Chapitre 12 (1/3)

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Je déboulai dans le salon comme si j'y avais été jetée par le diable lui-même. Les lumières du plafond avaient été éteintes, et la seule source lumineuse provenait de la télé, toujours branchée sur Breaking Bad. L'écran semblait projeter un filtre opaque sur les meubles, créant des endroits sombres. Une odeur de chocolat chaud flottait dans l'air.

Le son de ma respiration attira l'attention de l'Alpha assis à côté de Kit, et il me jeta un regard par-dessus le dossier du canapé. Même dans la noirceur de la pièce, je vis son regard étinceler lorsque son loup y fit une apparition, menaçant.

Il n'appréciait pas la présence d'un congénère étranger à sa meute sur son territoire. L'envie d'éliminer ce potentiel danger était palpable.

Même si je ne voyais que le haut de sa tête, j'imaginais parfaitement ses doigts se crisper sur les coussins et ses griffes s'enfoncer dedans lorsque je lui répondis en montrant les dents.

Il gronda. Un son dangereux qui sortit tout droit de son torse, remontant de sa gorge pour créer une musique annonciatrice de mort.

À ses côtés, Kit bondit. En une seconde, il s'était tourné vers son père, le visage déformé par l'incompréhension.

— Mais ça va pas ? s'exclama-t-il. Qu'est-ce qu'il te prend ?

Lorsque l'ado se rendit compte que l'attention de Dorian n'était plus consacrée à un Walter White en combi jaune, il l'imita et se tourna lui-aussi vers moi. Je l'entendis reprendre sa respiration quand il me découvrit là, dans l'encadrement du salon. Il ne m'avait pas entendu arriver.

Dorian gronda de nouveau, et, en le voyant dans un tel état, Kit sauta sur ses pieds, envoyant valser le plaid qui le recouvrait.

— Bonne nuit ! dit-il prestement avant de filer.

Sa voix était trop haut perchée, suintant l'urgence. Il me contourna exagérément pour remonter l'escalier menant à sa chambre. Il n'avait même pas pris le temps de mettre en pause son épisode. Il s'était sentit de trop, visiblement. L'ambiance qui était tombée dans le salon était électrique.

Dorian attendit que la porte à l'étage ne claque avant d'exploser.

— Nom de Dieu, mais tu as perdu la tête !

Tout en hurlant, il s'était levé. Ses doigts serraient le dossier du canapé qui se dressait entre nous comme si celui-ci était un bouclier infranchissable.

Je m'avançai droit vers lui, m'engouffrant dans la pièce sombre. Sous mes talons, le bois résonnait comme des tambours de guerre.

Dans son dos, l'écran le faisait passer pour une silhouette d'ombre. Un grondement bas et constant vibrait, comme un avertissement.

Je m'arrêtai à quelques centimètres de lui, refermant les doigts sur le dossier du canapé, exactement comme il le faisait. Ce rempart de mousse et de cuir était tout ce qui nous empêchait de nous sauter dessus. Seuls quelques centimètres séparaient nos mains, la chaleur qu'il dégageait était incroyable.

— Quoi ? vociférai-je en campant mes pieds au sol.

Aux éclairs qui parcouraient ses iris, Dorian s'apprêtait à me lancer une réplique bien sentie mais il se figea en plein mouvement lorsqu'il inspira.

Le loup s'avança de quelques millimètres, comme attiré par un truc qui avait capté son attention au-delà de sa colère. Ses mâchoires se contractèrent lorsqu'il serra les dents. Il baissa les paupières et un borborygme inintelligible se fit entendre entre deux grognements.

La tempête de notre irritation tourbillonnait entre nous en crépitant. Il n'aurait suffi que d'une étincelle pour nous enflammer. C'était bien plus qu'une histoire de culotte.

— Recule, répéta Dorian.

Le ton employé était de ceux qui ne laissait pas de place à la négociation. Je relevai pourtant le menton, le corps immobile. Ma voix était basse, mais parfaitement audible.

— Je ne bougerai pas.

Le son que produisait le torse de l'Alpha était aussi agressif que du gravier jeté dans un tamis en métal. Les oreilles de ma louve étaient plaquées en arrière, ses crocs à découvert. Il ne manquerait presque rien pour qu'elle ne se jette à la gorge de celui qui la menaçait sans détour. Territoire ou pas territoire.

— Ton odeur, gronda-t-il en plantant ses doigts devenus griffes dans le cuir du dossier.

— Je sors de la douche, m'indignai-je en montrant les dents. C'est la première depuis des jours, mais je me suis appliquée.

Un son sourd remonta de sa gorge, et lorsque Dorian parla, sa voix était si rauque que ce fut comme si le loup et l'homme grondaient de concert :

— Elle est nôtre. Et sur toi.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant