Chapitre 27 (1/3)

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Ce fut les lamentations d'Erwen qui permirent à ma conscience de reprendre le contrôle. J'ouvris les yeux, baissai les yeux sur mes mains redevenues humaines et me retrouvai projetée dans une véritable scène de guerre. L'odeur putride de la magie surplantait toutes les autres, comme anesthésiant mes facultés.

Jugeant son travail accompli avec brio, ma louve s'était retirée, me laissant seule maîtresse à bord du navire.

L'adolescent, handicapé par la blessure de sa jambe, se traînait comme il le pouvait sur le sol en gémissant. En se tractant avec les bras de cette manière, il ressemblait à une grosse chenille. Ses mouvements désordonnés avaient détruit une bonne partie du pentagramme, créant une épaisse traînée de sang à sa suite.

Il se dirigeait vers le corps inerte de la sorcière.

Allongée sur le dos, je ne sentais plus aucune vie émaner d'elle. Sûrement à cause de la balafre qui lui ouvrait le cou en deux. Une flaque de sang se répandait sous elle à vitesse grand V, et ses yeux écarquillés sur le vide s'étaient opacifiés.

Je plantai mes dents dans ma lèvre inférieure en constatant le funèbre spectacle. Pour en arriver à une telle extrémité, le combat avait été, pour sûr, acharné. D'expérience, j'avais malheureusement appris que les affrontements liés à la magie n'étaient jamais vraiment réglos.

Je jetai un coup d'œil à Kit. Grognant sur place en se tenant la tête, il n'avait pas l'air très enclin à venir m'arracher les membres. Malgré l'interruption de l'invocation, le flux de magie était toujours bien présent et le fils de l'Alpha ne semblait pas encore sur le point de redevenir lui-même.

— Kit, est-ce que tu m'entends ? dis-je en me relevant.

J'attrapai ma veste du bout du bras et l'enfilai sans le quitter du regard, aux aguets. Pareil à une bête sauvage, au comportement agressif et aléatoire, je m'en méfiai comme de la peste. Pauvre gamin.

Lorsque le son de ma voix lui parvint, il releva la tête comme s'il avait entendu un coup de feu. Il tomba alors à genoux et ses immenses griffes labourèrent le sol. Ses babines relevées sur ses crocs laissaient filtrer des grognements d'une intensité terrifiante.

Je remarquai que son corps effectuait d'infimes balancements d'avant en arrière, trop brusques pour être volontaires, comme si ses cuisses voulaient me bondir dessus, mais que ce qu'il lui restait de conscience humaine le lui interdisait.

— Ne t'inquiète pas, bonhomme, soufflai-je dans sa direction, on va te sortir de ce merdier.

Les geignements qu'Erwen produisaient attirèrent mon attention. Ils montaient crescendo à mesure qu'il se rapprochait de la femme égorgée. Lorsqu'il parvint à sa hauteur, il fit le même constat que moi : elle ne se relèverait pas. Jamais.

Le hurlement de rage qu'il poussa me fit sursauter et des frissons recouvrirent ma peau.

— Non ! Maudite sorcière ! hurla-t-il en attrapant les cheveux de la dépouille pour lui secouer le crâne. Tu m'avais promis que nous viendrions à bout de l'Alpha avec cette magie !

La puissance de ceux qui la manipulait se mesurait en fonction de la concentration de pouvoir dans leur sang.

Avec hargne, Erwen arracha la partie du fin tuyau toujours enfoncé dans son bras. Ce faisant, il réalisa qu'il baignait dans le sang qui continuait à se déverser de la gorge déchiquetée, et je vis à son expression qu'une nouvelle idée lui était venue à l'esprit. Un truc vraiment morbide.

Le regard qu'il me jeta, comme pour évaluer la distance qui nous séparait et le temps que je mettrai à venir l'arrêter, ne fit faire qu'un tour à mon sang.

Alors que je bondis droit sur lui, le gamin se jeta en avant et se mit à lécher le sol comme un frénétique, absorbant un maximum du précieux liquide magique avant qu'il ne soit trop tard. Il se roulait dedans comme un porc dans la fange. Le spectacle était aussi écœurant que cela en avait l'air, et je le repoussai d'un coup de pied sur le flanc, loin du bain de sang qui pourrait le rendre plus puissant.

Comme soudain ivre, il éclata d'un rire de dément en se léchant les doigts. Il raclait les dents contre ses avant-bras quand j'arrivai à sa hauteur, appréciant le goût en gémissant de plaisir.

Il se débattit comme un diable et son corps rendu glissant par le sang qui le recouvrait ne me permettait pas d'avoir une prise suffisante pour lui maintenir les bras dans le dos.

En entendant son rire une nouvelle fois, je perdis pied.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant