Chapitre I : Tueuse / Partie 1

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La jeune louve se rapprocha à pas feutrés de sa cible. D'apparence humaine, elle ressemblait à n'importe quelle jeune femme d'environ vingt-cinq ans. Ses cheveux bruns étaient courts, mais elle souffla tout de même sur une mèche qui lui tombait dans les yeux, derrière ses lunettes de soleil, en pensant qu'elle devrait encore une fois demander à Lana de les lui couper en rentrant.

Elle observa l'homme qu'elle visait entrer dans un taxi et jeta un œil au soleil. Il était tard, et le scientifique allait probablement retourner chez lui. Depuis quinze jours qu'elle le suivait, elle n'était pas parvenue à trouver la trace du dernier laboratoire, et les allers-retours de l'homme dans la ville de Charlotte commençaient à la lasser. Elle savait ce qu'elle avait à faire et héla un taxi, auquel elle indiqua le nom d'une banlieue chic de la ville, avant de s'asseoir plus ou moins confortablement dans la voiture, dont les odeurs de tabac froid, de résine de cannabis et d'alcool lui piquaient les narines. Son odorat surdéveloppé, comparé à celui des Hommes, lui permettait malheureusement de sentir ce que les humains laissaient traîner derrière eux et, bien souvent, elle devait se forcer pour ne pas avoir de haut-le-cœur. Lorsque le taxi s'arrêta enfin à destination, elle fut soulagée de sortir et, après avoir payé, marcha dans les rues de la banlieue, observant chaque maison quasiment identique, les gazons trop bien entretenus, tous taillés à la même hauteur, les volets peints de la même couleur. « Aucune originalité », pensa-t-elle.

Afin de ne pas se faire repérer, elle portait un pantalon de ville en lin clair, une chemisette fluide et des lunettes de soleil, qui cachaient ses yeux noirs de louve. Seuls ses yeux pouvaient trahir son appartenance à son espèce. Même lorsqu'ils n'étaient pas des loups, son peuple gardait des yeux plus grands, plus ronds, et à l'iris occupant toute la place, à l'opposé des humains, dont la sclérotique était presque dominante. Tous ceux de son espèce avaient des yeux noirs, la couleur de leur pupille était exactement la même que celle de leur iris, et leur taille permettait aux loups un angle de vision de 250°, bien plus développé que celui des humains. Comme leur cousin, le canis lupus, leurs yeux possédaient un « tapis clair » au niveau de leur rétine, leur permettant une excellente vision de nuit, presque aussi bonne que la journée. La jeune femme sourit en pensant à ce détail. Cette nuit, elle n'avait pas de transformation, et ses mouvements n'en seraient que simplifiés pour l'enlèvement de sa proie. Le Shéker avait insisté lourdement. Il voulait cet homme vivant. Elle le lui rapporterait donc mais... il n'avait rien dit au sujet de la femme qui l'accompagnait.


John était couché aux côtés de sa femme mais, comme toujours, il ne parvenait pas à dormir. Cela faisait quinze jours qu'il était revenu chez lui, faisant ainsi une pause dans son travail au sein du projet « Moly », et pourtant il n'arrivait pas à décrocher. Il savait que leurs travaux avaient beaucoup avancé depuis les dix dernières années et, avec un peu de chance, ils parviendraient bientôt à créer une arme chimique ou bactériologique capable d'éradiquer les lycanthropes. Au contact de ces animaux barbares, il avait appris à ne plus être dégouté à l'idée de les faire souffrir et avait dû mettre de côté sa bonté naturelle. Au départ, leur aspect humain l'avait rebuté mais, finalement, il avait découvert qu'ils n'étaient que des bêtes, qui plus est, dangereuses. Il n'avait donc plus aucune retenue à tenter de trouver une arme permettant de les rayer à jamais de la surface de la Terre, avant que le commun des mortels ne se rende compte de leur existence. Jusqu'à présent, les différents gouvernements étaient parvenus à supprimer toutes les idées d'existence des lycanthropes, les reléguant au même statut que celui de celui de la Zone 51 des années auparavant, une légende sans fondement, qui faisait juste parler quelques « illuminés » que l'on s'empressait d'enfermer dans des asiles.

L'homme se tourna vers sa table de chevet, le temps de se servir un verre d'eau. Il devait décrocher, ne serait-ce que pour quelques jours. Depuis le début de ses vacances forcées, il n'avait pas encore passé une seule journée avec son épouse. « Demain, je l'emmène au restaurant ! », se convint-il, avant de s'endormir. 

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant