68. Jusqu'au douze coups de minuit

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— Quelle est ta réponse, Emilie ? me demande Damon.

— Je te traite différemment des autres, parce que... Parce que...

J'ai dû mal à me concentrer et ma main tremble sur sa peau. Damon m'a toujours déstabilisée, mais jamais il n'avait été si entreprenant. Il inverse les rôles sans la légèreté de nos échanges habituels. Le souvenir de son corps nu a fait irruption plus d'une fois au creux de mes nuits si courtes. Sa voix accompagne chacun de mes gestes parce que j'écoute ses chansons en boucle. Son regard me marque au fer rouge dès que je lève les yeux pour voir où il est, et cela plusieurs fois par jour. Ses demandes sont le rythme de mes journées chargées. Je me réveille avec ses appels téléphoniques incessants et me lève en pensant à lui pour acheter ses croissants sans gluten. Il se joue de moi et je cours. À plusieurs reprises, j'ai cru qu'il voulait me faire démissionner, mais s'il souhaitait se débarrasser de moi, il aurait simplement pu le demander à Thomas.

Souvent, je me demande ce qu'il fait quand nous ne sommes pas dans la même pièce. Je n'ai que lui à l'esprit et le taquine sans arrêt sur son comportement d'enfant gâté. Son sourire me plaît tant que je ne réponds à ses questions que sur le ton de la blague... pour le faire rire.

En réalité, je recherche sa présence, et lui la mienne.

Mais de là à penser qu'il puisse réellement faire attention à moi, ou même avoir des sentiments amoureux, cela paraît impossible.

Je suis cette fille que Thomas a quittée, après sa première nuit d'amour, pour accomplir son rêve. Je suis celle que son petit ami a délaissée pour sa meilleure amie. Je suis cette assistante qui ferait n'importe quoi pour être acceptée. Je suis tout cela, mais je ne suis pas une femme que le charismatique chanteur du groupe de rock le plus populaire du moment choisira parmi une horde d'admiratrices.

Voilà de quoi j'étais persuadée. Voilà pourquoi je lutte contre mon cœur. Ce n'est pas Damon qui est invisible à mes yeux, c'est moi qui le suis aux siens. Et si je quitte mon poste d'assistante, aurais-je la même valeur pour lui ? Certainement pas, parce que Damon n'est pas du genre à me courir après. Il me l'a clairement dit au téléphone la dernière fois. Je suis libre de chacune de mes décisions, mais il ne viendra pas me chercher.

Croire à l'amitié des garçons est plus facile. Penser à eux comme des frères est plus simple que de me rendre compte que mon amour immense pour eux n'est qu'à sens unique. Thomas veille sur moi, il me protège et structure ma vie d'ordres et de tâches professionnelles. Je peux répondre à ses demandes. Je peux soutenir Léo et l'aimer de tout mon être, de la même manière que j'aime mes petites sœurs. Je peux accepter Ethan et Vincent tels qu'ils sont, parce qu'ils m'ouvrent leur cœur avec honnêteté.

Mais en ce qui concerne Damon, je devine avec crainte mes sentiments pour lui. Il ne m'a jamais clairement avoué ses pensées. Je suis incertaine de la réponse à donner parce que j'ai peur. Ses sentiments sont-ils comparables à ceux si fragiles de Sam ou à mon premier amour avec Thomas ? Si oui, je n'en veux pas. Je ne veux plus de cette douleur qui me laissera seule à terme.

— Damon, je...

La porte s'ouvre brusquement, un bruit de moteur nous parvient. Un homme en casque de motard et gilet fluorescent pénètre dans la petite pièce. Damon se retourne et se redresse sur un coude.

L'homme enlève son casque et ses longs cheveux noirs tombent sur ses épaules.

— Je tombe mal ?

Ethan nous regarde avec un sourire entendu, en nous apercevant tous les deux dans ce petit lit.

— Ethan, que fais-tu ici ? s'énerve Damon.

— La maman de notre petite princesse est morte d'inquiétude depuis votre départ improvisé. J'ai été missionné pour vous ramener au bercail, avant la tempête qui s'annonce. Vous reprendrez là où vous en étiez, mais une fois à l'abri ! Je vous attends avec Léo dehors ! Il fait froid, habillez-vous bien. Ou plutôt : rhabillez-vous !

Il rit en sortant. Damon se lève et regarde par la fenêtre.

— Ils sont venus en scooter des neiges, observe-t-il.

Il s'habille et me redonne mes vêtements encore humides que le poêle n'a pas eu le temps de sécher. Pendant que j'enfile aussi vite que je peux mon pantalon, malgré la douleur de ma cheville gonflée, Damon me tourne le dos.

— Tu es habillée ? demande-t-il.

— Oui.

Il vient m'aider à me lever et nous nous dirigeons vers la porte.

— Emilie, me dit-il plus bas en me donnant un petit écrin bleu sorti de sa poche de jean. Je veux ta réponse ce soir, avant les douze coups de minuit. Si tu ne me réponds pas honnêtement, je disparaîtrai définitivement de ta vie. Je ne t'embêterai plus jamais. Je te le promets.

— Mais...

— N'importe quelle réponse me conviendra, insiste-t-il. Je veux juste que tu sois honnête.

Je prends le petit paquet sans savoir ce qu'il contient et nous sortons sans un mot.

😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈😈

RDV pour la suite vendredi (encore 48h à tenir) !

Quel suspens de malaaaaaaaaaaade ! haha !

Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant