Chapitre 2

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Alya

En regardant les barres d'immeubles défiler autour de moi, je me dis que ce voyage, ce n'était pas une si mauvaise idée que ça au final. Ma mère avait raison, j'avais besoin d'air. Parfois, j'ai l'impression qu'on a beau aimer sa vie, ses proches, le quotidien que l'on mène, il y aura toujours un moment où une partie de nous se sentira à l'étroit. C'est dans ces moments-là qu'il faut être assez courageux pour prendre le large. Juste un instant. Ça m'aide à réfléchir.

La tête contre la vitre, le bruit des enfants en fond et le ronronnement du moteur du bus m'ont peu à peu permis de me détendre et de vagabonder dans mes pensées. Aussi contradictoire que ça peut paraître. Les études, c'est chiant. Surtout quand on est mère célibataire. En plus, j'ai toujours l'impression que les autres me jugent autour. Quand ils veulent sortir en boîte et que moi je peux pas parce que j'ai personne pour faire garder Tan ou quand il est malade. Parfois, c'est comme si leurs regards me criaient "T'avais qu'à pas tomber enceinte à ton âge, ça t'éviterai des problèmes.". Et justement, c'est ça le problème. Qu'ils voient mon fils comme un problème, quelque chose dont je serais ravie de me débarrasser si je pouvais. Un fardeau. Je suppose que c'est aussi pour ça que je m'entends pas le mieux du monde avec eux. Voire pas du tout. Je préfère cent fois passer la soirée à regarder encore et encore le même dessin animé avec mon fils que de passer une soirée en terrasse avec eux à jouer l'hypocrite.

J'ai repris les études il y a 2 ans. J'en avais marre de travailler sans relâche et de faire des heures sup le vendredi soir pour un métier qui ne me plaisait pas. Ça a été dur au début, je savais pertinemment que mes parents ne m'aideraient pas. Quand j'ai appris que j'étais enceinte, je les ai déçu. Assez déçu pour qu'ils me laissent me débrouiller seule mais pas assez pour ne vouloir aucun contact avec Tan. À vrai dire, je n'ai jamais vu des grand-parents aussi aimants que mes parents. Ils couvrent Tan de cadeaux dès qu'ils peuvent et ils acceptent de le garder deux-trois fois par mois. La fierté que je peux lire dans le regard de ma mère quand je borde Tan ou que je lui prépare son dessert préféré ne trompe personne. Si ça n'avait tenu qu'à elle, elle m'aurait aidé corps et âme pendant et après ma grossesse. Mon père, quant à lui, vient d'une famille catholique. Même si on n'a jamais été à la messe, il n'a pas vu ma grossesse d'un bon oeil. Malgré ça, je le remercierai jamais assez de m'avoir laissé me débrouiller. Il y a eu des moments particulièrement difficiles, certes, mais je n'échangerais pour rien au monde le bonheur et l'amour que m'a apporté mon fils ces quatre dernières années. Son humeur guide la mienne. Il est triste, je suis au bout de ma vie. Il me sourit, je revis. Faudrait peut-être me faire interner.

- Wesh Ali, t'es bizarre, pouffe Vince à côté de moi. Tu souris toute seule en regardant dehors, t'es sûre que ça va ?

J'ai rien pu faire. Il s'est installé sur le siège d'à côté sans que je ne puisse protester. Et j'ai regretté son choix dès la première seconde. Depuis, dès que je détache mon regard du paysage, j'ai le malheur de croiser les regards courroucés des autres mères accompagnatrices. Je leur ai piqué leur proie.

Avec le sourire le plus confiant que je puisse fournir, je me tourne vers mon ami.

- Ça va, je réponds avant de me rapprocher de lui, mais ça irait mieux si tes groupies n'avaient pas envie de me lâcher à la prochaine aire d'autoroute, je rajoute en chuchotant.

Il pouffe et me fait un clin d'oeil avant de se retourner pour faire face à l'allée centrale du bus.

- Avis à toutes les accompagnatrices ! Il lance à travers le bus. Ce soir, je régale, je garde les enfants à l'auberge et vous pouvez toutes aller prendre l'air dans le centre-ville.

T'y crois, toi ? · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant