Chapitre 23 (3/3)

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— C'était la méthode de mon père pour apprendre aux louveteaux à maîtriser leur transformation. Mais jamais, je jure que jamais, je n'ai usé d'une telle barbarie contre mes enfants. Dès que je l'ai pu, je lui ai botté le cul pour prendre la tête de la meute à sa place.

Je n'en avais nul besoin, mais l'étincelle qui brûlait dans ses yeux me hurlait qu'il disait vrai. Devant son expression farouche, je hochai la tête et insistai :

— Donc on oublie le vilain collier et on écoute Dalaena, agent spécial de la Guilde.

— Envoyée par la branche de Chicago, termina-t-il en m'adressant un sourire qui me chamboula. Je te fais confiance pour me redonner mon apparence normale quand le moment sera venu.

Lorsque Dorian avait ordonné à Louis de se métamorphoser, il avait usé de son pouvoir de meute, de sa puissance d'Alpha. Éberluée devant ces mots, dans l'incompréhension la plus totale, je secouai la tête, les yeux écarquillés.

— Mais comment pourrais-je ordonner à un Alpha de changer ? Tu n'as pas vu la vague de magie qui a déferlée sur le village quand tu lui as parlé. Moi si ! Tu ne lui as soufflé qu'un seul mot, Dorian. Un seul, et il a obéit. Je ne suis qu'une louve solitaire, je n'aurais jamais assez de puissance pour t'ordonner un truc pareil. Et si un membre de ta meute avait assez de dominance pour te restreindre à faire quelque chose, crois-moi que tu ne serais plus Alpha depuis belle lurette. Mais Kit pourrait peut-être...

— Kit est encore un enfant, Dalaena.

Je savais qu'il disait vrai, mais une part de moi doutait de mes capacités. Ce qu'il voulait, c'était un truc irréalisable.

— Mais toi, reprit-il, il y a un moyen pour que tu puisses m'obliger à faire quelque chose.

Désemparée, je haussai les sourcils.

— Lequel ?

— Je te le dirais dans une seconde. Mais d'abord, embrasse-moi.

Même si les mots me surprirent, je n'hésitai pas.

Parce qu'il me le demandait, parce qu'il allait perdre toute humanité d'ici peu, mais avant tout parce qu'il y avait indéniablement quelque chose entre nous, je passai les bras à l'intérieur de la cage. Je refermai les poings sur le pull qui s'étalait sur son torse, et attirai Dorian à moi, presque avec le désespoir de l'absence, avec brusquerie.

À travers les barreaux métalliques, nos lèvres se percutèrent et le circuit électrique se ferma. Nos énergies se mêlèrent avec une justesse qui ravit ma louve, leurs aspérités et leurs failles se comblant parfaitement avec celles de l'autre, comme une fermeture Éclair que quelqu'un remonterait.

Les lèvres de Dorian, douces et chaudes, étaient aussi affamées que les miennes. Je frissonnai des pieds à la tête, et l'infime gémissement qu'il poussa me fit basculer. Comme pour mieux me fondre avec cet Alpha, mon corps se retrouva plaqué contre la cage. La chaleur qu'il dégageait était incroyable, et les vagues brûlantes qui me percutaient étaient aussi délicieuses que ce baiser.

Ses mains se perdirent dans mes cheveux, ses pouces effleurant doucement mes joues. Les chaînes accrochées à ses poignets tintaient près de mes oreilles. Tandis que nos langues entamaient une danse langoureuse, mon cœur battait à un rythme effréné, frappant contre ma cage thoracique comme s'il voulait s'en échapper. J'entendais parfaitement celui de Dorian, qui n'était pas insensible non plus à mon charme.

Comme j'en avais si souvent eu envie, je laissai courir mes doigts le long de ses mâchoires, de son cou, du V de peau visible entre ses clavicules. J'appréciai la texture de sa barbe, la douceur de sa peau et l'épaisseur des cheveux de sa nuque.

Lorsque je m'éloignai de quelques centimètres pour reprendre ma respiration, je croisai son regard. Alourdi par le désir, son bleu glacier avait laissé place à l'indigo d'une mer agitée par la tempête. Son loup, tapi dans ses iris, me surveillait depuis sa taverne, guettant le meilleur moment pour bondir et planter ses crocs dans ma gorge.

Il posa son front contre le mien, et nous sûmes.

Nous sûmes que cela ne se reproduiraient jamais.

Que ce baiser serait le seul et l'unique que nous n'échangerions jamais. Que nous ne pourrions pas succomber à cette alchimie sous peine de le regretter amèrement. Qu'il faudrait que je m'en aille dès que possible.

Farouchement opposée à cette idée, ma louve grondait en plaquant ses oreilles en arrière.

Était-ce pour cette raison qu'il m'avait ordonné de foutre le camp, dès mon arrivée ? Dorian avait-il eu assez de flair pour s'en rendre compte ?

Aussi accablé que moi, il attendit quelques secondes avant de souffler :

— Si je t'appose ma marque, tu seras identifiée aux yeux des autres comme étant ma compagne. Cela pourrait faire de toi une louve Alpha.

Je m'écartai en écarquillant les yeux. Ses lèvres étaient rouges et gonflées, je devais être dans le même état.

— Tu es fou ? parvins-je seulement à lui répondre.

Dorian déglutit, m'observa et se passa la langue sur les lèvres avant de préciser :

— De manière temporaire. Si tu es élevée au rang d'Alpha, tu pourras m'obliger à reprendre ma forme normale.

— Mais pourquoi moi ? Skaï ou quelqu'un d'autre ne pourrait-il pas... ?

— Ils sont tous déjà promis à une partenaire. Et toi, souffla-t-il en glissant une mèche de mes cheveux derrière l'oreille, une lueur de tristesse dans le regard, je sais que tu en es capable. La marque disparaitra d'ici quelques jours, insista Dorian.

Je refermai les doigts autour des barreaux, les serrant jusqu'à ce que mes jointures blanchissent.

— Une temporaire, tu me le jures ?

Son regard était grave. Il hocha la tête. La queue de ma louve fouettait l'air de manière menaçante. Elle avait envie de hurler et de mordre.

— Sur la vie de Kit.

— Très bien, capitulai-je en pinçant les lèvres. Mais pas sur le cou. Et fais ça rapidement.

Tout en croisant son regard douloureux, je lui tendis mon poignet. Derrière ses yeux, le loup souriait de manière terrifiante, ses crocs luisants à découvert.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant