La vieille mégère pinça ses lèvres ridées, et grimaça en roulant des épaules. Elle s'empara de l'ouvrage de mauvaise grâce, et ajusta ses lunettes pour déchiffrer le numéro du code-barre scotché sur la couverture.
— Pas besoin de s'énerver comme ça, grommela-t-elle en tapant avec lenteur les numéros sur son pavé numérique.
— Vous alliez m'envoyer chier, rétorquai-je. J'ai passé l'âge.
— Et moi donc ! s'offusqua-t-elle en écarquillant les paupières.
Mes ongles pianotèrent nerveusement contre le bois, créant un son particulièrement agaçant.
— Alors ? la pressai-je.
— Personne.
Mes doigts se serrèrent en un poing, cessant de faire le moindre son. Je me penchai en avant.
— Je vous demande pardon ?
— Personne n'a jamais emprunté ce livre, répéta Dolly en roulant des yeux.
Devant mon regard, elle crut bon de préciser :
— Tout le monde a une Bible qui traîne dans une bibliothèque ou un tiroir. Qui voudrait en emprunter une ? Une consultation sur place, à la rigueur, mais rien de plus. (Son haussement d'épaule m'agaça prodigieusement.) C'est logique, m'enfin.
Mes théories tombant à l'eau, je levai les yeux vers le plafond, à la recherche d'éventuelles caméras.
— Vous n'avez pas de caméras, je suppose ?
Elle se recula dans sa chaise qui émit un couinement de protestation.
— Vous supposez parfaitement bien.
— Je vous remercie de votre temps, Dolly. Vous êtes bien aimable, mentit-je avec aplomb.
Elle m'adressa un sourire tordu qui n'eut pas besoin de traduction : tout aussi faux que mes mots. Ça m'allait très bien.
Je me penchai par-dessus la banque d'accueil pour m'emparer de l'ouvrage mystérieusement jamais emprunté.
— Mais... Que faites-vous ? Quelle impolitesse !
Refermant les bras autour, je m'échappai de cet endroit en courant.
— Hé ! Il faut régler l'abonnement, mademoiselle ! Et il faut que je scanne ce livre si vous souhaitez l'emprunter !
Je ne l'écoutai pas et accélérai le pas, franchissant le portique anti-vol comme une fusée. Il se mit à sonner frénétiquement, étouffant les cris de la mégère qui s'était levée de son fauteuil.
— Rhô, ça va ! Je vous la ramène votre Bible, promis ! lui lançai-je par-dessus mon épaule en tournant la tête.
Lorsque je regardai de nouveau devant moi, je me retrouvai face à un mur de muscles qui me stoppa bien plus radicalement que Dolly. Si deux bras ne m'avaient pas retenue, je me serais retrouvée le cul dans la poudreuse. L'odeur boisée qui m'entoura fut comme un phare dans la nuit, reconnaissable entre toutes.
Je reculai d'un pas, le dos droit, mettant une distance plus adéquate entre nos deux corps.
— Tu voles ma bibliothèque, maintenant ? me demanda Dorian en haussant un sourcil, un sourire aux lèvres.
— Un emprunt non déclaré, plutôt, le corrigeai-je en jetant un coup d'œil prudent par-dessus mon épaule.
Dorian pencha la tête sur le côté pour lire le titre affiché sur la tranche. Il siffla entre ses dents.
— La Bible, en plus ! Quel crime. (Une pause.) Dolly va te trucider comme si tu étais Jésus en personne.
Je haussai les épaules.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...