Chapitre XIII : Pacifiste / Partie 1

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Le tir de Nathanaël n'atteint pas son but, car la jeune louve avait bondi au dernier moment, et s'était plaquée contre le mur, son poignard toujours contre la gorge d'Angeni.

- S'il te plaît, ne me tue pas, souffla la jeune femme.

- Si je te lâche, il me tue ! Et je n'ai pas l'intention de tirer ma révérence...

- Nathanaël, pose ton arme !, supplia Angeni. S'il-te-plait...

- Pas tant qu'elle aura son poignard !

- S'il te plaît, lâche ton poignard, ou on va tous y passer...

- Et alors ? C'est ce que vous vouliez, non ?, grogna la louve.

Angeni tourna légèrement la tête vers Kéra et l'implora de ses magnifiques yeux de biche. Il fallait que ce duel insensé cesse immédiatement, ou ils allaient mourir tous les trois dans une stupidité incroyable. Les crocs de Kéra étaient impressionnants, mais la jeune femme ne voulut pas les fixer, de peur de la vexer. Elle se contenta de se plonger dans les yeux noirs de la lycanthrope et de murmurer :

- Sois plus intelligente que lui, ne nous amène pas à la mort.

Nathanaël regardait la scène entre Angeni et le loup-garou, gêné. Il était revenu dans le seul but de sauver la vie de la lieutenant, ce n'était pas pour la tuer à présent. Il pourrait très bien éliminer ce monstre plus tard et baissa son arme.

- Très bien, qu'il la jette maintenant !

- Hors de question ! Lâche ton poignard, l'animal !

- Pas tant qu'il n'aura pas jeté son flingue !

- Laisse-moi prendre son arme, jeune lycanthrope, murmura Angeni à Kéra. Je ne suis pas une menace pour toi...

Kéra hocha la tête et s'avança avec la jeune femme jusqu'au capitaine, son poignard toujours contre le cou de l'humaine. Elle la regarda tendre la main vers son supérieur, tout en gardant ses yeux concentrés vers l'homme, qui était sa seule réelle préoccupation et menace.

- Donne-le-moi, Nathanaël, qu'on arrête ces stupidités.

L'homme hésita, puis retourna le révolver, tendant la crosse à l'officier, qu'elle saisit.

- Maintenant, c'est à toi de me donner ton poignard...

Alors qu'Angeni lisait dans les yeux de la louve le doute, elle ajouta :

- Tu dois me faire confiance, tu n'as pas le choix...

- N'oublie pas que, si tu as l'intention de me trahir, mes crocs sont des armes plus dangereuses que celles que tu récupères, grogna Kéra, en lui tendant son poignard.

Libérée de l'emprise de la louve, les deux armes dans la main gauche et son arme personnelle encore attachée à sa cuisse, la jeune femme entra dans la pièce qu'ils avaient choisie, son supérieur et elle, comme QG et enferma l'équipement dans une armoire blindée, qu'elle ferma avec ses empreintes oculaires et digitales. Le danger imminent était passé et Angeni aurait eu envie de souffler un peu, de se détendre ne serait-ce que quelques minutes dans cette pièce, sur le lit, afin de déstresser. Cependant, elle craignait que les deux fauves qu'elle avait laissés dans le couloir ne s'entre-tuent si elle ne revenait pas au plus vite.



Nathanaël, démuni par l'absence de son révolver, observait le loup-garou qui se situait à quelques mètres devant lui. Il ne savait pas pourquoi mais, à présent qu'il prenait le temps d'analyser le lycanthrope, il avait l'impression malsaine de la reconnaître. Il la détailla, observant les yeux noirs semblables à tous ceux de son espèce, s'attardant sur ses courts cheveux bruns-noirs, ses formes qui auraient pu la rendre attirante, se demandant quel âge elle pouvait bien avoir. Peut-être le même que le lieutenant West, soit environ vingt-cinq ans, l'âge qu'aurait dû avoir sa petite-sœur si elle n'était pas décédée.

- Lara, murmura-t-il. Ce n'est pas possible, ça ne peut pas être toi...

Kéra tendit l'oreille pour entendre ce chuchotement et se figea un instant. Elle avait déjà entendu ce prénom, prononcé par un humain. Elle n'eut pas besoin de chercher dans sa mémoire, tant ce souvenir était resté ancré en elle depuis dix ans. Quand ils avaient été enlevés, Faroh et elle, elle était parvenue à s'échapper grâce à un scientifique humain. Jamais elle n'aurait pensé le revoir, et sûrement pas aujourd'hui, qui plus est dans ces conditions.



Lorsqu'Angeni sortit de la pièce, elle fut surprise de constater que les membres des deux espèces étaient toujours vivants et en bonne santé. Placée entre les deux, elle réfléchit quelques instants à la suite des événements. Ils étaient tous les trois bloqués ici, avec une réserve de nourriture et de boissons insuffisante pour deux semaines. Pourtant, ils devaient tenir ces quinze jours avant que le major général ne décide d'envoyer des hommes les chercher, comme le stipulait la procédure de cette mission. Ils allaient donc devoir mettre de côté leurs différents pour tenter de sortir avant que la soif ne se fasse trop présente. De plus, elle craignait que la lycanthrope ne soit enfermée par les militaires qui viendraient les secourir s'ils la trouvaient.

- Je vous propose de trouver un lieu « neutre » et assez grand pour que nous puissions survivre tous les trois en ayant chacun notre espace vital.

La jeune femme vit les deux paires d'yeux se diriger vers elle, avant de se toiser à nouveau. Elle soupira, convaincue de devoir encore argumenter durant un long moment avant qu'ils ne daignent la suivre. Elle savait que son supérieur détestait les loups-garous et que, apparemment, l'inconnue n'était pas en reste dans cette haine. Et, pourtant, ils allaient devoir se supporter pendant deux semaines, en essayant de rester en vie durant tout ce temps. Pour la première fois, elle avait l'impression que les yeux de l'homme et ceux de la lycanthrope se ressemblaient énormément. Il lui semblait que des éclairs provenaient des deux côtés du couloir pour la terrasser sur place. Nathanaël ne semblait pas vouloir desserrer sa mâchoire et, lorsqu'elle tourna la tête vers l'inconnue, elle la vit passer sa langue sur ses crocs surdimensionnés.

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant