T'y crois, toi ? · Nekfeu

Chapitre 71

Ken

Les yeux rivés sur mon reflet dans le miroir, je replace mes cheveux pour ce qui me paraît être la millième fois depuis dix minutes. Même s'ils sont à l'autre bout de l'appartement, je peux entendre mes gars gueuler comme s'ils étaient près de moi. Ça m'aide pas forcément à me calmer. Voire pas du tout.

Ça a commencé avant-hier. Le stress. Quand ma mère m'a appelé pour me dire qu'ils ne pourraient pas être là pour mes 32 ans.

Mes 32 ans.

Qu'est-ce que j'ai réussi au final dans ma vie jusqu'ici à part mon rap ? Rien. Alors que mes parents attendaient de moi que je fasse des études, que je me marie, que je fonde une famille, que j'ai un emploi stable, j'ai fait tout le contraire. Me voilà ici, aujourd'hui, sans diplôme, sans femme, sans enfant et putain, ça me déprime.

Alors que je rajuste mon t-shirt une dernière fois, la porte de la salle de bain s'entrouvre pour laisser passer une petite tête brune. Il ne semble pas m'avoir remarqué jusqu'à ce qu'il me rentre dedans.

- Oh, il se frotte le front. Pardon Papa, son sourire éclaire son visage. Tu peux m'aider ?

Dans ses petites mains, le noeud papillon que ma mère lui a cousu semble lui donner du fil à retordre. Accroupi devant lui, ses yeux posés sur mon visage, je sais que j'ai encore divagué. J'ai un fils wesh. Peut-être pas biologique mais je m'en tape. C'est quand mes pensées noires m'assaillent comme ça que je me fais peur. La dernière fois, ça n'a pas forcément fini de la meilleure des façons, que ce soit pour moi ou pour mon entourage. C'est hors de question que je foute la merde à nouveau.

Je laisse mes yeux se balader sur la bouille de Thanos devant moi qui s'amuse à compter du doigt les lumières du miroir derrière nous. Ses grands yeux bruns reflètent tout ce que j'ai toujours rêvé d'avoir : un papa comme j'essaie d'être avec lui. Les gars disent que je suis trop dur avec mon daron mais maintenant que j'en suis un aussi, je vois pas ce qu'il l'a empêché de faire des efforts avec moi et Inès.

- T'es trop beau Papa, ses doigts caressent ma barbe. Un jour j'aurais de la barbe aussi comme toi !

La seule réponse que je lui donne est mon sourire, bien trop absorbé par sa ressemblance avec Lya. J'aurais tout donné pour être son vrai daron. Et dire que l'autre con se promène dans la nature en sachant pertinemment que ma brune a galéré seule, ça me fait trembler de rage. Je suis tombé sur son Insta l'autre jour un peu par hasard et bordel, j'ai dû me retenir pour pas l'insulter en mp. Vraiment. Il a bien la tête de l'emploi en plus.

- Tu le veux serré comment ton noeud bonhomme ?

- Un peu mais pas beaucoup, il mime avec ses mains.

- C'est précis ça, je pouffe. Je serre petit à petit et tu hoches la tête quand ça tient bien, ok ?

- Ok, il sourit.

- T'as vu Maman quelque part ? Je demande pendant que je le recoiffe.

Il secoue négativement la tête avant de déposer ses lèvres sur ma joue pour ensuite ressortir de la salle de bain. Je réitère. Je suis trop con. Peut-être qu'elle porte pas encore mon nom mais j'ai une femme. Que je trouve de plus en plus incroyable chaque jour qui passe. Fini le temps où elle doutait, j'ai retrouvé l'Alya des premiers jours et c'est un kiff incommensurable.

Mais voilà. 32 ans. Plus je me regarde dans la glace, plus je me demande pourquoi elle voudrait rester avec moi plutôt qu'avec un gars de 23 piges. J'ai rien d'exceptionnel.

- Arrête ça, des frissons parcourent mon cou pendant que des bras entourent mon ventre. Je t'entends pester sur toi-même à 10 kilomètres à la ronde.