D'un coup d'épaule, aux aguets, je fis tomber la couverture qui entraverait mes mouvements si jamais la nécessité d'en découdre se présentait.
Pour ne pas risquer de glisser dessus, j'avançai d'un pas en avant.
La vibration d'air que je sentis passer tout près de mon oreille m'indiqua que ce mouvement venait de me sauver la vie.
Du coin de l'œil, je visualisais parfaitement la flèche qui vibrait encore, figée dans le panneau d'affichage, en plein milieu du mot qui conseillait de rester sagement chez soi.
— Montrez-vous ! criai-je après une brève inspiration, le regard scannant le moindre mouvement. Je suis Dalaena, agent spécial de la Guilde, envoyée par la branche de Chicago, à la demande de votre Alpha !
— Ils ne sont pas méchants.
Je fis volte-face, stupéfaite par la voix suave qui venait de parler. Cette erreur aurait pu me coûter la vie ; je tournais le dos aux personnes cachées un peu partout, pire encore, à l'archer embusqué quelque part.
La raison : je ne l'avais pas entendu approcher, alors que mon oreille était aussi aiguisée que pouvait l'être celle d'un métamorphe entraîné au combat.
Or, un homme se trouvait là. À quelques pas de moi. Le charisme et la puissance qui se dégageait de ce corps était si intense, que je sus immédiatement à qui j'avais à faire.
Contre toute attente, je me détendis légèrement. Les loups postés un peu partout n'attaqueraient pas mes arrières sans un ordre de leur chef.
Le dos appuyé avec nonchalance contre le panneau d'affichage, Dorian Morff en personne faisait tourner entre ses doigts la flèche qui s'y trouvait une seconde plus tôt, avec une agilité déconcertante. Son regard, bleu et perçant, ne me quittait pas.
La photo que Jasper m'avait fournie – pour l'enquête – ne lui rendait pas hommage. Cet homme possédait une beauté sauvage, à nul autre pareil.
La couleur de ses yeux était étonnante, unique. Un mélange entre la couleur de l'écume sur le sable brûlant, la pointe gelée d'un iceberg perdu dans le plus froid des océans, et celle du reflet argenté d'une plaine recouverte de neige. Et cette clarté tranchait habilement avec les cils sombres et épais qui les encadraient. Pour faire bref, ce regard était sexy à souhait.
Les cheveux sombres un peu trop longs, qui cachaient le haut de ses oreilles, rajoutait un charme dangereux à ce pirate. Une mèche était retombée sur son front, et je serrai les dents et les poings pour m'empêcher de m'avancer pour la replacer en arrière.
Dorian venait d'attiser l'intérêt de ma louve, qui voyait tout à fait en lui un partenaire idéal. En sentant l'extrémité de mes crocs poindre, je remis les idées de ma part animale en place, grâce à un seul mot : Alpha. Mais « connard » aurait tout aussi bien pu faire l'affaire.
Sans rien exprimer du trouble que je ressentais intérieurement, je désignai du menton le projectile qu'il tenait toujours entre ses longs doigts.
— Trouer des têtes, c'est une coutume de chez vous ? Pour souhaiter la bienvenue ?
Le coin des lèvres de l'homme se releva légèrement.
— Personne n'a troué votre tête. Et, si l'intention première, reprit-il en voyant que j'allais surenchérir, était bel et bien de faire un trou dans votre cervelle, nous n'aurions pas cette conversation. Joyce ne rate jamais sa cible.
Je rangeai le couteau que je tenais toujours. Entre les doigts de Dorian, la flèche cessa de tourner, et il la jeta dans la neige sans un regard. Je le dévisageai, et les mots sortirent de ma bouche sans que je ne cherche à les retenir :
— Vous n'avez pas froid ?
Il était habillé d'un T-shirt blanc, et le bas de son jean était mouillé par la neige. Son discret col en V était suffisant pour donner un agréable aperçu du torse qu'il devait avoir. Tout comme les manches du vêtement, qui mettait en valeur le dessin subtil de ses muscles.
À son tour, l'Alpha me regarda de haut en bas. Je me sentis soudain nue, mais je ne fis aucun geste trahissant mes émotions. Il pencha la tête sur le côté en croisant les bras, mettant à l'épreuve les manches de son T-shirt.
— Cette tenue, c'est une coutume de chez vous ? s'enquit-il en reprenant mes mots.
Il n'avait pas répondu à ma question. Et je me souvins que je n'étais pas non plus habillée pour aller résoudre une affaire perdue en pleine montagne. Je grelottais tellement intérieurement que mon cerveau semblait se cogner dans ma boîte crânienne.
— Je suis partie prestement, répondis-je pour justifier mon accoutrement ridicule. Nous avons cru comprendre que votre affaire était délicate.
— Effectivement.
— Mon supérieur n'a pas jugé utile que je repasse chez moi prendre des affaires. Il m'a jeté dans une poubelle ambulante programmée pour arriver directement jusqu'...
Je fus coupée net quand une boule de neige percuta avec force mon dos.
La puissance du lancer me fit faire quelques pas en avant pour absorber le choc. Je fus si près de l'Alpha que son odeur boisée, sensuelle et masculine, m'entoura totalement.
Je me retournai pour ignorer les sensations que celle-ci me procura. Pour cacher mes yeux devenus soudain argentés.
J'inspirai, déglutissant avec difficulté, repoussant la louve désireuse d'aller fourrer sa truffe contre la peau mate. Reporter son attention ailleurs était la meilleure des solutions.
Les hommes et les femmes dissimulés un peu partout étaient sortis de leur cachette, et des dizaines de personnes avaient envahi la place. Un gamin s'était hissé en haut de la fontaine, retirant la neige qui s'y trouvait.
Le loup en pierre avait bel et bien des crocs menaçants, et son regard noir était braqué dans ma direction, comme annonciateur d'une mort certaine.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...
