J'étais couchée dans un espace exigu, les bras étendus le long du corps et les paupières closes. Je me sentais oppressée et j'étais sur le point d'étouffer. Il fallait absolument que je sorte de là. J'ouvris les yeux d'un seul coup pour ne distinguer que du noir autour de moi. Un noir opaque, impénétrable. Paniquée, je voulus bouger mais mes membres étaient comme ankylosés et ils mettaient plus de temps qu'ils ne le devraient pour se mouvoir. Une puanteur atroce flottait dans cet espace confiné. Mes os émirent des craquements de contestation alors que mon bras se levait pour toucher la surface qui me surplombait. De la terre. J'étais enterrée sous terre. Paniquée, je me mis à gratter les parois qui me retenaient prisonnière de manière frénétique. J'avais de la poussière dans les yeux mais je n'y prêtais pas attention et continuais. Après une éternité, j'aperçus enfin la lumière des étoiles. Je me faufilais par l'ouverture que je venais de pratiquer et me retrouvais à l'air libre. Il me fallut un certain temps avant de réussir à me mettre debout. Lorsque j'y parvins, je jetais un regard circulaire autour de moi et découvris avec stupeur que des rangées de croix s'étendaient à perte de vue, de tous les côtés. Je compris avec horreur que je me trouvais dans un cimetière. Il fallait absolument que je me sorte de ce pétrin. J'allais partir quand la terre se mit à remuer et des zombies sortirent du sol, un air affamé imprimé sur leurs visages. Leur nombre dépassait l'entendement et je me mis à trembler lorsqu'ils se déplacèrent dans ma direction. Je voulus courir mais je ne réussis qu'à faire quelques pas d'une manière peu assurée. Les mutants passèrent à côté de moi sans me porter attention et j'en fus étonnée. Je m'arrêtais et regardais la vague de morts vivants prendre le chemin du village. Soudain, une série d'images me revinrent à l'esprit et tout se remit en place. Je revis ma mort en direct et la sensation de douleur qui m'avait habitée. Je baissais mon regard pour visualiser mon corps. J'étais en guenilles, du sang séché étalé sur mes vêtements. Ma peau avait perdu son éclat et je me rendis compte que l'odeur de moisi ne m'avait pas quitté, même à l'air libre. Il me fallut un moment pour admettre la vérité qui s'imposait à moi.
J'étais un zombie.
Après tous les dangers que j'avais traversés pour empêcher ces créatures de nuire aux humains, j'en étais devenue une à mon tour. Abattue par le poids de cette horrible vérité, je restais devant ma tombe, les bras ballants et le regard dans le vide. Un cadavre ambulant passa soudainement à côté de moi et frôla mon bras de ses guenilles, me faisant sursauter. Je lançais un regard circulaire autour de moi et aperçus la masse de zombies se diriger dans une seule et même direction. Sans pouvoir m'en empêcher, je suivis les autres jusqu'au village. Une odeur alléchante flottait dans l'air et se raffermissait au fur et à mesure que nous approchions des habitations. Je ne l'avais jamais sentie jusqu'ici et je me demandais ce que ça pouvait être. Les mutants s'arrêtèrent à la limite du village comme s'ils venaient de se cogner contre un mur. Je me frayais un passage à travers leurs corps engourdis pour venir heurter un épais grillage de fer. Ce dernier se mit à grésiller à mon contact et je tombais à la renverse, de la fumée se formant aux endroits de ma peau que les fils avaient touchés. Je venais de me faire électrocuter. Les zombies fixèrent mon corps endolori, de la bave s'écoulant de leurs lèvres. La peur s'imprimait dans leurs traits et se distinguais nettement sur leurs faces dévastées. Ils avaient mauvaise mine et je ne devais pas être beaucoup plus jolie. Avec difficulté, je repris position sur mes jambes et fixais le lourd rideau de fer en essayant de trouver un moyen de le contourner. Tout mon être bouillonnait de colère. Les survivants avaient réussis à rétablir l'électricité dans la ville, se protégeant des monstres dont je faisais à présent partie et je me demandais pourquoi n'avaient-ils pas pensé à installer ce système lorsque j'étais encore en vie. J'aurais certainement pu vivre paisiblement à leurs côtés si tel avait été le cas. Soudain, j'aperçus une silhouette humaine armée jusqu'aux dents se déplacer telle une ombre furtive à la limite de la clôture. Il adressa un regard dégouté à nos corps décharnés avant de continuer sa ronde sans se laisser déstabiliser par nos cris rageurs et nos tentatives désespérées de percer leurs défenses. Sa vue excita le monstre que j'étais devenue et sans aucune retenue, je me laissais tomber sur le sol en arrachant la terre à pleines mains jusqu'à ce qu'un trou se forme, se creuse puis donne naissance à un tunnel me permettant de passer de l'autre côté du grillage. Les autres zombies ne comprirent pas ma manœuvre et se jetèrent sur le grillage avec frénésie pour me rejoindre, créant une multitude de chocs électriques. Je me détournais pour pénétrer dans le patelin, sans appréhension. Je ne me sentais pas intruse dans ce milieu que j'avais connu. Des grognements s'élevèrent derrière moi. Les mutants m'appelaient et moi, je les comprenais. Cette constatation me fit l'effet d'une gifle. Je m'entendis leur répondre et ils me suivirent en empruntant mon passage dans la terre après un temps d'hésitation. Qu'avais-je fais au juste ?
Nous nous séparèrent, envahissant les rues et nous fondant parmi les ombres. Je suivais toujours l'odeur alléchante que j'avais perçue. Je tournais plusieurs fois sans faire attention où mes pas me menaient. Tout d'un coup, je me retrouvais face à un cul de sac rempli de bennes à ordures. Le parfum que j'avais senti était dissimulé par ici. Je me retournais en entendant un gémissement apeuré et me dirigeais vers ce dernier. J'écartais deux poubelles et aperçus un enfant recroquevillé sur lui-même. Il hurla en découvrant mon visage et j'eus un effet de recul devant sa réaction. Un zombie arriva en courant dans la ruelle et me poussa. Je tombais sur le sol alors qu'il empoignait le garçon hurlant à gorge déployé par le col de sa chemise. Il lui planta son oncle crochu dans le ventre et l'enfant s'évanouie. Du sang s'écoula de son abdomen et je me pris à me lécher les babines. L'odeur que j'avais sentie plus tôt, c'était ce sang riche et délicieux. Je venais d'être confrontée à l'appel de la chair. Avec de grands yeux, j'observais mon semblable ôter la vie de ce petit être avec un mélange de fascination et d'effroi. Je ne pouvais pas m'autoriser ce mode de pensées cependant et je secouais la tête pour me réveiller de ce mauvais rêve. Je me redressais et pris la fuite pour échapper à cette scène. J'errais à présent dans les rues désertes, sans destination précise, sans but. J'entendis que l'on dégainait un pistolet et je me retournais pour faire face à mon agresseur. Je le reconnu. Il s'agissait de Dann. Sa vue me procura du soulagement puis de la colère. Je me souvins qu'il m'avait trompée puis traitée comme une paria alors que j'étais sur le point de mourir et encore maîtresse de mes pensées. Avec un rugissement bestial, je me dirigeais vers lui en montrant les dents, prête à mordre. Il devint blanc comme un linge en me reconnaissant et n'osa plus faire un seul geste. Il était à moi. Je me jetais sur lui et griffais son visage d'ange pour lui ôter sa beauté, le rendre aussi horrible à l'extérieur qu'à l'intérieur. Il hurla, essaya de se dégager de ma poigne mais j'avais retrouvé mes réflexes de combattante et mue par la rage, il n'avait aucune chance contre moi.
- Qu'est-ce que... ?
Ces simples mots, cette simple phrase inachevée provoqua une vague de sentiments en moi qui m'ébranla. Je lâchais Dann, qui saignait abondamment, pour me retourner d'un bloc vers mon bien-aimé. Brian était là, son arme tendue devant lui.
- Thelia...
Il prononça mon prénom avec incompréhension, comme si j'étais un mirage. Oubliant que je ne faisais plus partie de son monde, je me dirigeais vers lui d'un pas traînant et je vis ses yeux s'agrandir, effarés. Je continuais de progresser dans sa direction, tenant absolument à le toucher comme avant. Je tendis un bras devant moi. Je n'étais plus qu'à quelques centimètres de son corps, tendu comme sur des ressorts, quand la lame d'un poignard dépassa de ma poitrine. Je tombais au sol alors que Brian suivait ma chute du regard sans tenter de me rattraper. Il était paralysé par le choc. J'agonisais, mon corps se tordant sous la douleur mais il n'y avait personne pour m'aider dans cette ruelle. Je rugis de colère et de la bave s'écoula d'entre mes lèvres.
- Ca va mon pote ? s'enquit Dann en posant sa main teintée de rouge carmin sur l'épaule de Brian.
Ce dernier ne répondit rien et ne me lâchait pas du regard.
- Réveille-toi Brian, ce n'est pas Thelia que tu as devant toi mais un mutant sans cervelle. Il faut l'achever. Je suis désolé que tu l'ais trouvée dans cet état, c'est la dernière image que tu auras d'elle. Une créature sans humanité.
Si seulement il savait que j'étais prisonnière de mon corps, que j'étais toujours à l'intérieur. Du coin de l'œil, je vis Dann sortir un révolver de sa poche et pointer son canon sur ma tête. Brian interrompit son geste. Il lui prit l'arme à feu des mains et la contempla quelques secondes avant de dire d'une voix faible et déterminée.
- C'est à moi de le faire, pour elle, pour moi, pour nous.
Je le fixais avec patience, le remerciant silencieusement. Il tira le cran de sûreté de l'arme et le pointa dans ma direction. Il détourna le regard lorsqu'il appuya sur la détente.
THE END...
Merci à tous pour l'attention que vous avez apportée à ma fiction. Je vous remercie du fond du coeur et j'espère qu'elle vous aura séduite :)
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L'armée du zénith
Science-FictionLe monde n'est plus ce qu'il était. Du jour au lendemain, la vie de milliards d'humains a virée au cauchemar. Des créatures repoussantes ont envahi le monde, semant le chaos sur leur passage. Thelia est une rescapée. La jeune fille vit avec sa mère...