Chapitre 60

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Alya

Assise derrière le volant de ma voiture, le regard perdu dans l'immensité du parking vide, je ressasse une énième fois les centaines et les centaines de commentaires que j'ai pu lire pendant que Ken était à la douche ce matin. Même si la majorité des gens sont enthousiastes et compréhensifs, il reste une part non-négligeable de filles jalouses, de personnes qui critiquent.

Il m'avait pourtant prévenue de pas regarder. Est-ce que je l'ai écouté ? Pourquoi faire ? Depuis, je me sens épiée partout où je vais. Ce qui est idiot parce qu'en à peine 24h, y a pas moyen que les gens aient découvert qui je suis. Le shooting avec MIR doit se tenir cet après-midi et plus l'heure fatidique approche, plus mon moral réduit à vue d'oeil.

Je sais pas vraiment si j'ai pris la bonne décision en laissant Ken s'afficher avec Thanos. La vérité c'est que je me voyais pas lui refuser et surtout, je voulais pas lui montrer que derrière mon calme olympien et ma patience, je cachais de la colère, même si elle n'est pas tournée vers lui mais aussi et surtout une peur sourde. Quand il a quitté l'appartement pour aller au studio hier soir, j'ai pris l'initiative d'aller à la douche. Une fois la tête plongée sous l'eau chaude, des milliards de scénarios plus délirants les uns que les autres se sont mis à tourner dans ma tête et j'arrivais plus à les arrêter. Résultat des courses : je suis restée recroquevillée sur le sol de la salle de bain une bonne partie de la soirée, jusqu'à ce que Tan m'appelle à cause d'un cauchemar.

J'avais pas fait de crises d'angoisse depuis une éternité, probablement depuis le début de mes études supérieures. Ma psychologue était confiante, j'étais pas prête d'en refaire. Celle d'hier soir était raisonnable certes, mais c'est loin de toujours avoir été le cas. Petite, je pouvais en venir à mettre en danger les autres. Combien de fois mes parents se sont pris des coups en essayant de me tirer de mes cauchemars ? Combien de fois je leur ai fait une peur bleue en ne bougeant pas d'un poil pendant une heure, le souffle haletant et en sueur ? J'ai arrêté de compter au bout d'un moment.

Le pire, c'était même pas la crise en elle-même mais ce qui venait après. Ce sentiment de culpabilité mélangé à une peur constante que tout recommence la seconde d'après. Quand la panique fait partie de ton quotidien, chaque geste, chaque pensée est tournée vers elle, comme un nuage d'orage constamment au-dessus de ta tête, attendant le moment propice pour se déchaîner. Je pensais que tout ça, c'était loin derrière moi, que je n'aurais plus jamais besoin de porter ce poids sur mes épaules. Je sais maintenant que je me trompais. Lourdement.

Depuis ma crise d'hier soir, je redoute plus que tout la récidive. Celle qui pourrait être fatale au bonheur calme que Ken a construit pour moi et Tan depuis plusieurs semaines. Je lui ai jamais parlé de mes crises et c'est loin d'être la seule omission que j'ai pu faire à son égard. Seulement, si l'évènement d'hier se répète, je crains de ne plus avoir le choix. Je pourrais pas me cacher indéfiniment.

En attendant, j'ai fui. Soulevant le plus doucement la couette, je me suis faufilée hors du lit avant que les deux ne se réveillent et une fois habillée et douchée, je suis directement partie m'assoir devant l'amphi, un croissant à la main. Je sais qu'en faisant ça, il va se douter de quelque chose. Que je ne lui dise pas bonjour, passe encore mais que je ne reste pas pour Thanos, c'est suspect.

Les commentaires des fans ont continué de courir dans ma tête comme lors d'un marathon et j'ai pas pu suivre grand chose de mes cours de la matinée. Quand je suis sortie de la salle et que les messages de Ken se sont affichés sur mon écran, le stress et l'angoisse ont refait leur apparition et j'ai su qu'il fallait que je m'isole.

Résultat des courses : me voilà assise dans ma voiture, sur un parking désert, à attendre que mon souffle veuille bien reprendre son rythme normal. Sur la banquette arrière, mon téléphone se met à sonner, décrochant mes yeux du bâtiment désaffecté juste devant moi. Les deux yeux bruns de Ken semblent me fixer quand sa photo s'affiche à l'écran. Consciente qu'il n'abandonnera pas si tôt et que mon absence doit l'inquiéter, je décroche en essayant de ravaler mes larmes et ma peur.

T'y crois, toi ? · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant