Chapitre V : Découverte / Partie 2

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La jeune louve sentit une larme au coin de son œil gauche et se hâta de le frotter pour que Lorou ne le vit pas. Elle avait encore une fois rêvé de ses parents et de celui qui l'avait ensuite élevée, Faroh. Tant de souvenirs heureux devenus douloureux par des deuils qu'elle n'acceptait pas. Ses parents avaient été kidnappés par des militaires humains alors qu'elle n'avait que six ans. Elle avait survécu uniquement parce qu'ils l'avaient cachée dans la rivière qui bordait leur maison. Après avoir nagé durant un temps qui lui avait semblé interminable, elle s'était arrêtée et avait pleuré. Quelques temps plus tard, Faroh, mis au courant par la famille de Kéra, qui avait lancé une alerte avant d'être enlevée, l'avait retrouvée et emmenée avec lui. Le seul fait de penser à ces trois loups qui l'avaient élevée fit remonter la rage dans le cœur de la jeune louve. A cause des humains, elle avait tout perdu. Ils lui avaient pris son enfance et, non content de l'avoir anéantie, ils lui avaient enlevé son adolescence, quelques années plus tard.

Elle regarda le soleil qui commençait à se lever. Ils étaient arrivés en Caroline du Nord, près de Jacksonville, et devraient attendre la prochaine nuit avant de s'infiltrer dans le laboratoire. Lorou semblait avoir tout prévu, puisqu'il tourna à une intersection et se dirigea vers un motel miteux. Elle l'observa sortir du véhicule et, quelques minutes après être entré dans la réception, il en ressortit, un trousseau de clefs à la main. Elle le suivit et tous les deux poussèrent une porte grinçante donnant sur une chambre sale, inconfortable, aux draps maculés et à la poussière prédominante. Malgré la crasse, Kéra posa sur le lit une couverture qu'ils avaient amenée et s'allongea, bientôt suivi de son acolyte.

- Quel dommage que ce ne soit pas un soir de transformation, soupira Lorou. Pour une fois que nous sommes complètement seuls, tous les deux.

- Je pense que tu t'es déjà suffisamment entrainé à la reproduction.

- C'est bien la seule chose que j'envie aux humains. Eux, au moins, ont des femelles qui ressentent du plaisir à cet acte.

- Oui, mais pas les louves. C'est ainsi, et nous faisons avec. Maintenant, tais-toi et laisse-moi dormir.

Le jeune loup s'exécuta et, après avoir enlevé ses lunettes de soleil qui masquaient ses yeux, se posa sur le dos. Il aurait eu envie que sa promise eut également envie de s'accoupler, ne serait-ce qu'une fois. Mais, à chaque fois qu'ils avaient eu un coït, elle avait demandé à ce que ce soit rapide et ne l'avait fait que par devoir. Lui, prenait du plaisir à simuler un accouplement avec elle et il aurait préféré que les louves soient comme les humaines.

Il tourna la tête vers Kéra, qui s'était endormie. Il avait besoin d'elle pour mener à bien son destin de futur Shéker. Son père avait longtemps hésité avant de lui trouver une promise, et son choix s'était reporté sur elle car elle avait tout. Intelligence, force, éducation, une génétique parfaite tant au niveau physique qu'intellectuel. Combiné à ses propres gènes, leurs louveteaux seraient juste de magnifiques représentants de leur espèce. Il fallait juste qu'elle accepte de porter sa descendance. Il lui restait à peine un an avant que Kéra soit en âge de se reproduire. Elle devrait porter leur progéniture pendant onze mois, ce qui la mènerait à vingt-sept ans. Chaque jour qui s'écoulait stressait davantage Lorou, qui espérait un changement de comportement de la jeune louve. Lorsqu'elle dormait, il aimait regarder son visage d' « humaine », comme ils appelaient cette apparence entre eux. Ses traits étaient détendus, ses canines rétractées en une taille moins impressionnante, ses courts cheveux se promenaient sur son front au rythme de la soufflerie du motel. Et, surtout, elle ne lui reprochait pas de l'observer, comme elle le faisait tant lorsqu'elle était éveillée. Elle ne l'aimait pas, ce qui n'était en rien étonnant pour un couple, qui était choisi par les autorités pour des questions génétiques mais, elle le détestait, ce qui était davantage problématique. Lui avait appris à apprécier ses capacités, dans un but uniquement de reproduction. Il ne l'aimait pas mais, la considérant comme sienne, ne supportait pas qu'un autre loup ne pose ses yeux sur celle qui lui appartenait. Depuis quelques années, les autres mâles avaient bien compris qu'elle était une chasse gardée et, mis-à-part lorsqu'ils travaillaient avec elle, ils évitaient d'échanger plus de paroles que de simples « Bonjour » ou « Bonne nuit ».

Repensant à cette petite victoire sur les autres loups, Lorou s'endormit, sans se rendre compte que Kéra, elle, était éveillée. 

Dans l'Ombre de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant