Chapitre 86

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Ken

Les paupières closes, l'eau chaude qui coule sur ma peau et le bruit des oiseaux au-dehors, je laisse mon esprit faire tourner son rire en boucle dans ma tête. J'ai découvert un truc : je pourrais jamais m'en lasser. Les parents qui finissent par ne plus pouvoir supporter l'énergie débordante de leurs gosses ? C'est tout sauf moi. Sans Thanos pour égayer la journée, je ressemble clairement à une loque. Je le sais, ça fait une semaine que je l'ai pas eu contre moi.

Quand il sourit, quand il rigole, quand il chantonne comme sa mère en sortant de la salle de bain ou quand il saute partout parce qu'il a réussi à sauver un énième escargot ou une abeille. Tout. Tout chez lui pousse à vouloir vivre 100 années de plus. T'as l'impression que la vie pourrait être mille fois plus longues que tu n'aurais pas encore découvert toutes les sonorités que sa voix peut prendre quand il rigole.

Alors ouais, quand il est pas là c'est loin d'être la même. Yaya me lance des regards désespérés à longueur de journée, soufflant à qui veut l'entendre qu'il y aurait mieux à faire que de me morfondre.

Je veux bien moi. Juste dis moi comment je suis censé faire.

Comment je suis censé faire quand ma brune est à l'autre bout de l'Europe, qu'elle ignore tout de la situation et que même si elle savait, ça ferait bien longtemps qu'elle m'aurait fait passer par la fenêtre du dernier étage ? Je suis censé faire quoi ?

Si je suis parti, y a une raison. Ou plusieurs. Je pouvais clairement pas resté près d'eux en attendant les résultats du test. J'aurais forcément gaffé et à jouer aux dépressifs à longueur de journée, j'aurais fini par leur faire plus de mal que de bien. Je me connais. Le stress et la peur, ça fait bon ménage chez personne mais chez oim c'est pire encore.

J'aurais pu dire ou faire des trucs que j'aurais regretté. Et je veux pas de ça, surtout pas. Que ce soit Thanos ou Alya, ils n'ont pas besoin que je vienne compliquer leur quotidien. J'ai bien conscience que je suis effectivement en train de le faire déjà mais c'est sûrement mieux que si j'étais resté.

La seule chose que j'essaie de faire, c'est de minimiser les dégâts. Je sais pas si ça fonctionne mais c'est déjà bien d'essayer. En tout cas c'est ce que je me dis pour essayer de pas sombrer dans des pensées trop noires.

C'est aussi parce que je suis dans un sale état que je me sens pas capable d'appeler ou de répondre aux messages. Ma brune est tout sauf conne, elle va capter direct. Je suis déjà bien assez inquiet qu'elle finisse par débarquer chez Laurène. De toutes manières, si j'avais mis Laurène au courant, elle aurait hautement désapprouvé. Autant pas le faire.

Chaque minute qui passe reste un véritable calvaire. Combien de brouillons de messages pour elle et Thanos j'écris chaque jour ? Je ne compte même plus. Combien de fois je me suis dit que j'allais appeler le soir avant d'aller dormir ? Je compte plus non plus.

J'en rêve putain. J'en rêve si fort que ça fait atrocement mal. De leur demander des nouvelles et de voir les trois petits points apparaître en bas de l'écran. Putain. De pouvoir voir le sourire de Thanos, même à travers l'écran. Je crois que je donnerais tout. Mais plus je garde contact avec eux, plus mon mensonge va être obligé de s'agrandir. Et de petits mensonges en petits mensonges, j'ai bien peur de ne pas pouvoir rattraper la situation à la fin. Si déjà je peux la rattraper.

Chaque jour quand je sors de la douche, j'en viens toujours à me demander si quand j'essuie mon visage, c'est vraiment l'eau que j'essuie ou des larmes. Je suis tellement au bout de ma vie que je m'en rends même plus compte. Quand je descends au village me promener, les gens me regardent souvent bizarrement. Pourtant ici, on me connaît pas. En me levant d'un banc avant-hier sur le port, une petite fille m'a arrêté pour me demander pourquoi je pleurais.

T'y crois, toi ? · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant