devant les cintres et les piles de pulls trop grands. Qui pouvait m'aider ?

Pas la peine de demander à maman. Si elle avait appris que j'allais dans un endroit interdit aux mineurs, elle m'aurait collé une tonne de corvées à faire pour m'occuper à des choses « utiles et non futiles » – comme elle aimait le répéter sans cesse. Mes sœurs étaient trop jeunes pour me couvrir et mon père appréciait peu mes fréquentations. Il trouvait les garçons trop âgés. J'en étais là de mes réflexions quand ma marraine était entrée dans ma chambre, comme un ouragan.

— Emy chérie, c'est le grand jour, je l'ai vu sur mon calendrier lunaire ! annonça-t-elle en déposant sur mon lit un immense carton.

— Oui, euh... Bonjour tatie !

— Oui, bonjour, bonsoir, salut, on s'en moque ! Allez ma chérie, hop hop hop, au boulot, j'en ai pour un moment. Oh, my God ! s'exclama-t-elle. Ta penderie est immonde, pourquoi tous ces t-shirts atroces. Mais tu n'as pas de robe ? Tututututut !

Elle agitait son doigt devant mon nez.

— Et c'est quoi ces cheveux ? soupira-t-elle.

— Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

— J'ai tout de même le droit de rendre visite à ma filleule préférée ! Je suis là pour t'aider, voyons. Donc, ce soir, tu sors ?

Elle me lança un sourire de conspiratrice et reprit :

— Alors voilà le plan. A. Tu vas dire à tes parents que tu dors chez moi. B. Tu vas aller séduire qui tu souhaites. C. Tu prendras tes précautions après minuit.

Et sur cette dernière phrase, elle sortit un préservatif de sa poche.

— Je... Quoiiiiii ? Mais, je n'en veux pas... Moi... Je...

— Allons, allons, ricanait-elle. Je suis une marraine moderne, je ne vais pas te laisser sortir sans l'essentiel. Tout le monde sait ce qui se passe après minuit. Mais, Emy, pourquoi es-tu si rouge ? Tu veux que je t'explique comment ne pas faire de bébé ? Alors, d'abord on ouvre le petit emballage, ensuite...

— Arrête !

— Tu sais t'en servir ou pas ? insistait-elle. Parce que si tu ne sais pas, tu ne sors pas d'ici et je dis tout à tes parents.

— Dire quoi ?

— Que tu sors en leur mentant, que tu es amoureuse et que tu es presque une adulte. Ça va leur faire un choc ! ironisait-elle.

Elle riait tandis que mon visage était devenu écarlate.

— Voici les chaussures, dit-elle en ouvrant le carton. Et aussi une robe bleu électrique sexy et classe à la fois ! Oui je connais les goûts des jeunes rockeurs... Pour le maquillage... Mmmh, nous garderons la main légère...

Elle me fit asseoir sur le lit pour observer mes cheveux et lança une chanson rock avec son téléphone.

— La musique c'est pour l'inspiration, expliqua-t-elle.

J'étais de plus en plus confuse.

— Sans la musique, je suis nulle. À une époque, certaines d'entre nous étaient plus bibidi babidi bou, mais les temps ont changé. Je m'adapte !

Qu'est-ce qu'elle racontait ? Je savais qu'elle avait un grain. Mon père parlait de la vieille copine de sa première femme comme d'une originale. Au marché, les gens disaient qu'elle était à la limite de la folie, même si ses produits étaient irréprochables et qu'elle fournissait de grands traiteurs réputés de la capitale. À mes yeux, c'était une tante géniale. Mais je ne la comprenais pas toujours. À ce moment précis, je la trouvais loufoque tout en la bénissant de m'avoir apporté une tenue magnifique et du soutien. Cela restait quand même étrange...

— C'est l'été, alors pas de citrouille ! Je ne fais que dans le produit de saison. Je me rattraperai autrement, me dit-elle alors que j'enfilais la robe. Une décapotable fera l'affaire. Je te dépose devant la boîte de nuit et tu m'appelles quand tu veux que je vienne te chercher. Marché conclu ?

Je hochais la tête. J'imaginais que tout allait bien se passer.

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RDV pour le bal !

Alors pour info, dans la version de Perrault, Cendrillon doit aller à 3 bals  (ceci explique que tu verras 3 bals dans cette histoire... mais bien sûr: une version très particulière à chaque fois).

Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant