70. Un peu de magie !

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Il ne me reste qu'une heure pour rejoindre le bal. Damon disparaîtra de ma vie si je n'y suis pas avant minuit. Il le fera. Je le sais. 

Et je ne le veux pas !

— Es-tu réveillée ? demande ma marraine en entrant dans ma chambre avec une immense housse noire et une boîte en carton.

Elle ôte le pansement de ma cheville. Elle a entièrement dégonflé. Je pose délicatement mon pied sur le tapis de la chambre. Rien. Plus aucune douleur, comme si cette entorse n'avait jamais existé.

— C'est magique, je souris.

— Bien sûr, approuve ma marraine. Qu'est-ce que tu croyais ? Je connais mon métier.

— Tu es maraîchère...

— Entre autres petites choses, oui, me corrige-t-elle. J'aime avoir des activités professionnelles diversifiées. J'ai des dons variés et extraordinaires, je m'en sers en fonction des personnes qui m'entourent et, en ce moment, ma Cendrillon a besoin d'une robe, n'est-ce pas ?

— Et tu vas te transformer en relookeuse ? je me moque.

— Pourquoi pas ? sourit-elle en me tendant une robe bleue.

Comment fait-elle pour avoir tous ces vêtements incroyables ? Elle a déjà offert à mes sœurs de magnifiques tenues et maintenant cette longue robe qui scintille ?

Je regarde ma marraine. Elle porte un déguisement de sorcière agrémenté de bracelets de force et de bottes de motard à grosses boucles, son chapeau pointu est parsemé de pics argentés. C'est une sorcière rock très moderne qui me fait face.

— Tu viens aussi ?

— Où ? demande-t-elle en me donnant des chaussures pendant que je mets la robe.

— Au bal masqué.

— Non, pas du tout !

— Mais tu es déguisée !

— Ah, ces vieilles frusques, dit-elle modestement. Non, c'est ma tenue habituelle. Parfois, mon camouflage civil me fatigue et j'ai besoin de me retrouver. Mais nous ne sommes pas là pour parler de moi.

Elle m'indique du doigt le réveil qui affiche vingt-trois heures et quinze minutes. Je chausse à la hâte des escarpins vertigineux.

Je me regarde dans le miroir de l'armoire. Ma marraine m'a fait un chignon lâche avec un aspect décoiffé très romantique. La robe bleue est légèrement plus courte devant, dévoilant mes jambes et mes chaussures. Derrière, elle tombe comme une traîne. Les reflets des cristaux cousus sur le tissu brillent à chacun de mes mouvements. Je suis belle. Pour la première fois de ma vie, je me trouve vraiment belle. Mais je n'ai pas le temps de m'admirer, le temps file trop vite !

— Il faut te dépêcher, Emy !

J'attrape un châle au fond de l'étagère du placard, mais il est retenu par un objet lourd, qui tombe à mes pieds quand je tire dessus. La guitare de Thomas ! Je l'avais cachée avec mes souvenirs derrière les piles de vêtements. C'est la seule chose que Lucifer avait laissée quand il est parti. J'étais si triste, inconsolable. Il l'avait fait livrer à l'auberge le lendemain de notre rupture.

Une porte bloquée au fond de ma mémoire semble s'ouvrir en grand. Le souvenir de cette guitare, de cette rupture. La guitare n'est pas arrivée toute seule à l'auberge ? La silhouette d'un garçon me tend l'étui. Mon souffle se coupe.

Dan ! C'était Dan qui m'avait amené cette guitare.

Je l'aperçois. Il baisse la tête, en regardant ses chaussures, et me tend l'instrument. Il dit qu'il sait que Thomas est parti, qu'il nous a quittés pour son rêve, que je ne dois plus pleurer.

Dan était venu me voir tous les jours suivants. Il faisait des blagues et me taquinait pour me remonter le moral. Dan, le visage caché sous sa casquette, ne disait rien de plus. Il ne me posait pas de question sur ce qui s'était passé après cette étrange soirée, où je m'étais enfuie après avoir giflé Thomas. Il me disait que nous pouvions vivre nos rêves à notre manière, que Thomas reviendrait forcément les partager avec nous. Nous n'étions pas obligés de l'attendre en nous lamentant. Nos cœurs étaient plus forts que la séparation selon lui.

Les mois d'été s'étaient écoulés en douceur. Il meublait ma tristesse. Dan était le même qu'avant. Il me traitait de cette manière douce et bienveillante, mais ne manquait pas de me pousser à réagir en étant parfois un peu agressif. Il était mon ami. Peut-être même mon meilleur ami. Ses sourires emplissaient mes journées et nos projets de groupe refaisaient surface. Il me répétait que ma façon de prendre des photos était un don, que je captais l'ambiance et les regards d'une manière incroyable. Il fallait que je poursuive dans cette voie. J'avais confiance quand nous en parlions – l'encapuchonné ne prodiguait jamais de compliments à la légère.

J'avais pris l'habitude de suivre Thomas partout, pour qu'il me remarque, alors que l'encapuchonné se contentait de m'observer. Il me traitait en égale, en amie. Lucifer avait une place énorme dans mon cœur d'adolescente depuis des années, mais Dan y prenait un espace bien particulier. Sa présence était plus apaisante et plus précieuse encore. Avec lui, je ne me cachais pas, j'étais pleinement moi-même. Nos chamailleries étaient enfantines ; c'était notre manière de masquer nos sentiments...

Sophie était revenue de l'internat. Elle nous observait parfois du coin de l'œil et me disait qu'il devait m'aimer. Je repoussais l'idée d'un haussement d'épaules. Dans l'esprit de Dan, j'étais toujours amoureuse de son meilleur ami, il n'osait pas me considérer de cette manière. En réalité, nier en bloc ses sentiments amoureux, que je devinais également, était plus facile que de l'imaginer s'éloigner de moi. J'avais déjà renoncé à Thomas. Perdre Dan paraissait inconcevable et cruel.

À la fin de l'été, Dan avait tenté de me dire quelque chose que je n'avais pas compris. Il me répétait parfois que son père allait être muté dans une autre ville et qu'il le suivrait sûrement.

« Sauf si tu ne veux pas ! », ajoutait-il.

Je ne savais pas quoi répondre. Que je le veuille ou non, qu'est-ce que ça changeait ? Je ne voulais pas retenir une personne loin de sa famille. Comment justifier un souhait aussi égoïste ?

« Je t'attendrai demain matin, devant la gare. Si tu ne viens pas, je comprendrai. », avait-il déclaré un soir, en me raccompagnant chez moi.

Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. Je savais les trois mots qu'il voulait entendre, mais j'étais terrorisée. Étais-je capable de prononcer ces mots pour lui ? Le sommeil avait emporté mes dernières forces à l'aube. Lorsque je m'étais réveillée, il était presque midi.

Je m'étais précipitée vers la gare. Les pensées se bousculaient au rythme de mon cœur dans cette course effrénée. 

Étais-je capable de lui dire ce que je ressentais ? Aurais-je le courage ?

😈😈😈😈😈😈😈

RDV pour la suite, mardi  20H...

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Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant