Chapitre 13 (1/2)

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Alors que j'allais quitter la salle de bain, un cri soudain, sauvage, un mugissement animal réalisé par des cordes vocales humaines, me fit me précipiter à la fenêtre.

Les bras en avant, je serrai les doigts sur le rebord en aluminium en avisant l'horreur qui était apparue au centre de la place.

Une bête comme je n'en avais encore jamais vu déambulait autour de la fontaine comme en terrain conquis. Son énorme tête bougeait en suivant le courant du vent, remuant comme à la recherche d'un truc à flairer, museau en avant.

Cette chose se déplaçait sur deux pattes et semblait montée sur ressorts. Ses mollets, en retrait comme ceux des loups, étaient aussi épais que les troncs des arbres qui peuplaient les White Mountains. Un seul coup de ce monstre pourrait aisément défoncer le visage de celui qui oserait s'en prendre à lui. Et encore, s'il restait quelque chose après qu'il se soit occupé de l'opportun avec ses griffes.

Il possédait cinq doigts à chacune des mains, et c'était là la seule ressemblance notable avec celles d'un humain. La longueur de ses phalanges devait faire le triple des miennes, et comme si cela n'était pas assez effrayant, elles se terminaient par des ongles aussi aiguisés et dangereux que la lame d'un couteau.

Son corps, gigantesque et rendu ferme par des muscles surhumains, était prêt pour un affrontement à chaque instant. Il devait bien avoisiner les deux mètres de haut, la pointe de ses oreilles arrivait presque au même niveau que celles du loup qui surplombait la fontaine.

Une épaisse fourrure drue recouvrait la totalité de son corps, collée à plusieurs endroits par la bave gluante qui dégoulinait d'entre ses babines. Grisâtre, la respiration difficile, cette bête semblait souffreteuse.

La tête lupine qui surplantait ce corps malhabile, tous crocs dehors, était habitée par la folie, un mal qui le rongeait jusqu'à la moelle.

Il n'y avait encore personne à l'extérieur, et c'était une très bonne chose. Il ne manquerait plus qu'un téméraire sorte de chez lui pour tenter de l'exterminer seul.

Au moment où je fis tourner la poignée de la fenêtre, la bête pivota aussitôt la tête dans ma direction, si rapidement que tout son corps en fut déséquilibré, et qu'elle fit quelques pas sur le côté afin de reprendre ses appuis. Croiser ce regard rougeoyant me fit serrer les doigts autour de la crosse du Beretta resté accroché à ma ceinture. Je tentai d'ignorer les frissons qui naquirent le long de ma colonne vertébrale, mais ceux-ci redoublèrent quand cette chose se mit en mouvement, avançant à pas lourd dans ma direction, droit vers la maison de l'Alpha.

Si elle possédait un minimum d'intelligence, elle avait compris que j'étais la menace à éliminer en priorité, et le sourire qui sembla se dessiner sur sa gueule me confirma que ce truc n'était pas totalement animal. La conscience d'un humain l'habitait, et je serrai les mâchoires en enjambant la balustrade.

Une présence dans mon dos me fit grogner. Ce n'était vraiment pas le moment !

— Qu'est-ce que tu fous ? Il faut sauter de plus haut si tu veux mettre fin à...

Entendre la voix de Dorian sembla provoquer chez la bête un électrochoc d'une puissance phénoménale.

Ensuite, tout se passa trop vite.

La bête se mit en mouvement, beuglant d'une manière terrifiante. Elle chargea la maison à la manière d'un minotaure, prenant de la vitesse à mesure que ses énormes pattes avalaient la distance qui nous séparait. Dans un grondement tonitruant, le sol tremblait à chacune de ses enjambées.

Elle va sauter et atterrir ici, réalisai-je avec horreur. Kit se trouvait juste dans la pièce d'à-côté !

Sans réfléchir, alors que la chose s'apprêtait à bondir, je me laissai tomber du haut de mon perchoir. L'exclamation étouffée de Dorian me passa au-dessus, de même que ses pas précipités sur le parquet. En revanche, le courant d'air que je sentis juste au-dessus de ma tête m'interpella. Avait-il cherché à me rattraper ?

Durant les quelques millisecondes que dura ma chute, je dégainai le poignard glissé dans ma botte, et me préparai à la confrontation. Sa gueule pleine de dents pointues, ouverte pour m'accueillir, me rebutait affreusement. À l'angle que prit son cou, il allait viser mon mollet. Il en était hors de question, une morsure pareille me causerait un sérieux désavantage.

Comme en suspend dans l'air, je pivotai le buste afin de mettre hors de portée ma jambe, et optai au dernier moment pour un coup de pied circulaire. Alors que j'avais visé la jugulaire, celui-ci le heurta à la joue, et le choc avec la bête fut brutal. La douleur remonta jusque dans mon bassin, me faisant serrer les dents.

D'un simple revers de bras, il m'envoya valser plus loin. 

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant