Chapitre XI : Trahison / Partie 3

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- Que penses-tu de prendre un peu de bon temps avant de commencer la garde ?, proposa Angeni, lançant un regard aguicheur vers son supérieur.

Nathanaël tourna la tête vers elle, surpris par les mots qu'elle venait de prononcer. Elle lui avait bien fait comprendre, quelques jours plus tôt, qu'elle n'était pas intéressée par les hommes, mais homosexuelle. Il posa sur la table son arme, qui était toujours attachée à sa cheville, et la fixa un instant.

- Tu veux réellement que...

- Une bonne douche nous ferait du bien, non ? Une douche partagée.

- Je ne comprends pas vraiment comment tu fonctionnes, Angeni ! Je pensais que tu ne voulais pas de moi...

La jeune femme avait prévu cette interrogation de la part du capitaine Svensson, ce qui n'avait rien d'étonnant. Elle répondit donc immédiatement :

- Je me sens seule depuis que ma copine est partie... Je dors seule, je n'ai pas de bras pour me câliner... et ça me manque...

L'homme ne voulait pas réfléchir davantage à ce soudain revirement de la belle Comanche, de crainte qu'elle ne change d'avis. Une douche ne permettait pas toujours tout, mais ils pourraient passer du bon temps, tous les deux.

Il la suivit donc vers l'appartement le plus proche et se déshabilla, pénétrant ensuite dans la douche. La vue troublée par la buée qui commençait à se former sur la vitre, il ne vit pas la jeune femme prendre, dans la poche de son pantalon, son beeper...



Kéra suivait son frère depuis déjà deux heures et réfléchissait à ce que lui avait Lorou avant de partir. Plus les jours passaient, et moins elle avait confiance en lui ; cependant, elle ne croyait toujours pas le loup qui l'accompagnait. Quelque chose ne tournait pas rond chez lui et elle voulait savoir ce que c'était. Mais, toutes ses tentatives de discussion avec Frobo ne menaient à rien, il se contentait à chaque fois de répéter inlassablement la même chose, comme un refrain qu'il aurait appris par cœur. De plus, il semblait connaître trop bien le chemin qui menait au projet Moly.

- C'est par ici, informa Frobo.

- Tu as l'air de bien connaître cette forêt, trop bien même...

- Je suis ton frère ! Ne devrais-tu pas être heureuse de m'avoir retrouvé ?

- Non, je ne peux pas l'être... Ton retour, comme par hasard, me semble trop louche pour cela ! En plus, je ne t'ai pas vu quand je me suis fait kidnappée. Ça fait beaucoup !

- Je n'étais pas avec les autres loups, c'est comme ça que j'ai pu me sauver ! Je suis très déçu, j'aurais pensé que toi, tu m'aurais cru...

La jeune louve fixa son frère, qui s'était retourné. Peut-être avait-il raison et qu'elle le jugeait sans le connaître, comme elle détestait qu'on le fasse pour elle. Discuter avec le loup pourrait lui permettre de le comprendre et de se faire réellement son avis sur qui il était devenu en dix-neuf années de captivité.

Elle n'avait que très peu de souvenirs de lui, n'ayant vécu à ses côtés que pendant deux années, alors qu'elle n'était âgée que de quatre à six ans. Elle se rappelait juste d'un louveteau mignon, malgré les pleurs qui s'échappaient de lui chaque nuit pendant sa première année, et qui l'avait réveillée à chaque fois. En cherchant dans sa mémoire, elle revoyait ses parents s'occuper de lui, sa mère, louve, le nourrissant, restant sous sa forme animale pendant presque neuf mois, le temps d'allaiter son frère. Son père avait dû alors demander à un autre loup de venir s'occuper de la petite louve, car il travaillait au sein d'une entreprise humaine et que, malheureusement, les lentilles conçues par leur espèce n'était pas utilisable pour les louveteaux de moins de six ans, risquant d'abimer leurs yeux. Faroh, l'oncle de la mère de Kéra, avait accepté de venir, malgré son travail en tant que Phaïr d'Amérique du Nord, la petite louve avait donc passé la majorité de ses journées avec lui, montant de temps à autre les escaliers pour regarder sa mère, non sans un peu de jalousie, s'occuper de son petit-frère. Quand le louveteau s'assoupissait, Kéra pouvait se glisser entre les pattes de la louve et profiter des léchouilles bienveillantes de cette dernière sur ses joues.

Kéra soupira en levant les yeux vers Frobo. Tous les souvenirs heureux, mais douloureux, qu'elle avait souhaité oublier, revenaient à elle depuis qu'elle avait croisé la route de son frère dont elle espérait ne pas être déçue. 

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant