Chapitre XVIII : Déclenchement / Partie 1

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Stan décida de convoquer le capitaine Svensson pour connaître l'avancée de ses travaux. Depuis presque trois semaines que son subordonné était rentré du piège tendu aux loups-garous, qui avait lamentablement raté, le major général avait l'impression que son protégé n'était plus aussi impliqué qu'avant, à croire que le lieutenant West avait eu le dessus sur lui et était parvenue à le convaincre de ses stupidités. Cependant, il ne voulait pas y croire, il ne pouvait pas. Depuis son erreur, il y a dix ans, qui avait permis à un loup-garou de s'échapper, Nathanaël avait compris la dangerosité de ces bêtes et s'était repris. En plus, son subordonné lui devait le fait de ne pas avoir été jugé en cour martiale, Stan ayant en partie modifié son rapport sur l'évasion du lycanthrope. Jamais il ne le trahirait ou ne se mettrait en travers de son entreprise d'anéantissement de ces animaux, qu'il soit ou non amoureux d'une scientifique quelque peu « hippie », comme il avait existé au siècle précédent.

Son secrétaire frappa à sa porte, le sortant de ses pensées, et l'informa que le capitaine Svensson attendait son entrevue.

- Faîtes-le entrer et retournez à votre bureau, caporal.

A peine le militaire eut-il disparu de son champ de vision que Nathanaël faisait son entrée, en tenue de laboratoire.

- Mon major général, vous avez souhaité me voir ?

- Oui, Nathanaël. Je veux un bilan de tes tests. Avant ton départ, j'avais cru comprendre que tu avais eu des améliorations...

- Oui, nous avons un de nos cobayes qui est replié sur lui-même depuis plusieurs semaines mais... à part cela, aucune évolution... malheureusement...

- Je te sens beaucoup moins motivé... La belle lieutenant West ne t'aurait pas retourné le cerveau avec ses idées... quelques peu gênantes ?

- Absolument pas, mon major général ! N'avez-vous pas remarqué qu'Angeni a changé sa façon de voir et a repris ses propres expériences ?

- Exact. Mais j'espère que tu as bien en tête que nous devons avancer au plus vite !

Nathanaël hocha la tête et, après autorisation, quitta le major général. Il avait réussi à se dépêtrer de l'erreur qu'il avait commise, mais ne devait pas se faire prendre une nouvelle fois. Malgré l'aversion que lui causait son travail, il avait promis à Kéra de rester sur place pour qu'elle puisse peut-être un jour le rejoindre et que, tous les trois, ils trouveraient un moyen de contrer les entreprises criminelles de leurs clans respectifs. Si les loups étaient aussi avancés que l'avait craint sa belle, il ne devrait plus tarder à avoir des nouvelles d'elle. Tout ce qu'il avait à faire, c'était de jouer la montre en l'attendant.



Le Shéker était rentré au complexe depuis deux jours et avait constaté, avec une joie non dissimulée, que les recherches de son fils avaient bien avancé et étaient presque finalisées. Maro était revenu le lendemain de son arrivée et leurs plans fonctionnaient à la perfection. Il avait convoqué le Phaïr et Lorou dans ses appartements pour déclencher Phaka.

Lorsque les deux loups entrèrent, Kéra sur leurs talons, le Shéker fut d'abord surpris, mais n'en fit rien voir.

- Kéra, tu n'as pas été conviée. Tu vas devoir quitter la pièce !

- Je pensais qu'en tant que meilleure tueuse et membre de votre famille, je ne serais pas jetée ainsi...

- Tu es peut-être la promise de Lorou, tu as peut-être tenu tes engagements, mais tu n'es pas un Phaïr ou un futur Shéker donc, tu sors !

- Et vous deux, Maro et Lorou, vous êtes d'accord avec ça ?

- Kéra, il suffit !, grogna le Shéker.

- Faroh, lui, n'aurait pas été à votre botte, Shéker. Lui, aurait montré ce qu'il pensait !

- Et c'est pour cela qu'il est mort !

La jeune louve se tut d'un coup, le souffle coupé, et dévisagea Maro, qui venait de parler. Elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire par là. Elle était présente le jour où les membres du projet Moly avaient défoncé la porte de la maison de l'ancien Phaïr et les avait enlevés. Faroh ne s'était douté de rien, il n'avait pas vu venir ce kidnapping, sinon il l'aurait protégée, cachée. Ils avaient dû être découverts par les militaires d'une façon quelconque, et avait toujours cru que c'était de sa faute. Elle avait pensé durant plus de dix ans qu'elle avait dû sortir dans le jardin en omettant ses lentilles ou ses lunettes de soleil, et que quelqu'un avait dû remarquer la particularité de ses yeux. Ou alors qu'elle avait dû sortir ses crocs un jour, sans s'en rendre compte. Jamais elle n'avait imaginé qu'un autre loup aurait pu être à l'origine de ce kidnapping. Elle ne voulait pas croire que quelqu'un de la meute ait pu dénoncer un loup, et encore moins Faroh, le Phaïr d'Amérique du Nord.

Elle releva les yeux vers Maro, se rendant compte qu'elle s'était complètement perdue dans ses pensées, fixant un point imaginaire.

- Comment ça ?, hurla-t-elle.

- Kéra, tu sors immédiatement !, imposa le Shéker.

- Je veux savoir ! Qu'est-il arrivé à Faroh ?

Les trois mâles se dévisagèrent et le Shéker fit un signe de la tête au Phaïr, lui faisant comprendre qu'il pouvait parler. Après tout, elle devait comprendre ce qui arrivait à ceux qui se plaçaient contre lui, et prendre conscience que la marque qu'il avait faite apposer sur elle au fer rouge n'était qu'une très pâle sanction à côté de ce qui aurait pu l'attendre.

- Il ne correspondait pas à notre mode de pensée ! Il voulait la paix avec les humains ! Il fallait que nous nous débarrassions de lui !, répondit le Phaïr.

Kéra sentit ses crocs s'agrandir et se plaqua contre le mur derrière elle, pour pouvoir plus facilement bondir. De sa main gauche, elle saisit son poignard, ne sachant pas vraiment ce qu'elle allait bien pouvoir en faire. Elle craignait que cet aveu ne soit le signe de son arrêt de mort.

- Vous l'avez dénoncé auprès des humains ? Comment avez-vous pu oser...

Le Shéker s'énerva, se leva précipitamment et attrapa avec rage le bras de Kéra. Il la jeta hors de son appartement avec force, demandant aux gardes de veiller à ce qu'elle ne revienne pas. Il n'avait pas le temps pour une crise d'adolescence de la louve. 

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant