Alya
Mes écouteurs dans les oreilles, je longeais les couloirs de l'auberge de jeunesse en long, en large et en travers. En début de soirée, Vince avait reçu un appel des services sociaux. Deux policiers ont fait une descente à l'appartement des parents de Mila. Ils ont sonné plusieurs fois mais personne n'a répondu. Cependant, la voisine, alertée par les bruits, est sortie et après quelques encouragements de la part des policiers, elle a commencé à parler.
Des pleurs. Des cris. Même parfois des coups dans le mur. Souvent, voire tous les soirs. C'était toujours le même rituel selon elle. La mère rentre tard le soir, descend les poubelles, ferme la porte à clé et l'enfer commence. Même si je me doutais de l'issue de cette affaire, j'aurais espéré qu'il en soit autrement. Il n'en a pas fallu plus aux services sociaux pour ouvrir un dossier et demander que Mila soit placée en famille au moins le temps qu'une enquête plus profonde soit menée à bien. Je m'attendais pas à ce que ce soit traité si rapidement, j'ai été mauvaise langue. La petite sera à l'abri dès qu'elle rentrera.
Le problème est maintenant de lui trouver une famille d'accueil. Et c'est tout ce qui occupe l'esprit de Vince. Si on lui trouve un foyer d'ici la fin du voyage scolaire, les services sociaux n'auront pas à la placer dans un centre d'accueil et surtout, elle n'aura pas à changer d'école. Vince m'a expliqué les démarches. Il faut présenter un dossier, un foyer que l'on juge acceptable et protecteur pour Mila. Un lieu de vie décent, une famille présente et des revenus réguliers. Tout ça, en quatre jours et à distance.
J'ai pas pu rester dans la chambre avec Vince. C'était juste trop. Trop de pression, trop de stress et trop d'images dans ma tête. Les mêmes scènes qui tournent en boucle. Sa mère qui rentre, vide les poubelles et fait vivre l'enfer à sa propre fille. Je peux pas. Alors je suis sortie et j'ai mis de la musique.
Depuis, je fais le tour de l'auberge. Au bout du troisième tour, je décide de prendre l'air et sors par la porte de derrière. Le parking est désert. Y a pas une âme qui vit ici. En plein milieu de nulle part, dans la campagne, en plein milieu de la nuit. Accoudée à une barrière, j'observe, le regard dans le vide, un lampadaire clignoter au-dessus des voitures. Le ballet des moucherons qui s'agitent autour a le don de m'apaiser.
C'était sans compter l'ombre que je vois soudainement passer à ma droite. Je me fige. Je me suis un peu éloignée de l'entrée et y a absolument personne pour m'aider. Je sens mon sang cogner sous ma peau. Je pourrais envoyer un message à Vince. Il est toujours debout c'est sûr. Le temps que la pensée fasse son chemin dans ma tête, la silhouette est déjà à à peine un mètre de moi. Je lâche un cri.
La silhouette pouffe et secoue la tête.
- Tu peux pas la fermer, tu vas réveiller tout le quartier.
On croit rêver, qu'est-ce qu'il fiche ici à une heure pareille ? Il soulève la capuche de son hoodie noir, laissant apparaître ses cheveux bruns sans casquette. C'est vrai. Tan l'a gardée, j'y ai pensé en lui enfilant son pyjama tout à l'heure. Il l'a gardée toute la soirée sur sa tête, comme un trophée.
- Tu ressembles vraiment à rien sans casquette, je lance en jouant avec le fil de mes écouteurs.
Un sourire étire ses lèvres et il s'installe à côté de moi sur la barrière.
- On t'a déjà dit que tu savais pas mentir ? Parce que Fram m'a balancé que tu me trouvais grave frais tout à l'heure.
Avec sa paire de Nike toutes usées, il shoote dans un caillou.
- Qu'est-ce que tu fais là, Ken ? Je lui demande, curieuse de savoir pourquoi il a fait le chemin jusqu'ici en plein milieu de la nuit.
Il souffle et shoote dans un autre caillou.
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T'y crois, toi ? · Nekfeu
FanfictionLe Sud. Une semaine. C'est ce qu'il a fallu à Alya pour découvrir que sa vie à Paris était plus morose que ce qu'elle aurait pu penser. Entre ses études et son fils, c'est pas toujours facile de se faire accepter dans un groupe. Que ce soit parmi se...