Chapitre 32

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Ken

Ça fait trois semaines déjà. Trois semaines que je dors sur le canapé presque tous les soirs. Trois semaines que j'emmène Thanos à l'école le matin et que je mange avec lui le midi. Trois semaines que je passe tout mon temps libre avec Alya.

Et bordel je pensais pas pouvoir dire ça mais la situation n'a pas évolué d'un poil.

Sans même prêter attention aux passants autour de moi, je monte dans la rame de justesse et m'assois dans un coin, ma parka sur la tête, front contre la vitre. Il manquerait plus que quelqu'un me reconnaisse. Je passe déjà une sale journée, pas besoin d'en rajouter.

J'ai été naïf de penser qu'en une semaine elle m'avait pardonné. La vérité c'est qu'elle ne me fait pas confiance à 100%. Je dirais même pas à 60. Et ça me fout un seum considérable. J'en ai pas parlé aux gars non plus. J'ai ni envie de me faire charrier H24, ni envie de me taper leurs airs moralisateurs. Même si Moh est revenu au studio depuis le début de la semaine et qu'il daigne enfin m'adresser la parole, je sais qu'à la seconde où je vais lui parler de Lya, il va câbler. Résultat, je suis tout seul dans ma merde.

Je pourrais en parler à Alya mais j'ai bien trop peur qu'elle se braque et que la situation empire. Je suis dans un cul-de-sac.

Lorsque le métro sonne l'arrêt, je sors en despi et erre dans les rues presque vides jusqu'à l'immeuble de ma reuss.

- Un vrai ermite toi, j'ai juré ! Elle me lance alors qu'elle m'ouvre la porte. Ça fait deux semaines que je t'ai pas vu, tu foutais quoi ? J'ai dû demander à ma prof de yoga de garder Souheil au moins quatre fois, elle souffle en me tapant l'épaule. Allez rentre, il fait deux degrés dehors.

Elle se pousse pour me laisser rentrer et me retire mon manteau sans que je n'ai rien demandé comme ma mère a l'habitude de le faire. Le geste m'arrache un sourire en coin et je me laisse faire.

- T'sais il a plus 2 ans le tipeu, je pense il peut rester seul une heure nan ? Je la suis dans la cuisine alors qu'elle se remet à sécher la vaisselle.

- Je sais bien mais je suis plus rassuré quand il est avec quelqu'un. Y a des trucs pas nets dans le quartier en ce moment. J'ai pas envie qu'il y prenne part.

Je fronce les sourcils avant de m'adosser montre le frigo.

- Il est pas con Inès, il sait pertinemment ce que les gars et moi on en a tiré de cette merde. Je vois pas pourquoi il referait la même erreur de son plein gré.

- C'est bien le "de son plein gré" qui me dérange Ken. Ce qui m'inquiète c'est qu'il le fasse parce qu'on l'y force.

- Et ce serait qui le "on" d'après toi ?

- J'ai entendu dire qu'il y avait du trafic dans son collège et que plusieurs élèves s'étaient déjà retrouvés blessés pour avoir refusé d'y prendre part.

- Pourquoi tu m'en as pas parlé plus tôt wesh ? Je m'exclame en m'approchant d'elle.

Tournée vers l'évier, elle évite mon regard mais je sais très bien qu'elle pleure. Ses épaules tremblent et elle doit s'y prendre à deux mains pour ne pas lâcher les assiettes.

- Je sais pas si t'as entendu tout à l'heure mais je te rappelle que ni Souheil ni moi - ni même Papa ou Maman d'ailleurs - n'avons eu de tes nouvelles ces dernières semaines. Je sais que ça t'arrive de temps en temps mais d'habitude tu préviens quand même au bout d'un moment, elle me lance en se retournant tout en essuyant ses larmes du revers de la main. La seule qui a toujours le droit à tes appels, c'est Yaya. Et heureusement qu'elle est là pour rassurer Maman parce qu'un peu plus et elle faisait Nice-Paris pour débarquer chez toi.

T'y crois, toi ? · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant