Contre toute attente, l'émotion principale qui découlait de Dorian n'était pas la peur. Je venais de lui révéler qu'il pourrait se transformer en marionnette d'un instant à l'autre, n'importe qui aurait été terrifié à l'idée de ne pas pouvoir se contrôler.
Mais pas Dorian Morff.
Lui, c'était une colère sourde qu'il ressentait, pulsant par vagues brûlantes.
Il bouillonnait d'une telle rancœur que je n'osai pas dire un mot. Qu'aurais-je pu faire ? Lui dire que tout allait bien se passer ? Je priai pour que cela se passe au mieux, mais je n'étais aucunement en manière de le lui garantir.
Dissimulant ma main blessée contre ma cuisse, nous descendîmes les escaliers menant à la cave dans un silence entrecoupé par les grognements de Tina, qui s'intensifiaient à mesure que nous nous enfoncions dans la terre. C'était un signe encourageant : les barreaux en argent avaient tenu et la jeune femme, bien que transformée, était toujours en vie.
De lui-même, Dorian alla ouvrir la cage la plus éloignée de celle de Tina, et baissa la tête pour entrer à l'intérieur. Il pouvait y tenir debout sans souci. Sa simple présence excitait le monstre qui se tenait presque à côté, la jeune femme tendait les bras à l'intérieur de la cage vide entre eux, comme si elle pensait pouvoir l'attraper.
À travers les barreaux, l'Alpha me tendit la clé. Je l'attrapai et une émotion nouvelle s'empara de moi quand je baissai les yeux dessus.
D'un doigt, Dorian me releva le menton.
— Regarde-moi, Dalaena.
Je ne pouvais rien faire d'autre. Pas quand un Alpha de son envergure se retrouvait enfermé dans une telle cage – de son plein gré.
— Tout va bien se passer, dit-il pour me rassurer alors que, de nous deux, la personne à rassurer aurait dû être lui.
Son avenir proche était si incertain que cela me retournait le ventre. Comment devait-il se sentir ? Je lui adressai un sourire tordu, pas dupe pour un sou.
— Cette situation pourrait foirer de tellement de manière que tu n'aurais jamais dû me dire ça.
— Oui, c'est vrai. Mais tu avais l'air d'avoir besoin de l'entendre. (Il tendit la main entre les barreaux, paume en évidence, l'air l'attendre quelque chose.) Donne-moi ta main, ça ne sert à rien de la cacher derrière-toi.
Puisque nous n'avions pas le temps de nous chipoter, j'obéis en roulant des yeux, posant sans douceur mes doigts douloureux au creux des siens. Je grimaçai aussitôt en sifflant, et hoquetai quand il caressa mon index.
La douceur qu'il employa en inspectant mes articulations, les retournant avec dévotion, scrutant le moindre tendon déchiré, me prit au dépourvu et je frissonnai à son contact.
— C'est avec une main dans cet état que tu comptes me sauver ? s'enquit-il en relevant un sourcil.
Je plissai les paupières.
— Je n'ai pas pensé à demander les menottes grandes tailles, raillai-je. Mais merci, j'y penserai pour la prochaine. Ou alors je peux toujours rentrer chez moi, maintenant que tu es enfermé ici.
En riant doucement, il secoua la tête et recouvrit mes doigts de son autre main. Comment pouvait-il rire ? Il allait se transformer en monstre et perdre toute notion de contrôle !
— Tu es impossible.
Une chaleur enfla entre ses paumes, baignant ma douleur d'un doux halo magique. Malgré le bien-être que cela me procura, je devais doucher ses ardeurs.
— Si tu espères me soigner comme ça, tu te fous le doigt dans l'œil, Dorian. Je connais, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. Nous n'avons pas le temps de me péter les jointures et d'attendre tranquillement qu'elles se ressoudent correctement.
— Moi aussi, je connais, tu sais. Je peux les remettre en place de cette manière.
— Je veux bien voir ça.
— Toujours le dernier mot, souffla-t-il avant de fermer les yeux.
Je détaillai la sérénité de son visage, la barbe qui naissait sur ses joues, la longueur incroyable de ses cils. Malgré son immobilité et ses paupières closes, il était impossible qu'il ignore que je le dévorais des yeux de la sorte.
Alors, lorsqu'il les rouvrit, quelques secondes à peine après les avoir fermés, je tombai droit dans le regard du loup. Un peu gênée d'être prise sur le fait, je me raclai la gorge et il baissa les yeux sur nos mains jointes.
— Voilà, c'est fait.
— C'est tout ? m'étonnai-je. Pas de douleur, de cris, d'éclair de lumière ou de craquements lugubres ?
— Non. Essaie plutôt, au lieu de cracher sur ma puissance.
Avec appréhension, je me préparai à écarter les doigts. Sans aucune douleur, aucune entrave, ils m'obéirent aussitôt. Totalement subjuguée, je parvins à replier mon index, à lever mon majeur – je ricanai –, à serrer le poing et à faire craquer mes jointures sans aucun souci.
— Putain, soufflai-je.
— Un simple « merci » aurait suffi.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...