Chapitre 14

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Perchée sur le toit de l'immeuble, j'observais certains morts vivants se ruer vers le cimetière, pour se mettre à l'abri des rayons du soleil, sous leur pierre tombale tandis que d'autres commençaient à creuser un trou dans le sol pour s'y enfuir. Certains d'entre eux préféraient terminer leur repas et être réduit en cendre, le ventre bien rempli. J'attendis de ne plus entendre aucun bruit avant de descendre de mon perchoir. Je posai le pied sur le sol en restant sur mes gardes. Il n'était pas encore trop tard pour qu'un zombie surgisse de nulle part et me réduise en charpie. Mais, il ne se passa rien. Je me mis en mouvement pour rentrer au logis.

De temps en temps, je voyais des humains soulever le pan de leur rideau pour observer la rue en contrebas. Parfois je leur faisais signe mais mon geste restait souvent sans réponse.

Je marchais d'un bon pas sans jamais ralentir. Je n'étais donc plus très loin du repère quand un gémissement sourd me parvint. Je cessais de bouger et même de respirer pour deviner l'origine du bruit. Je tournais à gauche et aperçus un cadavre décomposé sur le sol. C'était impossible que cette plainte vienne de lui, il ne pouvait plus être en vie. Je m'approchais quand même du corps et soulevait, non pas sans dégout, les pans de la veste de la victime pour le dépouiller de ses armes. Le jeune garçon faisait partie de l'armée du zénith, lui aussi. Je me rappelle l'avoir aperçut dans la foule la veille mais je ne lui avais jamais adressé la parole. Cependant, le vue de son corps sans vie ne me laissa pas indifférente. Alors que je me redressais, un revolver en main, je perçus à nouveau un sanglot étouffé venant de plus loin, à l'autre bout de la ruelle. A pas de loup, je m'approchais pour découvrir Maureen, allongée sur le sol, se vidant de son sang. Sans perdre une seconde, je courus m'agenouiller à côté d'elle. Elle tourna son regard vers moi et je pus voir qu'un de ses yeux ne verrait plus jamais la lumière. Son nez était tordu dans un angle bizarre et son bras à moitié grignoté. Je me mordis la lèvre pour ne pas me mettre à pleurer.

- Viens avec moi, je vais t'aider à marcher jusqu'à la cache.

Elle fit non de la tête alors que son corps était secoué de spasmes. Même si elle était mourante, il était hors de question que je la laisse finir ses jours ici. Je passais son bras valide en travers de mes épaules et l'aidait à se redresser. Maureen émit un cri déchirant mais je ne tins pas compte de ses supplications.

- Pourquoi t'échines-tu à me sauver ? Je ne suis plus bonne à rien.

- Personne ne mérite de mourir de cette façon, dans la rue.

Elle cligna des paupières alors que des larmes de reconnaissance et de douleur se mirent à dévaler de ses yeux.

* * * * * * * *

J'aperçus la porte blindée au bout d'une demi-heure interminable. Je posais Maureen sur le sol de la ruelle le plus délicatement possible avant de me frayer un passage parmi les débris et de tambouriner au battant. Celui-ci s'ouvrit immédiatement et la sentinelle qui m'avait fait sortir au début de la nuit apparut. Il ouvrit de grands yeux surpris en m'apercevant, sans doute avait-il cru, comme tant d'autres, que je ne survivrais pas une nuit, seule, dans un cauchemar pareil. Moi-même j'avais du mal à croire que ce soit possible.

- Je vous en supplie, aidez-moi. J'ai ramené une femme gravement blessée avec moi et il faudrait m'aider à la porter à l'intérieur.

Le garde me suivit et son regard se ferma en voyant le corps ratatiné de Maureen sur le sol.

- Je regrette mais, elle est trop blessée pour que l'on puisse la ramener à l'intérieur.

Je le regardais médusée. La colère monta en moi sans prévenir. Je me postais devant le jeune garçon, qui faisait au moins trente centimètres de plus que moi, et le fixais d'un regard meurtrier.

- Comment ça elle est trop blessée pour que vous puissiez l'amener à l'intérieur ? Je viens de marcher pendant une demi-heure avec elle sur le dos alors ce ne sont pas des escaliers qui vont la tuer !

Il se massa la nuque en regardant le ciel, n'importe quoi pour ne pas croiser mon regard.

- Vous ne comprenez pas, elle ne peut pas rentrer car l'instructeur a ordonné que les infirmes pourrissent dans la rue car ils ne sont plus aptes au combat. Inutile de se le mettre à dos et de payer des soins pour une personne qui va mourir au bout du compte...

Ses paroles me laissèrent sans voix. Non mais je rêvai là ou quoi ? Dans quel monde vivions-nous ? Je refusais de devenir un monstre sans âme. Maureen allait recevoir des soins, par n'importe quel moyen. Je dégainais mon pistolet et le braquais sous le menton de mon interlocuteur. Il ouvrit de grands yeux, terrifié, avant de reculer jusqu'à la porte.

- Je n'hésiterais pas à tirer s'il le faut. Alors, escortez cette dame jusqu'à la table d'opération ou vous y laisserez des plumes !

Le garçon ne tergiversa pas une seconde de plus. Il se dirigea vers mon amie et la souleva dans ses bras musclés. Au moment où il passa à côté de moi, il me lança un regard noir et dit d'une voix mi-hautaine, mi-apeurée :

- Si notre supérieur se met en colère à cause de cet incident, vous en assumerez l'entière responsabilité !

Je hochais la tête avant de refermer la porte derrière nous.


L'armée du zénithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant