Chapitre 9 (2/2)

3.6K 343 17
                                        

Le changement de stratégie fut si radicalement différent que j'écarquillai les yeux en pliant mon dos en arrière pour l'éviter. Soit Dorian se doutait que j'allais parvenir à l'esquiver, soit il n'en avait vraiment plus rien à foutre de me défigurer pour de bon.

Il profita de cette seconde d'inattention pour envoyer cogner son genou contre le mien, et je jurai en sentant mon poids basculer sur le côté.

J'accompagnai ma chute d'une pulsion de la main pour rebondir plus loin.

— Joli, railla-t-il.

— Dix ans de danse au compteur, répliquai-je en effectuant un coup de pied papillon.

Il bloqua ma jambe avant même qu'elle ne puisse le toucher. Et il refusa de la lâcher.

Avec un équilibre précaire, je me retrouvai sur un pied comme une godiche, sautillant pour ne pas chuter.

— C'est pas du jeu, ça, soufflai-je en gonflant les joues.

— Si.

— Comme tu veux.

En priant pour qu'il continue à me tenir aussi fermement, je jetai ma jambe libre en direction de son visage, le haut de mon corps pivotant à l'horizontale.

Ma cheville percuta sa tempe dans un grognement douloureux. Il me lâcha dans la manœuvre, et je me réceptionnai à la perfection, accroupie dans la neige, un pied tendu sur le côté.

Avec souplesse, je me relevai. Les mains sur les hanches, je contemplai Dorian allongé par terre. Le regard qu'il leva dans ma direction était sonné.

— Je n'y suis pas allée de main morte, grimaçai-je en lui tendant la main. Désolée, je voulais récupérer ma jambe.

Il attrapa ma main et me tira vers lui sans douceur.

Emportée dans le mouvement, je trébuchai en avant en me prenant les pieds dans les siens, et je me retrouvai étalée sur lui, les mains à plat sur son torse nu. Avant que je ne puisse me redresser, il envoya un coup de rein qui me fit basculer sur le côté, et il roula sur moi.

Je clignai des yeux en sentant mes mains emprisonnées au-dessus de ma tête. Le visage fermé de Dorian était la seule chose qui emplissait mon champ de vision.

— Tu me dois trente dollars, dit-il d'un ton absent, resserrant sa prise sur mes poignets, écrasant son bassin sur le mien pour m'empêcher la moindre roulade.

Je grognai en ruant. Vaincue pour cette fois, je soufflai en décrispant mes muscles.

— Il me semble que j'ai gagné, Dalaena, membre de la Guilde. L'acceptes-tu ?

Je détournai les yeux en guise d'assentiment muet.

— On avait dit vingt balles. Pas trente.

— Ah oui ? répondit innocemment l'Alpha.

— Ouais, marmonnai-je.

Quelques minutes plus tard, alors que j'étais en train de remettre ma veste, Dorian se tourna vers moi.

— Merci.

Remarquant qu'il détournait le regard, comme gêné d'avoir été pris sur le fait, je l'imitai et fis mine de remettre correctement le bas de mon jean dans le haut de ma botte.

— Pas de quoi. Par contre, je n'ai pas de monnaie. Tu acceptes la carte ?

Penchée en avant, je captais la lueur de son regard. Malgré sa tristesse, la perche était trop belle, et il mordit comme je m'y attendais.

— Non.

Je me redressai et le regardai s'essuyer le torse avec son T-shirt en boule.

— En résumé, tu prends les biftons, mais rien d'autres ?

— Tout à fait.

Nous commençâmes à retourner au village, quand je lui glissai presque innocemment, sur un coup de tête :

— Et les paiements en nature ?

La quinte de toux qui le secoua lorsqu'il s'étouffa avec sa salive me fit un bien fou. Sans lui accorder un regard, je m'éloignai en le devançant.

J'attendis d'être assez loin de la portée de ses oreilles pour rire.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant