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Despair aurait aimé pousser ses pauvres méninges à plus de réflexions peu fructueuses, mais le froid et la fatigue avaient tellement éreinté le petit corps bruns du chat qu'il occupait, qu'il s'endormit sans même s'en rendre compte, la gemme serrée entre ses pattes de devant et son poitrail, dans un geste protecteur.

C'est le froid qui le réveilla. Un instant, il resta confus incapable de remettre des pensées cohérentes sur le paysage froid, sombre, et imbibé d'une humidité sale autour de lui. Enfin, le souvenir de sa lutte contre la noyade lui revint. Il tenta de se mettre sur ses pattes, mais la fatigue imprégnait encore ses membres et il retomba immédiatement là où il était. À ce moment, le tintement de la gemme lui fit baisser les yeux sur cette dernière, et il se rassit sur le joyaux noir. Il devait prendre une décision, marcher ou rester là  ? 


Il est souvent recommandé lorsqu'on est perdu de ne pas bouger, et rester sur place pour faciliter la tâche de ceux qui nous cherchent. Mais en l'occurence, rester sur place ne risquait pas de l'empêcher d'être justement retrouvé  ? Personne ne devait avoir la moindre idée de où il se trouvait... non  ? Comment Lava aurait-elle pu savoir...Il retourna le problème plusieurs fois, et finalement, il se décida à ne pas bouger pour l'instant. Le mieux était d'attendre, Lava saurait quoi faire... L'espace d'une seconde, il sentit effleurer le coin de sa conscience une once de culpabilité. N'était-il pas juste en train d'abandonner, comme il avait tellement l'habitude  ? Attendre passif par manque de courage  ? Mais il chassa rapidement la pensée et se rassis en observant un peu encore de lui. Le couloir n'était en vérité pas si miteux. Bien que sale, les murs de pierre étaient nets et plutôt lisses, loin d'une sorte de caverne terreuse comme on en trouve dans la strate une et deux des enfers...


Au moment où le souvenir de cet endroit le frappa, il frissonna violemment et un léger vertige le saisit. Il ne voulait pas faire remonter les réminiscences de ce moment de sa vie, ou plutôt mort, qu'il prenait soin de garder enfouis profond sous ses siècles de vies. Mais il était maintenant trop tard, il ne pouvait simplement plus enlever de son esprit le lien qui reliait ces deux endroits  : des dédales souterrains et inhospitaliers comme les boyaux d'un monstre immense qu'il l'aurait avalé. Dans le gargouillement de l'écoulement de l'eau, il entendait en boucle l'écho des cris des âmes torturées en enfer. Il avait peur de voir surgir de chaque morceau d'ombre une silhouette aux abords humanoïde et pourtant très loin d'un être humain.

Plus le temps passait, plus sa lucidité était rongé par un traumatisme qui remontait de très loin. Son cœur qui tambourinait sous la cage thoracique du petit animal faisait couler la crainte trop vite dans ses veines, et il commençait à halluciner. Il se recroquevillait de plus en plus, l'unique chose auquel il tenait était la pierre translucide et sombre qui le rattachait à la seule image rassurante qui lui restait  : Lava.

Au début, le temps lui paraissait embourbé dans de la mélasse, mais au bout d'un moment, il perdu purement et simplement la notion du temps, pour se réfugier dans un coin de son esprit loin de cet enfer où il se trouvait.

Un champ gris. Un champ gris s'étendait à perte de vue, et le ciel au dessus de sa tête était de la même couleur, moutonneux de paquet de nuages agglutinés comme un troupeaux de moutons serrés les uns contre les autres. Despair était plongé dans de vagues souvenirs, et celui-ci commençait avec un paysage entièrement gris, comme sa propre peau. Loin sur sa droite, il aperçut un mouvement, et sans même qu'il ne ressente la moindre peur ou pu proférer la moindre pensée, ses jambes s'étaient élancées sur la gauche. Il courait dans le champs, pour fuir ce qui venait de ployer les herbes sur sa dextre. Il avait beau sentir le frottement des herbes, et la poitrine du lui du passé se soulever en rythme avec son souffle, ses émotions étaient complètement amorphes, anesthésiées. Il reconnut soudain le souvenir. Il se remémorait sa capture avant d'être officialisé démon. Une pierre lui tordit la cheville et il s'écrasa douloureusement au sol. La forme qui le traquait le rattrapa vite et en quelques secondes, ses mains furent liées dans son dos sans qu'il ne puisse rien y faire. Son chasseur était un démon plutôt anodin, hybride d'animaux désaccordés, grand et monstrueux, il n'y avait rien de plus basique.

Un ange en enfer (tome 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant