Dorian.
Comme dans un état second, mon cerveau mit un certain temps à analyser ce que mes yeux avaient déjà saisi. Sans parvenir à y croire, je relisais encore et encore les mêmes lettres sans que celles-ci ne se modifient.
Dorian.
J'inspirai brusquement, le cœur au bord des lèvres. L'odeur de mon angoisse se mêlait aux miasmes puants de la magie, me donnant une terrible envie de vomir. Dorian, l'Alpha de la meute des White Mountains, courrait un sérieux danger. Il était le prochain de la liste. Peut-être était-il déjà trop tard, je n'avais aucune idée du temps que j'avais passé dans les vapes.
Impuissante, je tirai sur ma chaîne de manière frénétique, hurlant de rage. Les tintements qui répondirent à mon geste irritèrent mes nerfs déjà à vif.
— Putain de merde ! sifflai-je entre mes dents.
Je marmonnai en me prenant la tête entre les mains, psalmodiant comme une insensée. Réfléchis ! Il fallait que je trouve une solution au plus vite. J'étais la seule capable de le prévenir, la seule capable de lui venir en aide. Et j'étais coincée ici, bordel.
Malgré mes doigts moites, je resserrai mon emprise sur le manche du poignard. Alors que j'allais recommencer mes tentatives pour me libérer, l'inutilité du geste me frappa de plein fouet.
Je me voilais la face, jamais je ne parviendrai à briser un maillon de la chaîne avec la seule pointe de mon couteau. Ce métal, sûrement boosté à la magie, était bien trop solide.
L'image mentale de ma louve en train de se ronger la patte pour rejoindre Dorian me mit un coup au plexus, me choquant profondément. Je perdis l'usage de la parole durant une minute, tentant de comprendre la raison d'un tel élan.
Avec horreur, je sentis des larmes de rage et d'impuissance me monter aux yeux. Je secouai la tête pour les chasser et inspirai profondément pour me focaliser sur l'instant présent.
Chaque minute comptait, certes, mais je ne pourrais rien faire en restant reliée à cette entrave. En prenant une profonde inspiration, je me préparais à la douleur qui allait sans aucun doute exploser.
J'entourai les doigts de ma main valides autour de ceux emprisonnés, et, sans perdre une seconde, les dents serrées à m'en faire grincer la mâchoire, je les broyai de toutes mes forces. Mon hurlement de douleur ne masqua pas totalement le craquement des os se brisant, et je sentis des larmes rouler sur mes joues.
Je reniflai, clignai des yeux pour retrouver une vision nette, et parvins à extirper ma main de la menotte. Je sifflai en sentant la douleur irradier – je ne lui accordai qu'un bref regard pour m'assurer qu'elle était toujours bien accrochée à mon poignet.
Comme c'était bel et bien le cas malgré mon ressenti, je me relevai. Le corps fourbu, un voile noir passa derrière mes paupières et je fis quelques pas prudents en avant, le temps que les couleurs réapparaissent dans mon champ de vision.
Après quelques secondes, en faisant fi de mon mal de chien, je me faufilai hors de la grotte en jetant des coups d'œil autour de moi. Heureusement pour moi, il n'y avait pas âme qui vive à la ronde.
Les plaintes de ma louve se mêlaient à mes grognements tandis que je m'élançai en direction du village, tenant mon bras droit contre moi pour essayer d'absorber les chocs. Guidée par les odeurs portées par le vent, j'accélérai les foulées en zigzaguant entre les arbres.
J'avais un Alpha à sauver. Parce qu'il n'était pas trop tard. Il le fallait.
Mon mécanisme de guérison n'allait pas tarder à s'enclencher, mais, dans la position où se trouvaient actuellement mes os brisés, ceux-ci seraient inévitablement ressoudés d'une mauvaise manière. Je redoutais déjà le moment où il faudrait les recasser un par un pour les repositionner correctement.
Lorsque je contournai la barrière menant à la place centrale, mon cœur battait à tout rompre, et ce n'était pas à cause de la course ou de la douleur.
Tout était beaucoup trop calme. L'ambiance lugubre était similaire à celle qui pesait sur les lieux le jour de mon arrivée.
Ainsi, quand une porte claqua, je sursautai malgré moi.
Je fis quelques pas vers la fontaine, et mes jambes faillirent me lâcher en voyant Dorian sur le perron de sa maison. Il était en train de se débarrasser de mes affaires, mais le soulagement de le voir en vie, dans son corps à lui, me coupa la respiration.
— Dorian.
Je n'avais laissé échapper qu'un minuscule murmure, mais il releva la tête aussi vite que s'il avait entendu un coup de feu.
Ma main toujours blessée contre la poitrine, je parcourus les mètres qui nous séparaient en quelques enjambées. Je levai la tête vers lui sans cligner des yeux, et grimpai les escaliers sans rompre le contact.
— J'ai rassemblé tes affaires, ta voiture est réparée. Certains de tes vêtements sont encore dans la machine à laver, Kit a lancé un cycle long pour essayer de désincruster le sang de Dave qui les recouvrait. Je pourrais les renvoyer à la Guilde par la poste quand ils seront secs. Ou les jeter, ils sont sûrement en lambeaux de toute façon. C'est à toi de voir.
Le ton de Dorian avait été aussi plat que si un robot s'était emparé de lui. Pendant un instant, je me demandai si Erwen et sa sorcière avait réussi leur coup, puis je me souvins de la manière dont nous nous étions séparés la dernière fois que nous nous étions vus.
— On s'en fout de ça. Il faut que je te parle, tu es en d...
Le bruit de verre brisé qui résonna à l'étage me coupa dans ma tirade de mise en garde. Nous levâmes la tête en même temps vers le plafond.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...
