Chapitre 78

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Haletante, je fixais la ruelle devant moi à la recherche d'un quelconque mouvement. Maintenant que je venais de constater l'étendue des pouvoirs d'Héloïse, mon appréhension ne faisait que croitre. Lorsque je sentis une main se poser sur mon épaule, je me retournais et assainis un grand coup de coude dans le ventre de mon assaillant. Absorbée par ma lancée, je ne remarquais pas tout de suite qu'il s'agissait de Thois. Frappé au bas ventre, ce dernier se plia en deux, le souffle coupé.

- Mince, je suis désolée, lui dis-je en reportant mon attention sur la ruelle.

- Pas de problème, me dit-il en reprenant sa respiration.

Il se redressa en grimaçant et vint se poster à ma hauteur. Je serrai les dents de devoir supporter sa compagnie. Certes, il m'avait sauvé la vie mais je ne voulais personne dans mes pieds pour accomplir une mission aussi dangereuse. J'allais lui demander de retourner aider les autres mais avant que j'aie pu ouvrir la bouche, mon ami ouvrit de grands yeux et se jeta en avant.

- Là ! s'écria-t-il en me montrant une silhouette drapée de noir qui se précipitait dans une ruelle adjacente.

Je me mis à courir à mon tour en ordonnant à Thois de ne pas se mêler de ça. Au lieu de m'écouter, il me lança un clin d'œil par-dessus son épaule et accéléra l'allure, me distançant de plusieurs mètres. Je me souvins la fois où il avait fuit lorsque nous nous étions retrouvés face à Dann et Brian, portant l'écusson de l'armée officielle, et je comparais ce jeune garçon à celui que j'avais devant moi maintenant, déterminé et courageux. Que voulait-il me prouver au juste ? Au moment où cette pensée traversa mon esprit, Thois s'engagea dans la ruelle en question et des coups de feu se mirent à retentir.

- Thois ! hurlais-je, oubliant toute discrétion.

Je dégainais mon pistolet en veillant à ne pas lâcher mon bâton. Je m'aplatis contre la façade de l'immeuble, arme en main et comptais jusqu'à trois avant de me jeter à découvert. Sans savoir à qui j'avais affaire, je tirais sur les silhouettes qui braquaient leurs armes dans ma direction. Ils ripostèrent et une balle me frôla le bras, m'arrachant une grimace. L'un de mes assaillants tomba par terre tandis que son collègue continuait de me tenir en joue. Il prit son temps de bien me viser pour tirer mais je fus plus rapide et ma balle traversa sa tête. Il s'écroula à son tour, du sang sur le front. Une fois que la ruelle eu retrouvé son calme apparent, je m'autorisais à chercher Thois des yeux. Je le trouvais allongé par terre, du sang s'écoulant de son thorax. Je me précipitais vers lui en déchirant le bas de ma blouse et me jetais à genoux à ses côtés. Je palpai son pouls et le senti battre faiblement sous mes doigts.

- Accroche-toi, lui murmurais-je en retirant sa main de sur sa blessure pour pouvoir regarder cette dernière.

La balle avait laissé un profond impact et le sang s'écoulait à flot, donnant au jeune homme un teint de cadavre. Je serrais les dents et pressais le bout de tissu contre sa plaie. Ce dernier se teinta immédiatement de rouge et mes doigts aussi par la même occasion. Je n'arrivais pas à stopper l'hémorragie et cette constatation m'arracha un petit cri plaintif. A cet instant, je sentis la main poisseuse de sang de Thois se poser sur la mienne.

- Tu saignes, me dit-il faiblement en parlant de mon bras qu'une balle avait touché.

Je ne regardais même pas mon membre, portant toute mon attention au garçon.

- Toi aussi tu saignes tu sais, lui dis-je en retenant un sanglot.

Il grimaça alors que je me dégageais de son contact pour déchirer un nouveau morceau de mon haut pour couvrir sa blessure. Il m'arrêta avant que je puisse entendre le tissu se déchirer.

- Ca ne sert à rien, ne te déshabille pas pour moi, me dit-il en affichant un sourire distrait sur son visage.

En le voyant dans un tel état et me sachant impuissante à l'aider, la colère monta en moi sans que je ne puisse la retenir.

- Pourquoi tu ne m'as pas écoutée ? Je t'avais demandé de me laisser gérer ça toute seule et tu as vu où ta bêtise nous a mené ?

Il ferma les yeux et gémit. Je vis une larme couler entre ses cils et je me mis à le secouer comme une dingue en le suppliant de continuer à respirer. Je ne me sentais pas aussi proche de lui que je l'aurais dû mais je l'étais assez pour ne pas désirer le voir mourir. Mon ami ouvrit une nouvelle fois les yeux et planta son regard dans le mien.

- Je suis désolé pour tout, je sais que je n'ai pas eu un comportement très exemplaire mais j'aimerai quand même que tu me fasses une faveur, je t'en prie.

J'eu un mouvement de recul en entendant ses supplications. Je lui fis signe de parler, regrettant déjà de lui donner cette opportunité.

- Je voudrais que tu m'embrasses, juste une fois avant que je meure.

Un frisson me secoua toute entière sous le poids de sa demande. Je fixais son visage et je me dis qu'un baiser ne ferait de mal à personne. Alors que je me penchais vers lui, je vis un filet de sang s'écouler des commissures de ses lèvres et de son nez. La mort n'allait pas tarder à l'emporter. En voyant mes lèvres approcher des siennes, il ferma les yeux en attente de mon baiser mais ce dernier ne vint pas. Je me redressais, en proie aux remords mais il était trop tard pour revenir en arrière.

- Je ne peux pas Thois, je suis désolée, dis-je en me mettant à pleurer.

Le garçon ouvrit à nouveau ses yeux et me fixa incrédule. Je décidais de ne pas le laisser se tourmenter plus longtemps sur le refus de mon baiser et lui apportai une réponse franche.

- Je ne peux pas t'embrasser car ce serait un leurre. Je ne suis pas amoureuse de toi. J'aime Brian et t'embrasser serait juste une forme de pitié à ton égard, je ne veux pas que tu meures dans le mensonge, je suis désolée.

Contre toute attente, mon ami m'adressa un sourire.

- Merci de ne pas me bercer d'illusions.

Il se mit à tousser et une gerbe de sang m'éclaboussa. Il était en train de s'étrangler. Je me dépêchais de le mettre en position assise et de poser sa tête sur mes genoux. Tremblant, il fixa mon visage jusqu'à ce que la vie quitte son corps. Ses yeux se vidèrent de leur lueur bienveillante et prirent une teinte mate. Je déposais un baiser sur son front avant de reposer son corps à terre et de me diriger vers le corps de ses meurtriers. Ces derniers n'étaient autres que des membres de l'armée ennemie et j'eu la nausée en visualisant ce que les humains étaient capable de faire endurer à leurs semblables. Par pure vengeance, je dirigeais le canon de mon pistolet vers eux et tirais une nouvelle fois sur leur corps sans vie, avant de tourner les talons et de quitter la ruelle pour essayer de rattraper Héloïse. Je ne me retournais pas pour regarder une dernière fois le corps de Thois.

L'armée du zénithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant