Chapitre 30

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Alya

Un klaxon dans la rue en contrebas me pousse à enfin ouvrir les paupières. Ça fait déjà plus de vingt minutes que je me tourne et me retourne dans mon lit à la recherche de la position idéale pour me rendormir. Sauf que lorsque j'ouvre les yeux, mon regard ne se pose pas sur le plafond de la chambre mais sur le plafond du salon.

En fronçant les sourcils, des bribes de la soirée d'hier me reviennent peu à peu en tête. La conversation avec Ken, la dispute avec Moh, le retour avec Ken.

Putain. J'ai fait de la merde. Les quatre ou cinq bières que j'ai prises avant l'arrivée des garçons à la soirée d'Antoine n'ont pas arrangé les choses. J'ai été un peu trop directe avec Ken quand il m'a avoué avoir envie de plus avec moi. Beaucoup trop directe. C'était pas du tout prévu.

Et bordel y a pas que ça. Quelle mouche m'a piquée pour que, de mon plein gré, je lui demande de dormir avec moi. Bien sûr, il a accepté. Ce dont je me rappelle, c'est plutôt comment j'ai glissé mes mains dans son cou, comment j'ai niché ma tête sur son torse et mes papouilles dans ses cheveux. Comment voulez-vous qu'il ne se soit pas fait d'idées avec ça ?

Je reviens peu à peu à la réalité en scannant la pièce du regard. Il est pas là. Alors il est parti comme ça ? D'un côté, c'est peut-être mieux mais d'un autre, je peux pas m'empêcher d'être déçue. J'aurais aimé qu'il soit là quand ma mère apportera Tan. Juste pour voir comment ils se comportent tous les deux maintenant que Ken m'a fait des promesses.

Mes yeux s'arrêtent sur sa sacoche, posée sur le bureau, sur ses chaussettes au sol à côté du canapé. Il serait pas parti sans, si ? C'est quand je remarque l'heure au mur que mon sang ne fait qu'un tour.

8h25. Je me suis pas réveillée. Comment c'est possible ? J'ai mis un réveil.

Je déverrouille mon téléphone et tombe sur l'écran d'accueil, qui affiche que mon alarme a été ignorée. Depuis quand ? Sans chercher une explication plus loin, j'appelle ma mère. Elle l'a sûrement amené à l'école en me voyant dormir. Le répondeur me répond à sa place et un soupir m'échappe. Mon rythme cardiaque commence à s'accélérer. Je fais le tour de l'appartement au moins cinq fois en scrutant chaque détail. Une peau de banane dans la poubelle, le pyjama de Thanos au sol dans sa chambre, pas de cartable dans le hall. Ma mère l'a amené, c'est sûr.

Même avec tous ces indices, quelque chose ne colle pas. Elle m'aurait envoyé un message. Et puis elle commence à 8h, elle aurait pas pu. Je retourne dans le salon pour récupérer mon téléphone et quand je soulève la couette, un post-it tombe au sol.

Mes sourcils se froncent quand je reconnais l'écriture ronde et régulière du rappeur. Qui a dit que seules les femmes écrivaient bien ? Ça ne s'applique pas à lui en tout cas.


M'en veux pas, je t'ai pas réveillée. Ta mère a ramené Tan et moi je l'emmène à l'école. Je reviens en depsi. Bouge même aps.

Ken


Pardon ? Malgré ma surprise et ma légère colère face à la prise d'initiative un peu trop osée du fennek à mon goût, mon rythme cardiaque semble redescendre peu à peu à un niveau normal. Tan va bien, il est sur le chemin de l'école. Instinctivement, j'ouvre le contact de Ken, prête à l'appeler. Je préfère être sûre que mon bébé va bien. Quand la photo du rappeur s'affiche, je renonce. Je sais même pas ce que je lui dirais. Je sais même pas comment j'ai envie de réagir.

Il va revenir. Et quand il reviendra et qu'il sera devant moi. Je saurai comment faire. Du moins, je l'espère.

Tout en essayant d'émerger, je m'installe dans la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner. Ce n'est qu'une dizaine de minutes plus tard, que la porte d'entrée s'ouvre pour me laisser voir Ken, emmitouflé dans sa parka, casquette sur la tête, un grand sourire aux lèvres. Il a pas dû me remarquer encore car déjà il retire sa veste, l'accroche au porte-manteau et se penche doucement dans l'entrebâillement de la porte du salon, sûrement pour voir si je dors encore. Lorsqu'il remarque mon absence, il se penche plus franchement dans la pièce avant de se retourner brusquement vers la cuisine en entendant que je pouffe.

T'y crois, toi ? · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant