Épilogue

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Un soupir parcourut tout mon être tandis que je devais une nouvelle fois pénétrer dans le jet privé pour rejoindre notre île. Déjà trois ans que notre virus fut répandu dans le monde entier et les résultats étaient plus que satisfaisants. Sur la toile, les gros titres, presque toujours identiques, se résumaient à « Quatre-vingt pour cent de fausses couches », « Dans une ville, aucune naissance depuis deux ans », « Serait-ce la fin de l'humanité ? ». Oui, humains, vous avez mis le doigt sur votre sort. Fini pour nous de partager cette Terre avec vous, terminés les kidnappings de loups pour les martyriser. D'ici une centaine d'années au maximum, plus aucun membre de votre espèce ne parcourra la surface du globe. Nous pourrons quitter notre île et peupler ce monde à notre image.

Ces constatations auraient dû me satisfaire et, pourtant, je n'avais qu'elle en tête. Elle et ses louveteaux. Elle et peut-être mes louveteaux. Et elle m'était toujours inaccessible, cachée quelque part, peut-être avec des humains, avec le mâle qui l'avait prise là où moi je lui étais toujours resté fidèle.


Lorsque nous arrivâmes enfin à destination, je semblais toujours amer, ne parvenant pas à me concentrer sur autre chose et la vue de Maro, toujours nommé Phaïr d'Amérique en attendant que nous puissions retrouver notre place sur les continents, m'exaspéra au plus haut point.

- Je dois te parler, Lorou.

- Je rentre à peine d'excursion. Qui a-t-il donc de si urgent ? As-tu parlé en premier lieu au Shéker ?

- Il a confirmé l'urgence de la situation. Un laboratoire privé serait parvenu à avoir quelques résultats avec un remède...

Il ne manquait plus que cela. Mais, avant de céder à la panique, je préférai le laisser étayer ses pensées.

- Ce laboratoire parle de deux pourcent de femmes non fécondables qui ont réussi à tomber enceintes.

- Sont-elles à terme ?

- Non. Mais elles sont gestantes, Lorou !

- Alors attendons de voir, tout simplement...

- Lorou, ta quête pour retrouver Kéra t'aveugle ! Nous ne pouvons pas nous permettre de rester là tranquillement, pendant que les humains trouvent un antidote pour contrer notre virus ! C'est de la survie de notre espèce dont nous parlons !

Si la faculté de Maro a toujours avoir raison m'énervait régulièrement, je ne lui donnais pas raison cette fois. Nous n'allions pas nous agiter juste parce que deux femelles attendaient une portée, là où tant d'autres perdaient leurs embryons. Il me semblait bien trop alarmiste pour des informations si incertaines. Il souhaitait que nous en parlions au Shéker afin de mettre en place un assassinat pur et simple des scientifiques de cette entreprise. Et, une nouvelle fois, mes pensées vagabondèrent vers Kéra, ma promise et notre meilleure tueuse. Mettre fin aux jours de quelques blouses blanches aurait été un jeu d'enfant pour elle, une mission comme une autre, bien moins complexe que lorsqu'elle avait dû kidnapper le fameux colonel Davis.

J'acquiesçai donc et vis Maro repartir vers le complexe, tandis que je me dirigeai vers la plage, soulagé de pouvoir marcher dans la nature depuis trois ans, après avoir passé presque la totalité de ma vie enfermé. Je ne parvenais toujours pas à comprendre comment Kéra avait pu nous trahir. Peut-être n'aurions-nous pas dû lui révéler la vérité à propos du meurtre de Faroh ? Cela semblait avoir été le déclencheur de sa folie. Peut-être aurions-nous dû être moins durs avec elle, ou au contraire davantage afin de casser toute idée de rébellion ? Je n'avais pas les réponses à ces questions qui ne faisaient que me harceler depuis ces dernières années...

Au loin, je vis celle que le Shéker m'avait attribuée pour épouse après la désertion de Kéra qui portait nos deux premiers louveteaux dans ses bras. Cette vision aurait dû me soulager ou me procurer un quelconque plaisir. Mais il n'en était rien. Voir ces louveteaux, cette partie de moi, et leur mère sous forme humaine après neuf mois transformée en louve, m'emplit le cœur de rage. Ma promise devait avoir mis bas un peu plus de deux ans auparavant, et je restais persuadé que mon sang coulait dans les veines de certains d'entre-eux. Je refusais de les laisser à elle. Peu importe le temps et l'énergie que cela me mettrait, je les retrouverais. Un grognement m'échappa et mourut dans le vent :

- Kéra, sale traîtresse... tes jours sont comptés... 

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant