Lorsque Dorian referma la porte d'entrée derrière nous, de manière un peu brutale, j'eus l'impression de me retrouver au jour de notre rencontre.
À cause de mon statut de louve solitaire, il m'avait intimement ordonné de refuser la mission. Puis il m'avait plaquée contre la porte lorsque j'avais insisté pour rester. Et j'avais menacé de lui trancher l'entrejambe quand il avait tenté d'user de son pouvoir d'Alpha pour inciter ma part animale à foutre le camp.
Dorian s'arrêta dans le couloir qui menait au salon, si abruptement que je faillis lui rentrer dedans. Ses épaules étaient si crispées que le dessin de ses muscles se voyaient même à travers son pull.
Alors que j'hésitais à poser la main sur lui pour le pousser à me parler, il fit volte-face, attrapant au vol mon poignet. En remarquant la frustration et la colère dans ses yeux, je n'en compris pas immédiatement la raison. Qu'avais-je encore fait ?
Ma louve, plus primitive, ne se souciait que de ce contact, de cette chaleur qui passait de ce corps au sien. Intérieurement, elle s'étirait, enthousiasmée à l'idée qu'un semblable lui porte enfin de l'intérêt. Complètement à côté de la plaque. Les interactions sociales n'étaient pas son fort. Car là, vu l'expression de Dorian, il n'éprouvait rien de similaire.
Pourtant, je savourai moi-aussi ce contact – mais durant une seconde uniquement –, me vautrant dans le luxe de cette proximité inhabituelle pour les loups solitaires.
Ensuite, la mauvaise humeur de Dorian transperça ma bulle pour venir réduire à néant les espoirs de ma part animale.
Il était si près, et pourtant si loin.
Lorsqu'il tira sur mon bras pour me rapprocher de son corps brûlant, mon cœur rata un battement, avant de repartir de plus belle, cognant contre mes côtes.
Son visage se trouvait à quelques centimètres du mien, ses lèvres bien trop proches. Un air douloureux passa furtivement sur ses traits, et il baissa les yeux sur ma bouche.
Je me figeai, la respiration bloquée.
Qu'était-il en train de se passer ? Il était si près que je pouvais sentir l'odeur boisée de sa peau.
Comme s'il était pris dans les méandres d'un terrible dilemme, un pli apparut entre ses sourcils. Nous étions aussi immobiles que la statue du loup dehors.
Un ange passa. J'étais certaine qu'il pouvait entendre le martellement de mon cœur. Mais il n'était pas en reste ; je voyais la veine de son cou palpiter à un rythme démesuré.
Je cessai de respirer. Endurai sans rien laisser paraître les gémissements d'envie de ma louve. Il était si près.
Tellement. Près.
Sans m'en rendre compte, je savourai les picotements qui parcouraient mes bras et ma nuque. J'étais à un poil de baisser les barrières et de me laisser aller. Si proche.
La puissance et le pouvoir de Dorian enflaient à mesure que les secondes s'égrainaient, me recouvrant de la tête aux pieds. La chaleur et le bien-être me collait à la peau, comme si quelqu'un resserrait une épaisse couverture autour de mes épaules.
Sa magie m'englobait toute entière, cherchant à s'entremêler à la mienne, l'effleurant de caresses invisibles.
Intérieurement, ma louve roula sur le dos, mettant à nu son ventre dans un signe évident de totale confiance. Je clignai des yeux devant ce soudain et rarissime comportement. Inconsciente. Elle était totalement folle. Prête à se soumettre pour quelques palpitations.
Comme si la distance qui nous séparaient était trop grande, Dorian colla rudement son front au mien. Le pli entre ses sourcils n'avait pas disparu, et il tenait toujours mon poignet.
Même si je l'avais voulu, j'aurai été incapable de m'éloigner de lui. Pas parce qu'il me maintenait avec trop de fermeté, non.
Mais parce que sa magie s'accrochait à ma mienne comme un naufragé jeté à la mer ayant trouvé un rocher, avec fermeté et désespoir – et vice versa. Des étincelles me brûlaient la peau là où ses doigts me touchaient, d'autres naissaient entre nos fronts, s'éteignant derrière mes yeux clos.
Je n'entendais que sa respiration rauque, savourant la chaleur de son souffle sur mes lèvres. L'un de nous n'avait qu'à tendre légèrement le cou pour réduire à néant la distance qui nous séparait.
Le vestibule était envahi de nos effluves de pouvoir mêlés et de désir, échafaudant petit à petit une puissance phénoménale.
Il ne faudrait qu'une allumette pour que tout s'enflamme.
À l'étage, le parquet grinça. Ni Dorian ni moi ne bougeâmes pour nous écarter l'un de l'autre. Si Kit descendait à cet instant, tout volerait sans doute en éclat. Mais peut-être que la bombe d'énergie bouillonnante que nous avions créée dissuaderait quiconque de s'approcher. Mettre le feu aux poudres d'un truc pareil ne laisserait personne indemne.
Puis tout changea.
Je sentis Dorian secouer la tête contre mon front, sa peau glissant contre la mienne. Avec difficulté, comme engluée dans un miel au parfum réalisé sur-mesure, je relevai les paupières pour l'observer. Les siennes étaient fermement serrées, et le pli entre ses sourcils s'était accentué.
— Non...
Ce simple mot se transforma presque en supplique, lâchée entre ses dents serrées. J'avalai avec difficulté ma salive.
Il ouvrit les yeux, croisa les miens, et bascula aussitôt la tête en arrière, le regard fuyant, brisant le contact. Malgré la furtivité, j'eus le temps de voir ce qu'il ne voulait pas que je lise dans ses iris animales : il n'avait aucune envie de mettre un terme à ce que nous étions en train de créer. Lui aussi n'était pas en phase avec ce que lui dictait son loup.
— Non, répéta-t-il plus fermement vers le plafond, comme pour s'en convaincre.
Sa voix n'était qu'un chuchotement. Il contractait si fort la mâchoire qu'un angle droit se dessinait sous son oreille. La barbe naissance sur sa mandibule semblait douce. Je muselai l'envie de ma louve d'y laisser courir les doigts.
Pas une seconde il n'avait cessé de caresser la peau fine de mon poignet avec son pouce.
Dorian avait raison. Si nous finissions ce que nos loups avaient commencés, tout ceci serait une très grosse erreur.
Alors que j'allais récupérer mon bras, je le sentis prendre une profonde inspiration, comme pour se remettre les idées en place, et son torse poussa contre mes seins.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...