Chapitre I : Tueuse / Partie 2

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La jeune louve, tapie dans l'obscurité, cachée de la lumière de la rue par un arbre, décida de passer à l'action. De sa démarche rapide et silencieuse, elle passa à l'arrière de la maison et força rapidement la porte à l'aide d'une épingle à cheveux contenue dans son sac à main. Une fois la porte refermée avec délicatesse, elle lança un regard dans cette maison, dont elle avait consciencieusement déjà fait le tour quelques jours avant. La chambre de l'homme se situait au premier étage, la première porte à gauche dans le couloir. Ayant tout son temps, la jeune louve promena ses yeux sur les photographies du couple et de leurs enfants qui, apparemment, avaient eux-aussi l'âge d'être parents. La vue de tous ces sourires la dégoutait. Cet homme torturait ceux de son espèce depuis de nombreuses années et cela ne le gênait aucunement. Pendant que des loups étaient martyrisés, découpés, testés, lui avait tranquillement fait sa petite vie, avec son épouse, leurs trois enfants et, d'après les photographies, un petit-fils. « Et les morts qu'il aurait dû avoir sur la conscience ? », ragea intérieurement la louve. « Rien, il s'en fiche. Nous ne sommes que des animaux pour lui. Eh bien, pour moi, il n'est même pas un objet ».

Elle monta à pas feutrés l'escalier en colimaçon et sortit son poignard de son sac. Elle espérait ne pas en avoir besoin car, elle le sentait, ses crocs poussaient tranquillement, bougeant au passage les commissures de ses lèvres épaisses. Cette nuit, elle avait faim. Animal pour animal, elle allait pouvoir se délecter du sang humain que ses proies lui proposeraient.

La femme poussa un hurlement lorsqu'elle sentit quelque chose de pointu se planter dans son épaule. Elle perçut dans le noir son mari se lever, tandis qu'elle cherchait à tâtons, hébétée et terrorisée, le bouton qui permettait de contrôler les lumières dans la maison. Elle n'eut pas le temps de le trouver que la luminosité l'aveugla et la vue d'une jeune femme, la bouche ensanglantée, debout face à elle, la tétanisa. Elle entendit son mari sortir leur révolver de sous son oreiller et tenter de viser l'inconnue mais, avant qu'il n'ait eu le temps de tirer, leur agresseur se précipita sur lui et, de ses crocs immenses, parvint à casser le bras droit de son mari, avant de lancer l'arme loin de lui.

- Alors, tu sembles bien effrayé par nous, humain, lorsque nous ne sommes pas dans vos cages.

- Vous... vous parlez ? Notre langue ?

- Bien sûr, que crois-tu ? Comment penses-tu que nous pouvons nous fondre parmi vous ? Mais l'heure n'est pas aux présentations. Tu veux savoir ce que cela fait de souffrir, comme tu nous fais souffrir ?

La femme vit l'inconnue se rapprocher d'elle, se léchant avec appétit les crocs, tandis que son mari se tenait le bras, tout en tentant de repousser leur adversaire avec ses jambes.

- Pi...pitié... Ne lui faîtes pas de mal...

Celle qui avait l'apparence d'une jeune femme se redressa, tourna la tête vers lui, avant de rétorquer :

- Parce que tu connais le sens de ce mot, peut-être ?

Puis, elle planta ses crocs aiguisés dans la jugulaire de la femme, la lui arrachant, et se releva, laissant l'homme pleurer la mort de son épouse. Elle se lécha les babines en regardant celui qu'elle détestait tenter vainement de parler à celle qu'il aimait, pensant peut-être que, par un miracle quelconque, elle allait se relever et recommencer sa vie, comme si rien ne s'était passé. Kéra eut un sourire triste. Elle le savait. Ceux qui étaient morts ne revenaient jamais. 

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant