Dans l'Ombre de la Lune

Chapitre XVI : Alliances / Partie 1

Quatre jours s'étaient déroulés dans le faux laboratoire, et pour tous, l'arrivée des soldats du projet Moly, qui devait avoir lieu trois jours plus tard, commençait à les stresser. Nathanaël et Angeni avaient déjà discuté plusieurs fois de la façon dont ils pourraient cacher la jeune louve, avant de la faire partir en toute sécurité. Ils craignaient qu'elle ne tombe entre les mains du major général et leur peur ne faisait que s'accentuer au fil du temps qui s'écoulait.

- Pourquoi as-tu couché avec elle ?

- Tu as choisi le seul moment où nous sommes seul à seule pour me poser cette question, Angeni...

- Tu l'as chamboulée, tu joues avec elle... Comment va-t-elle réussir à rentrer chez les loups, maintenant, avec tous les doutes que tu as mis en elle ? Tu ne l'aimes même pas ! Toi, tu vas retourner au labo et elle, que va-t-elle faire ?

- Je vais rentrer au complexe et tenter d'arrêter cette entreprise meurtrière.

Les deux humains se retournèrent sur Kéra, qui venait de revenir de sa douche, ses courts cheveux encore humides, dont les fines gouttelettes se détachaient pour couler sur son top.

- Pourquoi dis-tu que Nathanaël ne m'aime pas ? Il m'a fait l'amour plusieurs fois !

- Kéra, tu ne comprends pas tout des humains, certains couchent alors qu'ils ne s'aiment pas, répondit Angeni, soucieuse que la jeune louve ne s'attache pas inutilement.

- Angeni, ça suffit ! D'accord, j'ai commis beaucoup d'erreurs dans ma vie, mais ne viens pas dire quels sont mes sentiments, je les connais mieux que toi !

Le capitaine Svensson s'était levé, énervé et avait jeté par terre le verre qu'il tenait dans la main et qui, fort heureusement, était vide. Il croisa le regard curieux de Kéra et fut une nouvelle fois touché par la naïveté qui émanait de la jeune louve. Ils avaient passé de nombreuses heures à discuter, et elle avait décrit son travail, la façon dont elle s'y prenait pour assassiner ou kidnapper proprement des humains, elle avait expliqué la hiérarchie qui existait au sein de sa meute et les punitions qu'elle avait souvent obtenues. Elle était forte, insensible, avec un caractère bien trempé et, pourtant, lorsqu'il s'agissait de sentiments, Nathanaël avait l'impression d'avoir affaire à une pré-adolescente à laquelle il restait tout à apprendre. Une fois encore, ses yeux la trahissaient, et il constata qu'elle ne voyait pas l'intérêt et la logique de cette conversation.

- Pourquoi parler de cela ? Il nous reste trop peu de temps, nous devrions discuter de la façon dont nous pouvons contrer nos projets respectifs, trancha la jeune louve.

- Tu as raison, Kéra, avoua Angeni. Nous devons à tout prix tenter de stopper cet engrenage dans lequel nous nous sommes embarqués...

L'homme s'adossa contre le mur, peiné. Lui qui avait tout fait pour ne plus ressentir la déchirure de la séparation se voyait contraint, une nouvelle fois, de la connaître à nouveau. « Trop peu de temps » avait dit Kéra, et elle avait raison, il ne savait même pas s'il la reverrait un jour. Ce constat le rendait amer, mais il devait avant tout penser à cette stratégie que voulaient établir ses deux compagnes d'infortune.

- Ce qui est certain, c'est que nos recherches sur les loups sont loin d'être aussi avancées que nous vous l'avons laissé croire dans les notes..., avoua le capitaine Svensson.

- Les papiers trouvés dans le laboratoire de Caroline du Nord étaient bien des faux, soupira Kéra. Je les ai toujours trouvés louches... Mais ils ont eu l'effet inverse que celui que vous attendiez sur les miens, nos propres expériences ont repris d'autant plus...

Le Shéker avait fait venir dans ses appartements Lorou et le Phaïr. En quelques jours, les travaux de son fils avaient montré leur force et leur intérêt, et chacun allait se voir confier une nouvelle mission. Les documents détruits par les humains montraient un avancement réel des recherches du projet Moly, et ils devaient donc frapper avant eux, puis investir la cachette beaucoup plus idéale pour la Grande Meute, regroupant les loups de la Terre.

Il leva les yeux vers le loup qui gardait son domaine, l'informant de l'arrivée de ceux qu'il attendait. Après que Lorou et Maro soient entrés et l'aient salué, il leur fit signe de s'asseoir et entama la discussion.

- Les travaux de Lorou sont formidables et bien plus avancés que nous n'aurions pu l'espérer. Il va donc être bientôt temps de lancer le plan « Phaka ».

- Mais, pour cela, il faudrait que cette attaque soit menée en simultanée sur l'ensemble de la planète, Shéker.

- Oui, Maro. C'est pour cela que tu vas être chargé de contacter les autres Phaïrs. Lorou, dans combien de temps penses-tu pouvoir multiplier le virus et l'isoler pour le transfert ?

- Il me faudrait une dizaine de jours après que nous ayons vérifié tous les paramètres. Je dois encore m'assurer qu'il se transmet bien entre humains et son temps d'incubation. Je pense que nous serons réellement prêts d'ici un mois.

- Maro, un mois t'est-il suffisant pour mettre en place Phaka avec les autres Phaïrs ?

- Oui, Shéker. J'utiliserai des vols en jet au nom de notre entreprise pour les visiter au plus vite.

- Tu m'en vois ravi. Quant à moi, je vais m'occuper personnellement de la nouvelle cachette. Il est possible que certains de la meute ne meurent pour accomplir leur devoir, mais d'ici une centaine d'années, nous serons définitivement débarrassés des humains.

Le major général observait le rapport que lui avait transmis Karl, tout en jetant, de temps à autres, un œil sur son subalterne. Bien que les expériences sur les loups-garous aient avancé depuis qu'il était à la tête du projet Moly, force était de constater que ces fichus animaux étaient très résistants. Jusqu'à présent, aucun virus ni aucune bactérie n'étaient venus à bout de leur force, se contentant seulement de les amaigrir ou de les mettre KO pour quelques heures. Même la bactérie en laquelle il avait placé tous ses espoirs, créée par Nathanaël, n'avait fait que pâlir les yeux de ces bêtes, leur empêchant leur vision nocturne, modifier la taille de leurs crocs, et les rendre moins vifs. La seule solution que Stan avait trouvée était une balle dans la tête, dans le cœur, ou dans un organe vital, ou la noyade mais, les lycanthropes étaient bien trop nombreux et bien trop secrets pour ouvrir une guerre ouverte aux yeux de tous. Il interrogea son robot, qui lui confirma ce qu'il pensait ; le capitaine Svensson et le lieutenant West était à présent partis pour la forêt nationale d'Ocala depuis douze jours. Il s'y rendrait personnellement dès le sur-lendemain. Il espérait encore qu'en deux jours, des loups-garous seraient venus et qu'il pourrait constater l'étendue des dégâts dans le clan opposé, qu'il espérait phénoménale.