Chapitre VIII : Discordes / Partie 1

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Le lendemain matin de sa transformation, Kéra subit avec tristesse son changement d'apparence vers un physique plus humain. Elle sentit tout d'abord les os de ses pattes arrières se modifier, suivis de ces pattes avant, regardant ses coussinets devenir des phalanges et ses empreintes digitales se recréer. Sa queue se rétracta, n'étant bientôt plus visible que par son coccyx, et ses vertèbres craquèrent l'une après l'autre durant ce laps de temps. Enfin, alors que ses poils se détachaient par paquet de cent, sa tête fut la dernière, comme à chaque transformation, à se modifier. Sa gueule se rétracta, la plupart de ses crocs diminuèrent de taille, tout comme ses oreilles.

Toujours nue, elle commença à ressentir ce froid auquel elle n'avait pas prêté attention pendant la nuit, ses poils soyeux la protégeant. Comme tous ceux de son espèce, lorsqu'elle était humaine, elle ne possédait aucun poil ; même chez les mâles, seuls les cheveux étaient présents, aucune barbe ou pilosité sur le corps. Elle regarda avec amertume son corps trop humain, ses mains abimées des entrainements subis depuis dix ans, et son corps dont les bleus dus aux combats étaient omniprésents. Au moins, lorsqu'elle était vraiment une louve, tous ces détails horribles ne se voyaient plus. Sauf un. Depuis la veille.

Elle soupira et s'assit, attendant que quelqu'un vienne l'informer sur sa situation, agacée par l'odeur qui émanait d'elle. Elle n'avait pas pu se laver de manière appropriée avec le lavabo rouillé qui se trouvait dans sa cellule et sentait encore cette odeur de brûlé et, surtout, de suinte, qui émanait de sa marque au fer rouge de la veille. Elle leva les yeux, espérant entendre la porte s'ouvrir et quelqu'un descendre les escaliers pour venir la chercher. Le Shéker aurait besoin d'elle, elle le savait ; tout n'était qu'une question de temps.


Lorou avançait dans les couloirs avec deux soldats. Son père lui avait demandé de ramener Kéra, et il espérait que la sentence de la veille et la nuit au cachot l'auraient calmée. Lorsqu'il emprunta les escaliers menant aux prisons et salles de torture, l'odeur de sang séché lui saisit aussitôt les narines.

En arrivant devant le cachot de sa promise, il fut heureux de constater qu'elle semblait calme, assise dans un coin, fixant le mur opposé.

- Alors, vous avez besoin de moi ?

- Mon père m'envoie te chercher, Kéra.

- A la bonne heure ! Et aurais-je le droit à des vêtements ou devrais-je me promener ainsi jusqu'à ses appartements ?

Le jeune loup fit signe à un des deux gardes d'ouvrir la grille et lança des habits.

- J'ai récupéré ça dans ta chambre. Après la réunion, tu auras probablement le droit de prendre une douche !

- Et qui dois-je remercier pour toute cette gentillesse ?, railla-t-elle.

Lorou leva les yeux au ciel, mais décida de ne pas répondre à cette nouvelle provocation. Il attendit qu'elle soit habillée et tous sortirent du sous-sol par l'escalier lugubre. Une fois deux étages au-dessus, Kéra fut ébloui par la lumière des lampes alimentées à l'énergie solaire. Elle remercia intérieurement leur complexe de ne pas se trouver à l'extérieur, car la luminosité du soleil l'aurait fortement dérangée à cet instant précis.

- Et eux-deux, ils vont nous suivre jusqu'aux appartements du Shéker ?

- Vous pouvez disposer, adressa Lorou aux deux soldats, qui les suivaient. Voilà, tu es contente ?

Kéra ne répondit pas mais hocha la tête. Pour une fois, le jeune loup avait pris attention à lui faire plaisir. Ce simple fait la soulagea pendant les quelques minutes de marche qui leur restaient.

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant