Chapitre 61

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Nos corps heurtèrent le sol avec fracas. La tête du colosse se cogna contre le parquet avec un bruit sourd mais le choc n'était pas assez fort pour lui faire perdre connaissance. Il me saisit les poignets avec une telle force que j'eus l'impression que mes os allaient éclater sous ma peau. Il me lança à travers la pièce et j'heurtais le mur opposé de plein fouet. Je vis 36 chandelles et me réceptionnais à quatre pattes sur le sol. Avant que j'aie pu reprendre totalement mes esprits, l'homme me souleva par le col de ma combinaison et approcha mon visage du sien d'un air menaçant.

- J'aime les filles difficiles mais, vois-tu, par les temps qui courent, je préfère les filles obéissantes. Je suis désolé mais je vais donc devoir te supprimer.

A peine ces mots eurent-ils franchis ses lèvres que les bruits d'un combat nous parvinrent de l'autre côté du battant.

- Que ce passe-t-il bon sang ? s'exclama le chef.

Profitant de sa distraction, je le frappais à la mâchoire avec le manche de mon poignard et il me lâcha pour se frotter l'endroit que j'avais visé. Ses yeux me lancèrent des éclairs alors que je me mettais à courir pour rejoindre la porte. Il sortit un pistolet de sa ceinture et alors que je jetais un regard par-dessus mon épaule, j'aperçus le canon de l'arme pointé sur moi. Je me jetais sur le côté et la balle érafla ma hanche sans causer trop de dommages. Je m'arrêtais néanmoins sous le choc et me mis à compresser ma plaie pour éviter de perdre trop de sang. Voyant que j'avais été touchée, mon agresseur se précipita vers moi et me colla au mur. Brian défonçait la porte au moment où l'homme pressait son arme contre ma jugulaire. Plusieurs émotions passèrent sur son visage mais l'épouvante eut l'avantage et y demeura.

- Vous croyiez m'avoir, c'est ça ? susurra Adrian.

Je retenais ma respiration et je n'osais pas faire un geste, peur d'appuyer sans le vouloir contre la gâchette. Cependant, si je restais ainsi, la balle finirait par partir et m'atteindre. Il fallait que je risque quelque chose. D'un coup de poing bien placé, j'envoyais valser le fusil au loin et il rejoignit le sol avec un bruit de ferraille. Son propriétaire la contempla sans comprendre ce qu'il venait de se passer. Je ne lui laissais pas le temps de riposter et lui dit d'une voix dure :

- Nous ne croyions pas vous avoir, nous en étions sûrs !

Sur ces mots, je plantais la lame de mon couteau, que je n'avais pas lâché, dans la main du maître des lieux et clouais cette dernière au mur. L'homme hurla à en faire trembler les murs et je me débarrassais de sa poigne pour me mettre à courir à toute allure vers la sortie. Au moment où je passai à côté de Brian, il me souleva du sol et me prit dans ses bras en se mettant à courir. Nous dépassâmes les cadavres des deux gardes et dévalâmes les escaliers alors que le cri du blessé continuait à nous poursuivre.

- Madeline ? demandais-je entre deux respirations.

- Elle est avec Dann, me répondit Brian sans cesser de fuir.

Nous débouchâmes dans la rue alors que des gardes se mettaient à courir à notre poursuite. Ils criaient des propos qui nous parvenaient brouillés par la distance mais qui, de toute manière, ne nous paraissaient pas être très pacifiques. Mon ami redoubla l'allure sans même penser à se rendre et nous tournâmes dans une ruelle transcendante. Une pluie de balles se mit à s'abattre autour de nous et ricochait contre les briques des bâtiments ou contre les pavés qui constituaient le sol de la rue. Je me recroquevillais contre le torse de Brian en essayant de ne rien laisser dépasser pour ne pas être touchée. Il passa ses bras autour de ma taille pour essayer de me protéger. Un projectile traversa soudain son épaule gauche et son bras se mit à pendre mollement le long de son corps alors qu'il poussait une plainte tellement faible que nos poursuivants ne devaient pas l'avoir entendue. Je fixais le sang qui se répandait sur son t-shirt et vit le trou laissé par la balle se refermer et laisser son épaule comme neuve. Il farfouilla dans une des poches de son pantalon et en sortit une sorte de petite bille noire. Je lui lançais un regard interrogateur alors qu'il me souriait et lançait la boule par-dessus son épaule. Je vis nos poursuivants ouvrir de grands yeux horrifiés alors que l'objet heurtait le sol et éclatait, faisant trembler le sol sous les pieds de Brian et envoyant valser les gardes quelques mètres en arrière pour notre plus grand plaisir. Mon sauveur continua de courir pendant quelques minutes avant de tourner dans une ruelle transcendante. Là, il ralentit et me posa sur le sol, hors d'haleine. Ses mèches pleines de sueur collaient à son front comme une seconde peau et je le regardais se plier en deux pour reprendre son souffle. Quand il se redressa, je le remerciais d'être venu à mon secours. Il me contempla pendant quelques instants avec un air indéchiffrable avant d'ouvrir la bouche pour me dire quelque chose puis de la refermer sans avoir prononcé un seul mot. Il haussa alors les épaules et me fit signe de le suivre. Je m'exécutais docilement en posant une main sur le manche du poignard qu'Héloïse m'avait donné quelques jours plus tôt. C'était la dernière arme qu'il me restait à présent. Je me souvins soudain que les dernières paroles que j'avais échangées avec Brian avant qu'il ne vienne me sauver n'étaient pas très aimables et j'essayais donc de rétablir le courant entre nous en engageant la conversation, sachant pertinemment que si je n'entamais pas une discussion, il ne parlerait pas non plus.

- C'était quoi l'espèce de bille noire que tu leur as lancé tout à l'heure ?

- C'était une grenade, une petite bombe si tu préfères.

Je m'interrogeais quelques secondes sur la provenance de cet objet, mais Brian coupa court à mes interrogations.

- Ca a du bon finalement d'avoir travaillé pour Adrian. Cet abruti nous a refilés plusieurs armes de haute qualité qui s'avèrent très pratiques en plus de ça.

Je souris sans pouvoir m'en empêcher et éclatais de rire. Le sort réservait parfois de drôles de surprises. Brian me contemplait comme si j'étais un ange alors que mon rire cristallin s'échappait de ma gorge. Je lui donnais un coup de coude dans les côtes pour le décoincer et il se mit à rire à son tour. Cela faisait bien longtemps que je ne l'avais vu sourire et je me rendis compte qu'il devait se dire la même chose me concernant. La joie est une chose si éphémère, tellement que lorsqu'elle s'éclipse, il est difficile d'y faire très attention. Mais, lorsqu'elle revient, il est impossible de ne pas s'en rendre compte.

Après avoir parcouru plusieurs kilomètres, Brian s'assura que personne ne nous suivait avant d'ouvrir une porte et de me pousser à l'intérieur. Il faisait si sombre que je ne pus pas apercevoir Dann tout de suite. Ce dernier s'était reculé dans un coin de la pièce et tenait une petite tête blonde dans ses bras. Madeline leva la tête au moment où Brian et moi entrions dans la salle. Sans un mot, elle se leva et couru dans ma direction pour me serrer dans ses bras. Je m'abaissais à sa hauteur et lui ouvris les bras.

- Merci pour tout ce que vous avez accompli les garçons, dis-je en serrant ma protégée dans mes bras.

Aucune réponse ne me parvint mais je savais qu'ils avaient entendu.


L'armée du zénithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant