Chapitre 8 (3/3)

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J'allais ensuite me poster à côté de lui, orientant mon corps dans la même direction que le sien, nos pieds pointant vers le frigo. Levant les bras, désaxant mon buste sur le côté, je fis en sortant de poser mes paumes contre son abdomen. Les doigts vers le sol, les poignets vers le haut.

Je sentais son souffle contre mon oreille, et la chaleur que son corps dégageait me brûlait la peau. Les battements de son cœur étaient puissants et rapides.

J'étais trop près de lui, empiétant son territoire comme il l'avait fait pour moi ce matin au café, lorsqu'il avait voulu se débarrasser de sa groupie.

— Et ça, celles que feraient quelqu'un qui sort de ton corps par ton ventre.

Les yeux rivés au pouls qui battait frénétiquement dans sa jugulaire, je repliai mes doigts, griffant avec lenteur sa peau même à travers l'épaisseur de son T-shirt. La respiration haletante qu'il prit me fit savourer ma vengeance. Chacun son tour !

Je descendis mes mains, comme si j'essayais de m'extraire de lui par la seule force de mes bras et de mes doigts.

Étendre le bras, planter les ongles pour s'ancrer, et tracter. Lacérer la peau au passage.

Lorsque ma démonstration fut terminée, je reculai d'un pas. Comme s'il avait oublié de respirer pendant plusieurs minutes, il inspira brusquement en se détournant.

Dorian appuya ses poings contre la table, le visage au-dessus du livre, les yeux braqués sur le passage des boucs émissaires.

Les étrangers ne pénétraient pas le territoire de ses loups ; les personnes qui avaient accès à la bibliothèque ne pouvaient que faire partie de la meute.

L'Alpha était en train de prendre conscience qu'un traître se cachait au sein de sa famille, et seuls ses bras musclés semblaient maintenir son corps debout.

— Quoi d'autre ? demanda-t-il, sans me regarder.

Tout comme lui, j'inspirai avant de me lancer. Annoncer ce genre de trucs n'était vraiment pas facile.

— Les traces de pas dans la neige, elles...

En pinçant les lèvres, je réalisai que je n'avais pas envie de le voir s'effondrer. Je repris en serrant les poings, le cœur au bord des lèvres.

— Elles étaient munies de grandes griffes par endroit, humaines à d'autres.

J'hésitai, mais ne laissai rien filtrer en révélant :

— Mais pour certaines, c'était un savant mélange entre les deux.

Un silence, puis Dorian réalisa en fermant les yeux :

— Sharron a dit que la bête n'était sortie de nulle part. J'ai fait le tour de la maison, aucune trace d'effraction, rien de cassé, les fenêtres étaient bien fermées.

— Lorsque je suis arrivée, elle a dit que son mari était de garde dans la forêt.

D'un mouvement absent, il hocha la tête, les mâchoires serrées.

— Il était normal que Dave ait les clés de sa maison.

— La question, repris-je, c'est comment est-il devenu cette chose ?

Pensive, je secouai la tête. Épuisée, je claquai mollement des doigts.

Boom, fis-je en mimant une mini explosion entre mes mains, transformation, magie.

À ce mot, Dorian releva la tête. La bouche ouverte, je réalisai que cela pouvait effectivement être une solution plausible.

Nous échangeâmes un regard hanté.

— La fiole, soufflai-je en la sortant de la poche arrière de mon pantalon, effleurant au passage l'enveloppe qui avait accompagné le rapatriement de mes affaires et que je n'avais pas encore eu le temps de lire. C'est la magie qui a rendu Dave complètement fou.

— Une magie noire, gronda Dorian.

Sombrement, j'acquiesçai.

— Reste à savoir s'il l'a absorbé de lui-même, ou si quelqu'un l'y a aidé.

Empli d'une colère contenue, Dorian bouillonnait intérieurement. Il tremblait, comme pour réprimer un tsunami indescriptible. Si les vagues avaient le malheur de sortir, elles réduiraient à néant le décor, et beaucoup d'autres choses encore.

D'un geste du bras, la Bible se retrouva projetée contre le mur.

Il appuya son poing serré contre ses lèvres, m'accorda un regard terrible. Puis il me laissa plantée là.

Littéralement, Dorian quitta sa maison.

Sans un mot, une aura sombre de colère flotta dans son sillage.

Le parquet à l'étage craqua, et je levai les yeux au plafond, comme si mes yeux pouvaient voir au-travers.

— Kit ? appelai-je en m'approchant des marches. C'est toi ?

L'escalier grinça, et la tête endormie de l'adolescent pointa par-dessus la balustrade.

— Mon père s'est barré ?

— On dirait bien, répondis-je en croisant les bras, une hanche appuyée contre le chambranle de la porte menant au salon.

L'ado se frotta l'œil du poignet en baillant.

— Qu'est-ce que tu lui as dit pour qu'il réagisse comme ça ?

— Oh, trois fois rien. Des broutilles romantiques. (J'ajoutai un sourire contrit à mon visage.) Je lui ai fait peur, je crois.

Kit haussa un sourcil, exactement comme l'aurait fait son père.

— Tu m'étonnes, bordel.

— Je vais aller le chercher. Recouche-toi, Kit.

La main sur la poignée de la porte d'entrée, je me retournai dans sa direction. Son visage était froissé par une expression soucieuse.

— Ne sors surtout pas, des affreuses choses rôdent dehors.

— Affreuses comment ? s'enquit le gamin en serrant les mains sur le bois lustré de la rambarde.

— Affreuses comme dans « mieux vaut rester loin, sinon tu crèves ».

— Je t'accompagne.

Il avait déjà descendu quatre marches, quand ma voix l'arrêta dans son élan.

— C'est vaillant, mais idiot. Il ne va rien m'arriver, ne t'en fait pas. Je suis une grande fille armée jusqu'aux dents. Et je ne vais pas laisser à ton père la chance de pouvoir me zigouiller parce que j'aurais laissé son fils remuer sa queue dehors.

Kit écarquilla les yeux, et je le laissai en plan.

— Reste ici ! répétai-je en me penchant à la fenêtre.

Pour retrouver la piste de Dorian, je m'enfonçai dans la forêt, suivant le bruit des grondements impuissants et ceux des troncs d'arbres qui craquaient sous ses coups.


Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant