Chapitre 46

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Brian cessa soudainement de marcher et je lui rentrais dedans de plein fouet. Alors que je me frottais le nez, qui avait malencontreusement percuté son dos, et que je m'apprêtais à insulter le garçon pour ne pas m'avoir prévenue de ce brusque changement de cadence, Dann arriva à ma hauteur et me regarda d'un air interrogateur. Je poussais Brian sur le côté pour voir ce qui venait de capter son attention. Le grand brun était debout devant un bout de ferraille carré qui devait sûrement autrefois servir de panneau. Je frottais la crasse qui le recouvrait avec ma paume pour découvrir le nom de la ville qui y était inscrit. Ce dernier était à moitié illisible mais pas assez pour que nous ne comprenions rien.

- Tu crois que nous en sommes encore loin ? demandais-je au garçon après avoir zieuté le chiffre qui jouxtait le nom.

Pour toute réponse, il haussa les épaules et se remit en route dans la direction indiquée. N'ayant pas d'autre option, Dann et moi le suivîmes. Je jetais un coup d'œil dans la direction de ce dernier pour découvrir une Délila aux reflets bleus.

- Et merde ! jurais-je en agrippant son poignet pour atteindre son pouls.

Le garçon qui la portait l'installa le plus vite possible sur le sol et m'aida à remonter le pantalon de la jeune fille. Je grimaçais en voyant les dégâts. Sa blessure était toute infectée et sa jambe ne répondait plus à ces mouvements. Brian accourut vers nous, suivit de Madeline.

- Elle ne s'en sortira pas... lâcha-t-il avec une note de nostalgie au fond de la voix.

Je lui lançais un regard mauvais avant de sortir mon couteau et de rouvrir la blessure de mon amie. Du pus dégoutant en sorti et je m'empressais de l'éponger avec un morceau du pantalon de la blessée.

- Mais arrête un peu de t'acharner Thelia, elle ne réagit même plus à ce que tu lui fais. La seule solution serait de lui couper la jambe mais nous ne pouvons nous permettre une telle opération ici, au milieu de nulle part.

Je relevais la tête de ma besogne et fixais le visage de Délila, ses yeux étaient clos et comme enfoncés dans leur orbites. La fièvre la dévorait. Des larmes de rage et de désespoir se mirent à couler sur mes joues. Je sentis une main se poser sur mon épaule mais je la repoussais. Je n'avais pas besoin de soutient, j'avais juste besoin d'aide et de courage.

Le silence s'installa au sein de notre petit groupe mais il fut rompu par Dann qui se raclait la gorge.

- Je pense qu'il est temps de lui dire au revoir...

Madeline s'agenouilla à côté de moi et posa sa petite menotte chauffée par le sang qui y circulait sur celle gelée de la mourante. Je la pris dans mes bras et me relevais du mieux que je le pouvais. Brian passa son bras autour de mes épaules pour m'éloigner de cet endroit. Du coin de l'œil, je vis la raison de son geste. Dann venait de sortir le pistolet de sa poche et dirigeait le canon vers la tête de sa protégée. Je plaquais mes mains sur les oreilles de Madeline.

Le coup de feu retentit et la détonation se répercuta dans les alentours vides et flotta autour de nous dans l'atmosphère lourde. La fillette cria de désarroi avant de se laisser tomber au sol, en proie à une crise de panique.

Voilà ce qu'était devenue l'humanité. Un amas de chair et d'os, un amas de peur.

Dann nous rejoignit en courbant l'échine et d'un signe de tête nous indiqua de nous remettre en route. Il prit la tête de la file, suivit par Brian et Madeline. Moi, je restais debout, sur place, incapable de bouger. Je fixais Délila, cette ravissante jeune fille à la chevelure chocolat entourée d'une auréole sanglante. Cette jeune fille que la mort non plus n'avait pas voulue épargner.


L'armée du zénithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant