Midnight Song

55. Oublier ?

Mes joues sont trempées de larmes. Je me recroqueville sur moi-même. Je n'arrive plus à parler. Je sanglote.

Je n'ai pas pleuré pendant l'enterrement de papa. Je me disais que j'étais forte, que ma tristesse passerait. Mais là, je ne peux plus arrêter. Ce sont les chutes du Niagara à moi toute seule. Je mériterais le rôle principal dans un mélodrame pour ménagère blasée. Si nous étions à la cérémonie des Oscars, je remporterais le grand prix : « La palme de la meilleure pleureuse est attribuée à Emilie. En prime, on offre le paquet de mouchoirs ! »

Lolotte se blottit contre moi et je remonte la couverture jusque sous mon menton. Ma marraine s'assied près de moi et me caresse les cheveux.

- C'est pour cette raison, dit-elle, qu'il ne faut pas faire un vœu d'oubli à la légère, ma chérie. Lorsque le charme cesse, les souvenirs enfouis remontent très violemment. D'ici quelques jours, tu te souviendras de tout. Veux-tu m'en parler un peu ?

- Comment suis-je arrivée ici ? je demande en regardant autour de moi.

Je suis dans la chambre d'amis, chez ma tante.

- Sam t'a ramenée en voiture. Il était paniqué, il m'a dit que tu t'étais évanouie devant la pharmacie. Tu disais : « Ne pars pas, reviens ! » Emilie, qui appelais-tu ainsi ?

- Je ne sais pas trop... j'étais si triste...

- Thomas ?

- Oui, peut-être. Je hoche la tête. Qui d'autre ?

- Cet autre garçon, plus timide de ton adolescence ? me demande-t-elle avec un regard inquiet.

- Dan ? Non, Dan est parti depuis longtemps et...

- Pourquoi est-il parti Emilie ?

- Je... Je ne sais plus trop, il est parti... d'un coup.

- C'est improbable. Comment était ce garçon, tu t'en rappelles ?

- Il était... Il était...

- Grand, petit, moyen ?

- Euh...

- Et ses cheveux ? insiste ma tante.

- Longs ! Très longs, et bouclés, comme un mouton.

- De quelle couleur ?

- Euh... bruns ? Je crois...

- Et ses yeux ?

- Je ne sais plus...

- Je vois, soupire-t-elle. C'est le départ de Dan et son visage que tu as effacé, n'est-ce pas ? La question est pourquoi lui, et pas Thomas ?

Je la regarde sans comprendre. Thomas était trop important !

- Jamais je n'aurais pu oublier Thomas. Je l'aimais, pourquoi aurais-je voulu l'oublier ?

- Parce que ce sont des souvenirs difficiles. Ce sont ces douleurs que nous voulons taire.

Mes larmes coulent toujours, sans comprendre ce que ma marraine tente de dire.

- Tu vas rester te reposer ici encore quelques jours, insiste-t-elle. Je ne veux pas que tu ailles voir ta maman dans cet état. Je pense aussi qu'il vaut mieux que tu restes au calme.

Je hoche la tête en silence. Je n'ai pas le courage de sortir. Je ne veux plus croiser Sam, je ne veux plus voir personne. Je voudrais disparaître.

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Rdv demain (avec l'arrivée d'un des 4D en prévision)