Chapitre IV : Désaccords / Partie 2

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Après la nuit éprouvante qu'ils venaient tous de passer, et une matinée entière à assigner à chacun ses nouveaux appartements, Angeni avait obtenu l'autorisation de pouvoir se reposer quelques heures. Avant de regagner sa chambre, elle décida de se restaurer dans l'une des nouvelles cantines, dont les cuisiniers avaient déjà pris possession. La jeune femme était troublée par la ressemblance quasi-parfaite entre l'ancien laboratoire et celui-ci. Elle se demandait combien d'autres répliques il pouvait bien exister aux Etats-Unis. Sa faim prenant le dessus, elle commanda au sous-officier cuisinier une pizza, puisqu'il n'y avait que cela de proposé au menu. Simples, rapides à cuisiner et à cuire, le chef avait fait le choix de ce repas.

Une fois sa part dans son assiette, elle chercha du regard une table isolée, où elle pourrait être un peu à l'écart. Elle était fatiguée par la gestion pendant plus de vingt-quatre heures de tous ces hommes et femmes et voulait juste être tranquille pour savourer son repas. A peine avait-elle touché à sa pizza, replaçant les morceaux de chorizo, qu'elle entendit :

- Cela ne vous dérange pas, lieutenant West, que je m'installe avec vous ?

La jeune femme leva ses yeux vers celui qui lui avait parlé, qui n'était autre que le capitaine Svensson.

- Bien sûr que non, mon capitaine.

- Je vous en prie, lieutenant West, appelez-moi Nathanaël. Nous ne sommes plus en service.

- Dans un sens, Nathanaël, nous sommes toujours en service, ici.

- C'est vrai. Quel est votre prénom ?

- Angeni.

- C'est très beau.

- C'est Comanche. Comme moi.

- Cela explique donc votre magnifique teint de peau et vos yeux de biche.

Angeni baissa les yeux vers sa pizza, qui fumait toujours. Elle n'avait aucune envie que le capitaine ne se fasse d'illusion sur elle. Elle n'aimait pas les hommes, et n'allait pas changer pour un beau-parleur comme lui. Ne pas répondre lui semblait donc la meilleure solution. Elle avait encore du mal à digérer sa séparation d'avec Amber, sa petite-amie, qui l'avait trompée alors qu'elles devaient s'installer ensemble le mois suivant. C'est à ce moment précis qu'elle avait accepté la proposition du major général de venir rejoindre Moly. Cela faisait deux ans qu'il l'avait repérée dans les rangs de l'armée, où elle travaillait en tant que scientifique, experte dans le domaine de la génétique. Il lui avait demandé plusieurs fois de faire partie de son projet et, chaque fois, elle avait refusé, désirant vivre une véritable vie de couple avec sa conjointe. Deux mois auparavant, tandis qu'elle avait quitté Amber, elle avait repris contact avec le major général et il avait accepté qu'elle le rejoigne. Après sept semaines d'entrainements et de questionnaires, elle avait eu l'autorisation d'intégrer le projet Moly, et son arrivée en plein milieu d'une crise la fatiguait.

- J'aurais préféré te rencontrer en d'autres circonstances, Angeni.

- Et moi, j'aurais préféré arriver durant une période plus calme... Depuis combien de temps travailles-tu pour le major général Peterson ?

- Depuis une dizaine d'années, maintenant. Le travail ici est intéressant, si on ne prend pas attention aux monstres qui nous entourent.

- De quoi parles-tu ?

- Les loups-garous, bien sûr !, répondit Nathanaël, surpris.

Angeni posa son dernier morceau de pizza. Cette dernière phrase lui avait coupé l'appétit. En tant que scientifique, elle voulait apprendre à connaître la société des lycanthropes, pas les considérer comme des erreurs de la nature. Elle attrapa son verre, le posa sur le plateau et se leva, pour déposer tout le contenu dans une machine qui triait et lavait les couverts. Alors qu'elle franchissait la porte du réfectoire, elle entendit le capitaine l'appeler. Feignant de ne pas l'entendre, elle continua à marcher, pressant le pas, mais il la rattrapa rapidement.

- Viens avec moi !

- J'ai le droit à du repos ! Et je compte bien l'utiliser !

- Tu ne sembles pas consciente des monstres qui nous entourent. Je vais donc t'amener jusqu'à eux, pour que tu puisses te faire une idée de ce qu'ils sont.

La jeune femme soupira en entendant ce qu'elle considérait comme un racisme primaire sortir de la bouche de son supérieur mais, il avait piqué sa curiosité. Elle n'avait encore jamais vu de lycanthropes, puisque les différents gouvernements les cachaient à leurs nations. Elle accepta et suivit l'homme dans un dédale de couloir qui les mena jusqu'à une salle insonorisée, fermée par une porte blindée, et devant laquelle deux sous-officiers montaient la garde.

- Le lieutenant est avec moi, informa Nathanaël. Les cages sont bien en place ? Aucune perte à déplorer ?

- Bien, mon capitaine. Tout est en ordre.

- Et notre transformé ?

- Il a été remis à part à notre arrivée, comme vous l'aviez ordonné.

- Parfait. 

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant