J'avançais l'échine courbée, les mains derrière le dos et les poignets liés. La lame de mon poignard, que j'avais glissé dans la manche de ma combinaison, entaillait la peau de mon avant bras et je sentais une fine trainée de sang couler le long de mon membre. Dann et Brian me suivaient, la mine sombre et le torse bombé. Lorsque nous croisions des soldats faisant partie de leur armée, ils s'empressaient de se rapprocher de moi et de me maintenir d'une poigne de fer pour leur montrer qu'ils avaient la situation en main, avant de les saluer d'un bref signe de tête. J'étais écœurée par la faiblesse de l'être humain.
Le macadam défilait sous mes pieds et me rapprochait de mon but. Dann se pencha et me demanda au creux de l'oreille si j'étais toujours prête à me sacrifier pour sauver Madeline. Je lui balançais un coup de coude dans les côtes pour lui couper le souffle et l'empêcher ainsi de dire ce genre de propos. Le garçon se plia en deux et lorsqu'il retrouva son souffle, il me poussa en avant pour me faire presser le pas. Plus vite nous arriverons, plus vite nous repartirons. Nous nous engageâmes bientôt dans la rue où se trouvait la demeure du chef et je déglutis difficilement en apercevant des hommes armés rentrant de service. La nuit touchait à sa fin et le jour débutait. J'eus une pensée pour mes compagnons de l'armée qui devaient penser que je les avais trahis. Brian passa à côté de moi sans me jeter un regard et s'en alla frapper à la porte pour qu'on lui ouvre. Un soldat déverrouilla le battant et nous pûmes pénétrer dans le bâtiment. Le jeune homme posa son regard étonné sur moi lorsque je le dépassais et il demanda d'un air sincèrement étonné à mes deux accompagnateurs comment ils avaient fais pour mettre la main sur moi. Dann le fusilla du regard et demanda où se trouvait le patron tout en éludant sa question. Le gardien nous indiqua qu'il se trouvait à l'étage et Dann m'entraina dans cette direction. Nous nous mîmes à grimper les escaliers, Brian nous précédent. Lorsque nous arrivâmes au milieu des marches, le beau blond regarda s'il n'y avait personne aux alentours avant de poser sa bouche sur mes lèvres.
- Je ne pouvais pas manquer de t'embrasser maintenant, au cas où ça serait la dernière fois.
Je le fusillais du regard avant de me remettre à avancer et lui lançai par dessus mon épaule, alors qu'il se mettait à courir pour effacer la distance entre nous :
- Je suis touchée de voir que tu as confiance en moi !
Le silence s'installa entre nous et personne ne parla plus jusqu'à ce que nous arrivions dans les appartements du maître du village. Je remarquais qu'il y avait un garde de chaque côté de la porte de sa chambre et une moue contrariée s'afficha sur mon visage. Mon évasion s'avérait plus compliquée que prévue... En nous voyant arriver, les deux colosses tournèrent la tête dans notre direction et ils nous ordonnèrent de nous arrêter et de ne pas déranger le patron car il se reposait. Brian prit un ton professionnel que je ne lui connaissais pas et leur expliqua la raison de notre visite en me montrant du doigt. Les deux hommes ouvrirent de grands yeux, étonnés, avant de frapper à la porte du chef du village. La voix tonitruante de ce dernier traversa l'épaisseur de bois et les deux gardes ouvrirent le battant pour permettre à Brian de pénétrer dans la pièce. Quelques instants plus tard, les deux soldats m'arrachèrent de la poigne de Dann pour m'embarquer dans la chambre. Je fis semblant de me débattre en faisant bien attention pour que mon poignard ne s'enfonce pas trop profondément dans ma chair. Les deux colosses m'assirent sur une chaise en bois face à une table en chêne massif. De l'autre côté de ce meuble se trouvait, assit dans un fauteuil, le maître des lieux. Brian, debout derrière lui, planta ses yeux bruns dans les miens pour me signifier qu'il allait revenir très bientôt avant de quitter les lieux. Lorsque la porte se referma derrière lui, l'homme se pencha par-dessus la table pour observer mes traits de plus près.
- Tu es toujours aussi chétive que la dernière fois...
Je ne répondis pas à sa remarque et me contentais de le fixer de mes yeux bleus pour lui signifier que je n'étais pas prête à travailler sous ses ordres. Il émit un rire jaune et guttural et j'imaginais ses cordes vocales écorchées par ce son odieux. En voyant ma grimace, le chef se mit à rire de plus belle avant de se calmer et de se rasseoir dans le fond de son siège. Nous restâmes quelques minutes sans bouger, à nous regarder en chien de faïence, jusqu'à ce qu'il rompe le silence.
- J'ai entendu parler de tes exploits et j'ai un marché à te proposer.
Il laissa sa phrase en suspend pour me laisser la digérer avant de reprendre :
- Si tu te ranges de mon côté et rejoins mon armée, je promets de relâcher ta protégée et de t'offrir tous les avantages dont bénéficient mes favorites. Tu saisis ?
J'eus un haut le cœur en comprenant ce que signifiait ses propos et reculais instantanément jusqu'à ce que mon dos heurte le dossier de la chaise sur laquelle j'étais installée.
- Dois-je comprendre que tu refuses ? s'énerva-t-il.
Je gardais encore une fois le silence pour ne pas laisser s'échapper de ma bouche des paroles qui pourraient me porter préjudice. Il fallait que je gagne du temps pour que les garçons aient l'opportunité de libérer Madeline et j'étais pourtant entrain de perdre la partie. Je fermais les yeux, quelques secondes seulement, avant de les rouvrir et de regarder mon interlocuteur droit dans les yeux.
- Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur ? Vous connaissez mon nom, je ne connais pas le vôtre.
Un sourire se dessina dans ses traits et l'homme passa sa langue sur ses lèvres avant de murmurer son prénom d'une voix langoureuse.
- Adrian.
A cet instant, il commença à se lever de sa chaise et à contourner la table pour me rejoindre. Mon cœur s'accéléra dans ma poitrine et mon cerveau tournait à plein régime pour trouver une solution afin de me dépêtrer de cette embarrassante situation.
- Qu'attendez-vous de moi ? Quelles tâches me proposez-vous si je rejoins votre armée ? Sachez que je ne supporte pas rester au second plan !
L'homme sourit, encore une fois, et s'arrêta pour se mettre à énumérer tous les services qu'ils avaient à me proposer. Pendant ce temps, je fis glisser le poignard dans ma main droite et entrepris délicatement de couper mes liens. Le bruit de la lame entrant en contact avec la corde était camouflé par la voix tonitruante de mon interlocuteur. Lorsqu'il tourna son regard vers moi avec un air suspicieux, je lui souris de manière innocente pour éloigner ses soupçons. Mes liens s'apprêtaient à rendre l'âme, il ne me manquait que quelques petites secondes avant d'être libre. Cependant, mon subterfuge ne marcha pas comme prévu et l'homme s'avança dans ma direction et entreprit de me contourner pour voir ce que je trafiquais. Je n'avais plus le temps. Je compressais mes muscles et tirais une bonne fois pour toute sur la corde qui entravait mes poignets. Cette dernière se rompit d'un seul coup avec un bruit peu discret. Le maître des lieux grimaça devant ma trahison mais il n'eut pas le temps de faire un seul geste que je prenais mon élan et le plaquais au sol.
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L'armée du zénith
Science FictionLe monde n'est plus ce qu'il était. Du jour au lendemain, la vie de milliards d'humains a virée au cauchemar. Des créatures repoussantes ont envahi le monde, semant le chaos sur leur passage. Thelia est une rescapée. La jeune fille vit avec sa mère...