Chapitre 6

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Je venais de trébucher pour la millième fois au moins. Mon corps entier était tout endolori et j'avais des courbatures partout. Ma blessure à la jambe ne saignait plus beaucoup, était-ce un bon ou un mauvais signe ?

La rue dans laquelle je me trouvais était calme. Depuis que j'avais quitté la maison de Daphnée, qui était aussi la mienne, je n'avais croisé que quelques zombies errants ça et là, au dédale des rues. Je n'avais eus aucun mal à les contourner et à éviter ainsi une autre altercation.

A bout de souffle, je m'assis contre un mur et soulevais le bas de mon pantalon. Le garrot que Daphnée m'avait fait avec une de ses vieilles chemises était dans un état lamentable si bien que je décidai de le retirer. Je comptais jusqu'à trois avant de baisser les yeux pour regarder les dégâts. Mon mollet ne ressemblait plus qu'à une longue estafilade de chair déchiquetée où l'on pouvait voir des traces de dents et tout autour de la plaie, ma peau était rouge vif. Ma blessure s'infectait. Je fermais les yeux et posais la tête contre le mur. La nuit n'était pas encore terminée mais, j'avais l'impression que des semaines s'étaient écoulées.

A travers mes paupières closes, j'eus l'impression de voir quelqu'un penché au dessus de moi et, pour confirmer mon intuition, j'ouvris les yeux pour me retrouver face à face avec un zombie effrayant. De la peau pendait de son visage, ses yeux étaient vitreux et il était très difficile pour moi d'imaginer que par le passé, il avait été humain. Je n'eus pas le temps de hurler. Il me saisit par la gorge et me souleva avant de me coller dos au mur. Il sourit, d'un sourire féroce et m'envoya son haleine en pleine figure. Je ne sus pas ce qui étais le pire, être étranglée par un cadavre, pendue à quelques centimètres du sol ou respirer son odeur de mort ? J'agrippais ses poignets pour lui faire desserrer sa prise, lui enfonçais mes ongles dans la peau, rien n'y fit. Je suffoquais et ma vision commençait à se teinter de gris. Mes jambes balançaient dans le vide et je lui envoyais un coup de pied bien placé. Même avec un zombie, ce coup ne rate jamais. Mon agresseur se plia en deux et me lâcha. Je tombai sur le sol alors que mes jambes se dérobaient sous moi. Pendant que je reprenais mon souffle, le mort vivant m'attrapa par le col de mon blouson et me donna un coup de poing sur le nez. Un filet de sang s'échappa de mes narines. Le zombie ouvrit de grands yeux ronds et fixa le liquide qui s'écoulait comme si c'était le meilleur élixir du monde. Je vis ses lèvres s'entrouvrirent pour laisser passer sa langue. Dégoutée, je lui assénai une gifle, puis un coup de point dans la mâchoire. Etourdi, il relâcha sa prise. C'est tout ce qu'il me fallait. Je récupérai mon poignard en tâtonnant et lorsqu'il se retourna vers moi, je lui enfonçai dans l'œil. La créature hurla comme un forcené et se précipita sur moi. Il fut fauché dans son élan par une flèche venant de nulle part qui transperça son buste et dont je voyais le bout dépasser entre ses côtes. Sa tête heurta le sol avec un bruit peu ragoutant.

Une fois remise de ma surprise, je vis un garçon, pas beaucoup plus âgé que moi,

s'avancer dans la ruelle et venir ramasser sa flèche. Il essuya le bout de son arme sur

la loque qui lui servait de T-shirt avant de daigner lever les yeux vers moi. Une

cicatrice courait du coin de son œil gauche à son menton. Excepté ce petit défaut, il

était d'une beauté à couper le souffle. Ses cheveux étaient aussi noirs que des cendres

et ses yeux, de la même teinte, me fixaient tels deux trous sans fond, insondables,

froids et durs comme la pierre.

- C'était mon meilleur ami, il est mort l'année dernière lors d'une attaque surprise et depuis, je n'avais de cesse de le traquer.

Je le dévisageais sans comprendre. Pourquoi me racontait-il tout cela ? Au moins maintenant, je savais pourquoi ce zombie avait failli me tuer, c'était un ancien membre de l'armée, un humain surentrainé.

- Tu ne me dis pas merci de t'avoir sauvé la vie ? demanda le nouveau venu en haussant un de ses sourcils.

Arrogant, sûr de lui et prétentieux, ce mec commençait déjà à m'énerver, si bien que je reçu le besoin de le rabrouer.

- J'aurais pu m'en sortir toute seule, je n'avais pas besoin d'aide. De toute façon, tous ceux qui viennent à mon secours meurent les uns après les autres.

Au lieu de s'énerver ou de me tenir tête, le garçon éclata de rire, un rire doux et sensuel qui n'avait pas vraiment pas sa place dans une ruelle comme celle-ci, au milieu de cadavres de zombies et de poubelles... Je ne voyais pourtant pas ce que j'avais dit de drôle. A moins que la perspective de sa mort prochaine le réjouisse, ce dont je doutais fort.

- C'est que tu as du caractère en plus, la belle ! Comment t'appelles-tu ? Moi c'est Brian.

- Et moi c'est Thelia.

Brian écarquilla les yeux avant de m'étudier de haut en bas. Il s'approcha de moi et me prit mon poignard des mains avant de l'examiner.

- Tu étais la petite protégée de Daphnée c'est ça ? Elle m'a beaucoup parlé de toi. Où est-elle ? Ca m'étonnerais qu'elle t'ait laissée sortir seule...

Je baissais la tête pour cacher mes larmes qui s'étaient remises à couler. Le garçon comprit immédiatement et la colère se lut dans ses yeux.

- Que s'est-il passé ?

La gorge nouée, je lui racontai mon acte de désobéissance et ce qu'il avait entrainé. Brian me regarda avec une moue mécontente avant de se détourner.

- Suis-moi, on rentre.

N'ayant nulle part d'autre où aller, je lui emboitais le pas. Nous marchâmes en silence et Brian s'appliquait à m'ignorer. C'était comme faire le chemin avec un mufle et encore, j'étais gentille.

- Je n'ai jamais voulu ce qui est arrivé, je n'ai jamais voulu lui faire de mal ! m'exclamais-je dans l'espoir qu'il dise quelque chose.

Il se retourna et plongea ses yeux dans les miens.

- Si je pensais que tu l'avais fait exprès, que tu l'avais laissée mourir volontairement, je t'aurais déjà tuée. Mais tu es en vie alors, c'est que je t'estime responsable, pas coupable.

Il se remit en marche, sans regarder par-dessus son épaule pour voir si je le suivais ou pas, alors que le soleil pointait le bout de son nez.


L'armée du zénithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant