Chapitre 1

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Je pénétrai dans la pièce, tendue comme un arc. La lumière s'éteignit et la porte claqua derrière moi alors que je venais de la franchir. Je me penchais en avant juste à temps et sentis quelque chose effleurer ma chevelure.

- Raté Daphnée ! lançais-je.

Un soupir irrité me parvint sur ma gauche. Sans perdre de temps, je balançais mon poing dans cette direction mais je ne rencontrais que du vide. Surprise, je tournai la tête dans tous les sens pour tenter d'apercevoir un mouvement dans l'obscurité, en vain. Je reçus un coup de poing sur la tempe, perdis l'équilibre, et m'affalai contre le mur qui se trouvait plus près que prévu... Un rire sonore éclata alors et la lumière se ralluma. Daphnée m'apparut dans toute sa splendeur. Ses cheveux noirs tressés lui tombaient dans le dos et ses yeux noisette reflétaient sa joie. Avec un grognement de douleur, je me relevai et Daphnée tendit un bras pour m'y aider.

- Tu te débrouilles mieux. Tu as tenu 30 secondes ! railla-t-elle.

J'époussetai ma manche et persévérai à l'ignorer. Mon instructrice inspecta mon visage et effleura ma tempe du bout des doigts. Je ne pus retenir une grimace.

- J'ai dû te frapper plus fort que je ne l'aurais voulu...

Je haussais les épaules pour faire comme si sa victoire m'était égale mais je bouillais intérieurement. J'en avais assez de me faire ridiculiser par Daphnée. Je voulais lui prouver que je pouvais être aussi forte qu'elle mais, elle ne m'en laissait jamais l'occasion. Je risquai un coup d'œil dans sa direction et me lançai :

- Tu sors ce soir ? Je pourrais venir avec toi ?

Elle plissa les paupières de mécontentement et sa bonne humeur s'envola aussi vite qu'elle était apparue.

- On en a déjà parlé, c'est non !

- Mais pourquoi ? insistais-je.

- Parce que tu n'es pas prête. Pourquoi tiens-tu tellement à venir avec moi ? Tu crois que c'est amusant de risquer sa vie, de se promener dans les rues ténébreuses pour débarrasser le monde d'un ou deux zombies ? Tu crois que ce n'est pas affolant de ne pas savoir quand surviendra ta mort ? C'est l'enfer dehors, de nuit. Tu es bien mieux ici !

Sur ce, elle tourna les talons, me laissant là, seule et en colère. Alors qu'elle arrivait en haut des escaliers, elle se retourna vers moi et me détailla de haut en bas, comme si elle réfléchissait à propos d'un problème sérieux et que mon expression pouvait lui apporter la réponse qu'elle espérait. Elle sembla alors se résigner et soupira avant de prononcer des paroles inintelligibles que j'interprétais comme : « La mort sera là, certes, mais elle ne t'aura point.» Ensuite, elle disparut et j'entendis la porte d'entrée claquer puis, se fut le silence. J'écartai les rideaux pour apercevoir sa silhouette mouvante se fondre dans la nuit. La voie était libre. Je refusai de rester une seconde de plus confinée dans cette habitation. Je passai ma vie à me cacher derrière les autres, ce temps là était révolu. J'allais trouver ma place et prouver à tout le monde que je n'étais pas une adolescente de 15 ans naïve, comme ma tutrice et quelques uns de ses amis semblaient le penser. Cela faisait 8 ans que Daphnée s'occupait de moi et m'avait appris quelques techniques de combat « au cas où... » disait-elle. Je me sentais prête à affronter les ténèbres. J'enfilai ma paire de bottillons et me dirigeai vers la porte d'entrée mais alors que je saisissais la poignée, celle-ci refusa de bouger dans ma paume. Daphnée m'avait enfermée. Je tapais rageusement du poing contre le mur et j'entendis mes os craquer, ce qui m'arracha une larme. Je me détournai et essayai les fenêtres une par une. Elles étaient toutes verrouillées et je ne pouvais même pas me permettre de les casser pour pouvoir sortir sans donner l'opportunité aux zombies de pénétrer dans notre habitation. Je ne pouvais pas me résoudre à détruire notre repère, percer nos défenses pour une simple escapade nocturne. Alors que je m'apprêtais à passer une autre soirée ennuyante en attendant le retour de Daphnée, je me rappelais que je n'avais pas encore testé la fenêtre de ma chambre. Je gravis les escaliers comme une dératée pour me retrouver sur le palier et pénétrais dans cette dernière. Pour mon plus grand soulagement, le cadre de la fenêtre coulissa et la fraîcheur de la nuit enveloppa mon corps de sa douce froideur. Je frissonnai de plaisir. J'allais enfin pouvoir mettre mes entrainements à l'épreuve. Un seul regard vers le bas suffit à me faire déchanter. Je me trouvai à une distance faramineuse du sol, chose à laquelle je n'avais jamais prêté attention par le passé, n'imaginant pas encore que cette fenêtre pourrait me servir de sortie improvisée. C'était sûrement pour cela que Daphnée n'avait pas pris la peine de la verrouiller. Sauter ne serait pas raisonnable et pourtant, si je voulais sortir, cette ouverture était ma seule issue.

A la fois impatiente et anxieuse, je vérifiais que j'avais bien pris mes armes avant de monter sur le rebord de ma fenêtre. Je fermai les yeux et, avant de me dégonfler, je me penchai en avant et tombai dans le vide. Mon souffle se bloqua dans ma gorge tandis que mon cœur tambourinait dans ma poitrine, comme pour essayer d'en sortir. Le vent fouettait mon visage et le sol se rapprochait de moi, bien trop vite. « J'allais m'écraser, je ne survivrais pas... » Cette pensée s'insuffla dans mon esprit alors que je me demandai ce qui m'avait pris de prendre de tels risques.





L'armée du zénithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant